On reconnaît la grandeur d’une civilisation à sa gestion des excréments. Véridique, les premiers égouts apparaissent dès l’âge du bronze, entre 3 000 et 1 000 av. J.-C. Ainsi de Rome, qui construisit sa superpuissance sur les arcanes complexes d’un système de tout-à-l’égout, dont la Cloaca Maxima, le principal canal collecteur encore en usage aujourd’hui. De même, l’empereur Vespasien, dont le nom a été malicieusement donné ensuite aux urinoirs publics, pour moquer sa brillante initiative de collecter l’urine afin d’en extraire la précieuse ammoniaque pour la teinturerie.
L’histoire des toilettes publiques est en réalité passionnante. À Paris, elles apparaissent à la fin du XVIIIème siècle et ne cessent d’évoluer avec la société. Un temps interdites par les bonnes mœurs car lieu de rencontres homosexuelles, elles seront finalement transformées en panneaux publicitaires ou rendues temporairement payantes par JCDecaux. On leur a prêté bien des noms : barils d’aisance, édicules Rambuteau, vespasienne, colonnes moresques, pissotières, sanisettes… Et à présent, donc, Urilift.
Mot valise anglais poétiquement formé par l’association de urine (transparent, quoique…) et lift (le soulèvement), il désigne un nouveau modèle de sanisette à la pointe de l’innovation. Installées la semaine dernière à Paris, place des Abbesses, dans le quartier de Montmartre, celles-ci combinent la reconnaissance des fluides corporels et la pudeur de les garder cachés. Urilift, cabine de toilettes noctambule conçue par la société hollandaise Pop-Up Toilets, est enfouie sous nos pieds en journée. La nuit, elle sort de sa tanière pour accueillir les mictions nocturnes et libérées de nos concitoyen·ne·s, grâce à sa combinaison d’une cabine fermée ET de pissotières. À l’aube venue, quand la rosée ajoute aux gouttes, Urilifit regagne son repère souterrain, tel un justicier masqué, se fondant parfaitement dans le paysage.