Par Anne-Charlotte Michaut
Le point d’interrogation du titre de l’exposition met d’emblée la biennale sous le signe d’une réflexion ouverte sur ce que les arts, visuels et vivants, mêlés à la science et la technologie, peuvent nous apprendre sur notre rapport au monde. En effet, selon Gilles Alvarez et José-Manuel Gonçalvès, directeurs de Némo, « nombre d’artistes contemporains font œuvre de phénomènes astrophysiques, magnétiques, chimiques, nucléaires mais aussi sociétaux, économiques, sociologiques. Par la matérialisation de l’imperceptible, ils produisent de nouvelles cartographies du ‘réel’. »
Pour explorer ces nouvelles cartographies du réel, nous sommes invités à déambuler dans différents espaces thématiques, autour de la Halle Aubervilliers, qui accueille elle-même des œuvres, sous le titre presque surnaturel Combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle ?. Ainsi sommes-nous d’emblée propulsés dans un ailleurs, extra-terrestre, avec la sculpture de Luke Jerram, une planète Mars monumentale flottant, magistrale, au-dessus de nos têtes dans la halle. Afin de s’en approcher, nous sommes invités à emprunter le couloir de miroirs de Guillaume Marmin, Passengers – œuvre nomade qui sera ensuite présentée à Saclay, puis à la Défense, faisant le lien entre les différentes étapes de la Biennale.

Dans les six autres espaces, nous sommes projetés aux confins du réel, à travers des installations extrêmement diverses, parfois minimalistes, parfois immersives, mais toujours bouleversantes. Parmi les œuvres les plus marquantes, Earthworks, du duo Semiconductor, matérialise les phénomènes invisibles, flux constants et imperceptibles de la Terre. Générée par ordinateur, cette installation monumentale et immersive, est une transposition de diverses données sismiques en ondes visuelles et sonores, nous immergeant au cœur de l’Anthropocène.

De l’autre côté de la halle, dans l’atelier 5, une installation aussi monumentale, et plus frontalement inquiétante, se démarque : The Nemesis Machine – From Metropolis to Megalopolis to Ecumenopolis, de Stanza. En constante évolution, cette œuvre impressionnante faite d’ordinateurs recyclés, de composants électroniques et de LEDs, présente une vision dystopique de notre société sous surveillance permanente, en dénonçant la surpuissance des data et des réseaux technologiques.

Dans la même partie, intitulée Vous n’êtes pas invisibles, une vision plus poétique, et moins cynique, est proposée par le duo québécois Daily tous les jours : une installation participative, ludique et touchante, autour de “Hallelujah” de Leonard Cohen. Cette œuvre donne corps à une chorale virtuelle à échelle mondiale, réunissant en temps réel le nombre de personnes en train d’écouter cette chanson sur internet, et proposant aux visiteurs de se joindre en fredonnant la chanson dans des micros mis à disposition.

Il convient également de noter la qualité des œuvres exposées dans le « Bureau d’expertise des phénomènes invisibles », notamment The Substitute (Alexandra Daisy Ginsberg), qui fait revivre le dernier rhinocéros mâle blanc par l’intelligence artificielle, ou une œuvre de Heather Dewey-Hagborg, qui présente vingt versions possibles du visage de Chelsea Manning, générées de manière algorithmique à partir de données ADN.
Toute les informations et la programmation complète de de la biennale est à retrouver sur le site internet.