À Utrecht, aux Pays-Bas, l’ambiance est déjà à Noël début novembre. Aux abords du canal, cafés cosy et arbres illuminés se succèdent. Surplombant les quais, le club BASIS brille de son enseigne qui annonce déjà les festivités. Le soir même, le lieu s’éveillera au rythme d’un duo de performeurs queers, d’un proche de Mykki Blanco et d’une DJ brésilienne. Dans quelques heures, le festival Guess Who ? débutera. Le centre-ville d’Utrecht, aisé à parcourir à pied, est prêt à devenir, le temps de trois soirées, le terrain de jeu des festivaliers, qui vont avoir le choix entre se rendre au grand centre culturel du Trivoli-Vredenburg, préférer l’ambiance plus solennelle et quasi mystique de l’église de Domwerk, et terminer dans l’ambiance fêtarde des clubs…
Avec l’équivalent d’une trentaine de concerts par soir, le tout dans plusieurs lieux, aucun parcours de prédilection n’est donné. Et tous les genres musicaux sont au rendez-vous. Cette année, l’un des artistes en charge de la programmation est Shabaka Hutching, un multi-instrumentiste qui manie aussi bien le saxophone que la clarinette, et qui dirige un orchestre anglo-barbadien aux influences jazz. Il n’est pas le seul à avoir l’opportunité d’inviter des artistes, tout comme Moor Mother. Originaire de Philadelphie, celui-ci expérimente tant l’électronique que le punk, au travers de textes poétiques et protestataires. Autant dire que l’événement ne cherche pas à s’ancrer dans un style de musique très défini.
Cette offre musicale foisonnante, du jazz au rock, en passant par l’électro et le rap, est au cœur de la programmation ; et l’alchimie opère. Le festival se vit comme une déambulation sonore où la curiosité est sans cesse en éveil. À commencer par le duo indonésien Senyawa. Wukir Suryadi, l’un des deux membres, jouait d’un instrument en bambou qu’il a lui-même fabriqué, et dont il pouvait en sortir des sons curieusement électriques. Rully Shabara, l’autre membre, y posait un chant tantôt très mélodieux, tantôt très rauque, jusqu’à assister à des moments de transe. Ce voyage continua aux côtés du groupe japonais de rock progressif Shintaro Sakamoto. L’apparence du chanteur, cheveux longs en pagaille, se dévoila comme un clin d’œil nostalgique à John Lennon.
Shintaro Sakamoto @ Jelmer de Haas
Cette odyssée ne pourrait se faire sans un public détonnant. Venu de partout en Europe, celui-ci est à l’écoute. Aucun moment de liesse collective, mais une concentration commune, presque religieuse, sans pour autant ne pas être réceptif. Lors du concert du chanteur r’n’b, Serpentwithfeet, le public répondit par des rires aux piques du jeune new-yorkais, qui lui livrait à travers ses morceaux, ses chagrins amoureux et son homosexualité.
Serpentwithfeet @ Erik Luyten
La musique électronique trouvait sa place en fin de soirée. L’occasion de découvrir les lieux underground d’Utrecht, des clubs comme le BASIS et le Poema. Les morceaux hyper abrasifs d’Yves Tumor, torse nu, y ont résonné dans une ambiance électrique. Dans cette déflagration de sons digitalisés à l’extrême, quelque chose d’extrêmement sensuel s’en est dégagé. Autre ambiance avec l’Anglais Paddy Steer, curieux personnage coiffé d’un scaphandre, qui sautait de sa batterie à son ordinateur. Ces bondissements périlleux donnent vie à un mash-up subtilement maîtrisé de bandes-son old school des jeux vidéo de plates-formes des années 90 (du funk cosmique, paraît-il). Dekmantel Soundsystem a assuré en beauté la clôture de la soirée du samedi avec un set de 3h.
Yves Tumor @ Tim van Veen
Venir au Guess Who ?, c’est se laisser embarquer en terres musicales inconnues, entre concerts et performances surprises.