Paris : l’Officine 2.0, le discret club psytrance, hardtek et techno de Châtelet-Les Halles

Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Jerome Emeriau
Le 12.10.2017, à 10h57
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©Jerome Emeriau
Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Jerome Emeriau
Contrairement à la majorité des nouveaux clubs de la capitale, l’Officine 2.0 a ouvert en toute discrétion. Pas d’agence de RP pour bombarder les médias, pas de teasing sur Facebook, pas de secret guests prestigieux. Nada. Un an après son inauguration, cette petite pagode de l’underground parisien où défilent tranceux, drag queens, teufeurs et technophiles carbure pourtant à plein régime.

Les habitués des terrasses des Halles l’auront peut-être remarqué. Depuis septembre dernier, une bannière flotte près d’un soir sur deux sur la façade noire du 11, rue de la Grande Truanderie, un passage étroit tiré entre la rue Saint Denis et les terrasses bondées des Halles. “L’Officine 2.0. : Underground Electronic Music”, or sur noir. En tendant l’oreille un soir de semaine, sur les coups de 20 heures, on jurerait y entendre résonner de la bass music ou de la trance. Pas banal, pour un afterwork dans le premier arrondissement de Paris.

À l’origine de ce club discret, presque secret, vient Fabrice Rackam. Activiste techno de la première heure, c’est notamment lui qui bookait en 1992 Manu le Malin pour un set d’anthologie sous le pont de Tolbiac. Durant la même décennie, il organise le premier festival trance de France avec son association Gaïa Concept, et plus de 250 autres dates depuis. L’Officine 2.0. – la version 1 s’était installé un temps au Gibus Café – est son dernier projet. Plutôt que d’envoyer à la pelle des communiqués de presse pour clamer au tout-Paris l’ouverture de ce nouveau lieu underground, il a décidé de laisser les choses se faire, à l’ancienne.

200 soirées y ont déjà été organisées en un an. Outre les genres en vogue dans la capitale comme la techno, la house et même le disco, les musiques plus « dures » comme le gabber, la bass music ou la hardtek ont trouvé avec l’Officine 2.0. leur repaire parisien. Des collectifs comme Hardpulz (hardstyle), Unifikasound (tribecore) ou l’Extase (trance) y sont même invités d’honneur avec des résidences mensuelles. “Nous prenons beaucoup d’organisateurs qui n’ont pas leur place ailleurs, qui trouvent que les clubs sont trop formatés, explique Fabrice. J’ai voulu revenir aux sources. L’Officine 2.0., c’est tout ce que j’aurais voulu avoir quand j’ai démarré il y a 25 ans.” Résultat, lorsqu’en hiver la température dégringole, que les murs de son disparaissent des pâturages, c’est ici que les teufeurs normands de Bullying Crossing et RaveAge6tem descendent mettre le boxon, au chaud.

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© Hardpulz

Ce vendredi, c’est psytrance. La rue de la grande truanderie est détrempée. Il pleut à verse, si bien que la queue devant l’Officine 2.0. est inexistante et que les fêtards en sarouel comme en chemise-cravate se sont pressés de passer la porte en fer. Au guichet, un membre du collectif résident Tofathom, qui organise la soirée. “Les collectifs gèrent toujours la billetterie, comme ça le public a vraiment le sentiment de se rendre à “sa soirée”.” C’est l’un des commandements de Fabrice. Les autres : la pinte à 7 €, l’entrée sur donation ou à moins de 10 €, l’absence de seuil minimum pour le public que ramènent les collectifs invités, lesquels ne paient pas la location de la salle. “Je veux que des organisateurs pointus, avec un public qui ne dépasse parfois pas les 100 personnes, puissent faire des soirées sans prendre de risques, sans penser à l’amortissement.” C’était le cas du collectif Casual Gabberz, qui y tenait l’une de ses toutes premières soirées en club, bien avant de se produire au Batofar ou au festival Dour.

Une odeur mêlée d’encens et de transpiration pénètre les narines. Le bar fait face à l’entrée du club. Le DJ booth, récemment déplacé, se niche sur la droite. Des plaques de tôle grain de riz lui confèrent un look industriel 90’s. Aux pieds du DJ, qui porte ce soir un T-shirt du Hadra et agite ses mains comme un mage dont les incantations cavalent à 150 BPM, se trouve le seul caisson de basse de l’Officine. Quartier historique oblige, les limitations sonores sont strictes et les vibrations tenues au minimum. Pour compenser, deux paires d’enceintes Void couleur bronze tonnent au-dessus des têtes des premiers danseurs. Avec une capacité de 300 personnes, la salle du haut fait office de dancefloor principal ; les fauteuils en simili-cuir ont été poussés dans un coin. La nuit, tout le monde danse.

Au sous-sol, une seconde salle pouvant accueillir 200 personnes pulse ce soir au rythme de la tech house. De larges colonnes de pierre nue rappellent l’ancienneté de la bâtisse. L’ordinateur du DJ est posé de travers sur un booth en contreplaqué fripé, tandis qu’un large quadrillage de miroirs, fissuré par endroits, dédouble les balancements d’un gars torse nu et en nage. Dans une semi-pénombre moite, l’Officine 2.0. revêt l’éclat des belles soirées chez les potes de potes. L’ambiance est autant propice à la causette avec des inconnus qu’à l’oubli de soi.

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© Hamed Meite

L’entrée à petit prix aidant, les mêmes têtes se pointent désormais aux soirées hardtek et micro house. Nouveauté de la rentrée, l’Officine 2.0. organise désormais des soirées les mardis et mercredis. Malgré l’apparition au line-up de gros noms comme Heretik, le club n’en perd pas sa vocation de tremplin ; pour l’after de la Techno Parade, une soirée entière était réservée aux DJ’s amateurs, sélectionnés via un concours de mix sur Facebook. À la croisée des nouvelles tendances et de la rave à l’ancienne, l’Officine 2.0. a trouvé un créneau qui ne demandait qu’à être exploité.

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