Paris : le CENTQUATRE se transforme en parc d’attraction avec sa Foire Foraine d’Art Contemporain

Écrit par Antonin Gratien
Le 21.12.2022, à 16h17
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Écrit par Antonin Gratien
Machine à trip psychédélique, espace “boum”, Palais des glaces… Une grappe de nouvelles installations participatives complètent l’irrésistible métamorphose de l’établissement en aire de jeux. Jusqu’au 29 janvier 2023.

La fête reprend de plus belle. Carton plein depuis son ouverture mi-septembre, la Foire Foraine d’Art Contemporain que présente le CENTQUATRE s’est trouvée “augmentée”, mercredi 15 décembre, par l’arrivée d’une poignée d’”œuvres-attractions”. Au total, ce sont cinq dispositifs format aire de découvertes, concoctés par plusieurs étoiles de la création contemporaine, qui enrichissent l’exploration d’un modèle d’expo hors normes, déjà adossé à l’envoûtante présence de “manèges”. Train fantôme, auto-tamponneuse… 

“Avec ce projet d’exposition hybride, nous souhaitions réconcilier l’aspect savant de la foire d’art contemporain et la dimension plus populaire, plus interactive, des fêtes foraines“, détaille José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE. Résultat ? L’aménagement – concernant le second temps du rendez-vous – des 2500 m2 des “Écuries” de l’établissement en authentique centre d’expérimentations ludiques, où il s’agit moins de contempler que de jouer. Décrocher le meilleur score à une compétition de hurlements, se perdre au détour d’un labyrinthe de miroirs, offrir un slow à un·e inconnu·e dans l’ambiance feutrée d’une discothèque. Pour découvrir l’art autrement, et s’émerveiller comme les mômes que nous sommes toujours.

Julio Le Parc, Cellule avec miroirs courbes et lumière en mouvement, 1963-2005 © Quentin Chevrier

Tempêtes sensorielles

À chacun·e de déambuler selon son bon plaisir. Sans l’ombre d’un doute, les amateurs de sensations fortes se dirigeront d’emblée vers The Oracle. Il s’agit d’une création du collectif multidisciplinaire Alpha Wave Experience dont l’agencement n’est pas sans rappeler celui des “zones de repos” des festivals de musique, et qui invite les visiteurs à s’allonger sur une plateforme, les yeux fermés. Mais pas question de piquer un somme. À peine installés, lumières stroboscopiques et sonorités d’ambiance méditative 3D nous projettent durant une dizaine de minutes dans un rêve éveillé où l’on sonde son imaginaire. “J’ai halluciné une forêt, le cours d’une rivière, des oiseaux…“, nous confie par exemple un visiteur, encore secoué par son voyage.

Envie de se dégourdir après cette apnée psychédélique ? Direction You, une installation signée par l’artiste circassien Tsirihaka Harrivel qui permet d’entrer, au tour par tour, dans une capsule insonorisée afin de participer à un jeu du genre cacophonique. Les règles sont simples : “Entrez. Appuyez sur le bouton « play ». Ouvrez le diaphragme. Laissez la voix sortir. Poussez“. Concrètement, une fois dans le vestibule, un enregistrement audio nous ordonne d’hurler encore, et encore. Sous l’effet du cri – amplifié jusqu’au monstrueux par un jeu de distorsion sonore -, l’espace semble s’altérer. Sacré défouloir.

Tsirihaka Harrivel Arcade l Sentimental (1. You), 2022 © Quentin Chevrier

Retrouver son âme d’enfant

On reprend son souffle, on demande son score – car oui, à l’extérieur de l’œuvre, un “baromètre” de décibels jauge la puissance de notre vocifération. Et pour se remettre en douceur de ses émotions, quoi de mieux qu’un détour dans la Salle de jeux imaginée par l’artiste argentin Julio le Parc, précurseur de l’art cinétique ? Jungle de sacs de frappe à l’effigie de figures du pouvoir (patron, policier…), jeu de fléchettes, illusions d’optique à gogo. Et même la magie d’un Palais des glaces érigé in situ. Toute la féérie de la fête foraine, à portée de main.

