Les méduses, ce sont ces dispositifs anti-nuisances sonores que l’on fixe à hauteur de lampadaire et qui sont capables de déterminer la source et le niveau d’un bruit à 360°. Il y en a plus de 50 sur cinq sites (Canal Saint-Martin, Carreau du Temple, les Halles, Bibliothèque François Mitterrand et place Sainte-Catherine). « Elles sont réclamées dans d’autres endroits à Paris, et on va en installer en avril et en mai, notamment à la Butte aux Cailles », explique Frédéric Hocquard, adjoint à la Maire de Paris chargé de la vie nocturne et de l’économie culturelle. « Elles permettent d’identifier la nature du bruit. L’idée n’est pas de fliquer, mais d’objectiver les faits, et ensuite de régler les problèmes. »
C’est une initiative du conseil de la nuit, qui voulait trancher entre les plaintes des riverains et les établissements de nuit qui se défendaient de dépasser le niveau de décibels autorisés. « On a commencé à installer des sondes il y a deux ans au quai François Mitterrand. Autour des sondes, il y a une charte avec des réunions régulières des établissements, des riverains et de la mairie dans les zones concernées. Les mesures sont consultables par tout le monde, à tout moment, et il est même possible d’accéder à l’historique des nuisances, même si elles ne sont pas utilisables juridiquement ». Coût de l’installation : 70 000 €.
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Mais quelles sont les applications concrètes ? « On n’est pas dans l’idée de contrôler, mais de régler le problème. L’année dernière, au mois de juin, les riverains se plaignaient de bruit au quai François Mitterrand. On a regardé les sondes, et on s’est rendu compte que le Batofar ouvrait un hublot de son fumoir pour ventiler. C’est normal, ils le faisaient machinalement. Mais sans la sonde, personne n’aurait su d’où venait le bruit. Elle a aussi permis de régler les questions de musique amplifiées, qui souvent ne proviennent pas des barges, mais de groupes qui installent de petits sound systems sur la passerelle Simone De Beauvoir. »
Malgré ce nouvel outil, les sanctions pour nuisances sonores restent stables ; elles sont même en baisse depuis trois ans. À terme, l’élu souhaiterait la présence de panneaux qui indiquent le niveau sonore dans la rue – à la manière des radars pédagogiques sur la route –, comme ceux que l’on trouve déjà dans les bars et les clubs. « Tout dépend de votre objectif : le mien n’est pas de fermer le plus de bars à Paris. » Sur cette nouvelle technologie s’interrogeait pourtant Nicolas Jublot, programmateur du Point Éphémère, qui s’inquiétait dans une interview de 2016 : « Il sera toujours difficile de cerner si le bruit vient davantage de la salle que des pique-niques sur le canal… »
Du côté des particuliers, Gilles Pourbaix – porte-parole de l’association de riverains Vivre Paris – défend le respect de l’espace public et lutte contre les nuisances sonores nocturnes depuis 2010. Pour lui, il faudrait aller encore plus loin, et le budget n’est pas suffisant : « L’idée est de faire un outil au service des autorités, des habitants et des exploitants. Le but est d’arrêter de s’écharper : en cas de constat d’une nuisance, puis de plaintes de riverains, on peut s’appuyer sur ces mesures et prévenir l’établissement. Si ça recommence, des mesures graduelles peuvent s’appliquer : signalement, avertissement et fermeture administrative éventuellement. » Pourtant, lui aussi se défend de vouloir fermer des bars à Paris : « On demande simplement l’application de la réglementation. La méduse n’est pas un instrument de délation, c’est un outil de mesure pour objectiver les nuisances et faire un diagnostic. Sinon, c’est juste du ressenti, et la parole des riverains contre celle des établissements. C’est comme sur la route avec les radars. » Et d’ajouter qu’il apprécierait un dispositif plus flexible, qui permettrait d’installer ponctuellement des méduses dans des endroits bruyants pour certains événements.
Utilisation ponctuelle, sans valeur juridique, coût élevés de mise en place, plaintes stables… Difficile de connaître l’efficacité réelle du dispositif, surtout qu’on ne sait pas à quelle fréquence ses mesures rentrent en compte dans l’application potentielle de sanctions. Mais les solutions pour apaiser la vie nocturne ne sont pas nombreuses, conclut Gilles Pourbaix : « Des solutions, il n’y en a pas 36 000. C’est la carotte et le bâton. Et si, à un moment, il n’y a pas de bâton, rien ne se fait. »