Depuis sa rencontre avec le Jazar Crew, un soundsystem palestinien en 2016, Thémis essaye à travers l’association Nayda – qu’il a cofondée – de faire une place dans la capitale aux artistes issus de ces régions qui fascinent autant qu’elles font polémique : « Il y a une forte émulation dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En France on est beaucoup de collectifs à travailler autour de cette scène. Mais le public de techno orientale n’était pas trop présent, il commence à émerger. »
Fondée en décembre 2016, Nayda est une jeune association mais déjà forte de plusieurs événements dans la capitale. Ils ont ainsi invité Shkoon, le Jazar Crew ou encore la chanteuse tunisienne Emel Mathlouthi. Le prochain event aura donc lieu le 27 mai au Petit-Bain, intitulé Téhéran Express et dédié à la scène iranienne. Pour se démarquer des autres associations et collectifs qui travaillent déjà sur cette scène, Nayda a choisi une approche un peu particulière : « On ne cherche pas à renforcer le socle déjà sensible aux enjeux des mondes arabes. Beaucoup d’associations le font très bien comme l’ICFP, In Transit ou Nu-mi-die. On cherche à ouvrir ces artistes originaires du Maroc, d’Egypte, de Palestine à un public plus large tout en restant authentiques. Pour nous, la musique et la fête sont un langage commun qui permet de s’appréhender autrement et de faire tomber les prétendues différences. ».
Plus qu’une fête, une soirée Nayda est aussi un moment d’échanges autour de l’actualité des mondes arabes : « Nos soirées sont différentes au niveau de la musique, mais il y a aussi cette dimension pédagogique. On donne la voix aux artistes pour casser les clichés qui collent à leurs pays d’origine et surtout pour informer sur l’explosion des scènes arabo-perses. » Pour la soirée Téhéran Express, l’association propose par exemple la diffusion de trois courts-métrages iraniens, une conférence avec des artistes et une épicerie iranienne sur le rooftop.
Un line-up compromis
Côté programmation Nayda avait sélectionné 4 artistes, tous originaires de Téhéran. Le premier, Kasra V, y a grandi avant de déménager à Londres à 17 ans pour poursuivre ses études. Depuis, il est resté sur le sol anglais où il s’est taillé une solide réputation de DJ, notamment via ses émissions sur les ondes de la radio NTS. Egalement producteur, il a signé deux maxis sur le label anglais Make Love In Public Spaces et un dernier en 2016 pour le lancement du label Feelings Worldwide.
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Le second est un rappeur installé à Paris, Gdaal. Très populaire en Iran, il pose son flow sur des instrus oscillant entre hip-hop old school et trap. Il devait animer une conférence avec Amira Lii. Ce jeune DJ de 22 ans organise des raves illégales et secrètes au cœur de la capitale iranienne. Mais il s’est vu refuser son visa, tout comme Nesa Azadikhah, DJ et fondatrice de la webradio DeepHouse Téhéran.
Un coup dur pour Nayda qui voit son line-up amputé de moitié. « Ce sont les risques du métier, on ne travaille pas avec des artistes américains ou européens. C’est la première fois que ça nous arrive mais c’est arrivé à d’autres. Au moins maintenant, on sait comment éviter cela. » La soirée est bien maintenue malgré les pertes engendrées par ce refus. « Amira Lii jouera tout de même sur la terrasse grâce à un set inédit qu’il enregistrera pour nous vendredi soir à Téhéran, il sera représenté derrière le booth par une installation artistique. On a également appelé notre résident Nehji, signé chez Runtomorrow, qui débarque du Maroc samedi matin ! »