Julio Le Parc, Choisissez vos ennemis, 1970 © Quentin Chevrier

De l’envoûtement, toujours, avec Backstage du plasticien français Fabrice Hyber. Une installation reproduisant la structure d’un catwalk de défilé de mode où chacun·e est libre de se la jouer Bella Hadid, Kendall Jenner et autres Cara Delevingne. Avec, en bonus, des costumes laissés à disposition pour pimenter vos performances sur un podium flanqué de plusieurs “POF” (Prototype d’objet en fonctionnement) à découvrir au gré du parcours. “Homme-hérisson”, casque anti-bruit à hélice… Un arsenal d’inventions improbables, systématiquement accompagnées de “modes d’emploi” – heureusement !

Fabrice Hyber, POF 3 – Chatouille © Quentin Chevrier

Nul besoin de guide informatif, par contre, pour participer au Slow de l’Artiste. Cette création d’ORLAN, abritée dans une salle spécialement décorée pour l’occasion (lumières tamisées, boule à facettes so 2000’s…) est une invitation à danser au corps à corps. Un slow, par exemple. Mais attention, “pas le slow à la Papa, surtout pas !“, souligne vigoureusement l’artiste féministe française. Comprenez : façon Monsieur invite Madame, sans que Madame soit en droit de refuser. “Après les isolements successifs liés au covid, nous sommes là pour célébrer la « slow sexualité », une rencontre des corps respectueuse où consentement et tolérance sont les maîtres mots“. À toutes et tous de mettre en pratique cette “slow philosophie” au rythme de mélodies originales composées par ORLAN, herself.

ORLAN, Le Slow de l’Artiste, 2022 © Quentin Chevrier

Fin de partie ou… Nouveau tour de piste ?

Pas fatigué·e·s ? Ça tombe bien, notre tournée manège se poursuit du côté de la “première partie” de la Foire Foraine d’Art Contemporain où une cinquantaine d’artistes venu·e·s du monde entier, entre créateur·ice·s émergent·e·s et signatures bien établies, ont répondu à l’appel du CENTQUATRE. Jetons en poche, le public accède à un parcours enchanté, style Alice au Pays des Merveilles, peuplé d’attractions en tous genres : piscine à balle, machines de prestidigitation, carrousel… 

Une myriade de créations, fruits de propositions artistiques inédites ou d’une réinterprétation d’œuvres déjà exposées. « Certaines pièces suggérées par les collaborateur·ice·s étaient pour ainsi dire figées dans leur plasticité, impraticables. Il a fallu les remodeler pour qu’elles puissent devenir participatives », explique José-Manuel Gonçalvès. 

Le but ? « Réduire la distance entre les visiteurs et l’œuvre ». Histoire de capter à travers un schéma d’exposition immersif un maximum de publics. Qu’ils soient aficionados des rendez-vous de l’art contemporain, ou non. Ambition séduction, et mission pleinement accomplie. José-Manuel Gonçalvès nous le confie : “la Foire a fonctionné au-delà de toutes nos espérances“.

Au point d’envisager de pérenniser la formule, peut-être ? “On serait tenté de répondre par un grand, un immense, « Oui », et de projeter dès maintenant une flopée de nouvelles éditions. Mais il est encore trop tôt pour affirmer quoi que ce soit. Disons simplement que l’idée est sur la table…“. Et n’est pas prête d’en bouger. Alors avis à tous les visiteurs : conservez précieusement vos jetons, s’il vous en reste en rab’. Qui sait, ils pourraient bien resservir d’ici peu !

Julio Le Parc © Quentin Chevrier

La Foire Foraine d’Art Contemporain, jusqu’au 29 janvier 2023, au CENTQUATRE-PARIS

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