Par Garlone Jadoul
Maud Pouzin a eu mille vies : fondatrice des soirées Scandale ! et du label éponyme, manager de Sexy Sushi, Acid Arab ou encore Mansfield.TYA, mais aussi attachée de presse indépendante dans la musique depuis plus de dix ans. Si la jeune femme de 34 ans affiche un CV à rallonge, elle n’accepte de travailler que pour des projets qui lui tiennent à cœur, avec comme moteur la passion et l’engagement. Aller au bout de ses convictions, c’est aussi ce qui l’a poussée depuis quelques années à adopter un mode de vie « bio », à commencer par ce qu’elle mangeait. Une envie partagée avec sa jumelle, Judith, avec qui elle s’investit dans les causes du véganisme, de l’écologie et de la souffrance animale.
En 2015, les deux sœurs regardent The True Cost, un documentaire sur l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh et l’envers du décor de la fast fashion, réalisant les effets catastrophiques d’une industrie tout sauf écologique. À leur échelle, Maud et Judith décident de modifier leurs habitudes de consommation de la mode : mais comment changer sa manière de s’habiller sans sacrifier au style ? Le sarouel bariolé en bambou, très peu pour elles. Alors, pour pallier le manque de marques véganes et responsables françaises, elles se mettent à regarder plus loin et découvrent que certains pays ont une longueur d’avance sur nous. Suède, Danemark, Angleterre, nos voisins européens voient émerger des labels éthiques et cool, pourquoi pas nous ?
Rapidement, les deux jeunes femmes comprennent que leur manière de penser prend trop de place, qu’il faut en faire quelque chose de concret, lier l’éthique à l’agréable. L’idée folle d’un concept store végan et responsable germe dans leurs têtes : le crowdfunding séduit, les fonds sont rassemblés, le spot parisien ouvre en décembre 2017, et sera suivi par le lancement d’un e-shop en mars 2018. Le nom s’impose comme une évidence : Manifeste011, « Manifeste » en hommage au Manifeste antifashion de la pythie de la mode Li Edelkoort, « 0 » pour marquer le commencement d’une nouvelle aventure et « 11 » en référence au mois du véganisme, créé en 1944.
Deux critères sont imposés pour faire partie des marques vendues chez Manifeste011 : les pièces proposées doivent être véganes, c’est-à-dire ni cuir, ni fourrure, ni laine et ni soie, et produites de manière responsable. Une trentaine de créateurs sont représentés, mais comme Maud nous le fait remarquer, aucune marque n’est parfaite et ce qui compte, c’est la transparence. Sur place, une tablette invite donc les clients à découvrir les labels, leur histoire et leur processus de production. Du local, du bio, du végan ou encore de l’upcycling. La dernière tendance du « rien ne se perd, tout se transforme » est ici représentée par la marque parisienne ultracréative Super Marché, qui utilise des vêtements déjà existants pour proposer un vestiaire moderne, fabriqué dans des conditions bienveillantes. Le duo belge, Façon Jacmin, travaille quant à lui le denim japonais avec des teintures indigo naturelles et recycle 99,9 % de l’eau qu’il utilise. Et non, ça ne coûte pas plus cher de s’habiller éthique, la preuve avec Colorful Standard, qui propose des t-shirts en coton organique à partir de 29 €.
Jusque dans le fonctionnement du shop, Maud et Judith respectent leurs engagements : elles se fournissent chez Enercoop pour une énergie renouvelable, ne donnent pas de shopping bag mais proposent au prix de fabrication des tote bags en coton bio et découpent les étiquettes de prix dans les cartons de livraisons. Elles ont également accueilli une collecte de vêtements pour que les étudiants de la Casa 93, nouvelle école de mode du Grand Paris créatif, créent une collection. Un défilé a eu lieu en juillet 2018 et la collection était vendue en septembre chez les jumelles. Réveiller les consciences, accompagner les jeunes créatifs assoiffés de mode éthique et faire bouger les choses : la mode change, à toute vitesse.
Manifeste fêtera son premier anniversaire le 7 février prochain, lors d’une première soirée à la boutique présentant leur collaboration avec l’Atelier Bartavelle accompagné du DJ set de Manifesto XXI, puis d’une autre à la Java avec entre autres Rebeka Warrior et Paul seul de Casual Gabberz.