Un samedi à déambuler dans la Gaîté Lyrique pour Trax Convention 2019 valait bien la peine de braver la grêle et le vent. Et parce que les absents ont toujours tort, Trax revient (pour vous narguer) sur cette deuxième édition ayant attiré DJ’s, producteurs, labels, et autres acteurs de la scène électronique française dans un des hauts lieux culturels de la ville de Paris.
Des projections
Dès midi, l’Auditorium commençait à chauffer ses sièges avec la projection du film If I think of Germany at Night, de Romuald Karmakar. Ce documentaire consacré à cinq figures emblématique de la musique électronique (Roman Flügel, Ricardo Villalobos… ), plongeait au coeur de leur expérience de musicien, en club comme au travail. Pour une seconde session de cinéma, il fallait attendre 17H20, pour Everybody in The Place. Réalisé par Jeremy Deller, en collaboration avec le festival FAME, Gucci et le magazine Frieze, pour la série “Second Summer of Love”, ce film retraçait les coulisses des mouvements sociaux au Royaume-Uni entre 1985 et 1993 – année de sortie de l’album TB Resuscitation du duo Hardfloor. À travers l’acid house et la culture rave, les archives inédites interrogeaient aussi bien l’histoire que les actuelles fêtes alternatives en Europe.
Des live
Pendant que les plus pantouflards cuvaient à l’Auditorium, Airsouth & Chomsky, du label Kowtow Records installaient leurs platines dans le Foyer Moderne pour un b2b enflammé. Dans ce même impressionnant cube argenté, se jouaient la techno fédératrice d’AdJust, la dance efficace de Cosmonection, la house spirituelle de Pasteur Charles, le duo G’Boï et Jean Mi, ainsi que les b2b de Rafiki & Mab’ish et MEUNS & H-Ur.
Dès 16h30, la Grande Salle accueillait les trois finalistes du grand concours KissKissBankBank, organisé par Trax. Le duo nantais Maysgold ouvrait le bal de la relève électronique avec son set à la fois deep house et Uk garage, sur fond de R’n’B. Sorti durant l’été 2017, leur EP Ladyboys avait déjà suscité quelques émois. À 18h, le vent glacial finissait enfin par se faire oublier grâce à la techno mélodique d’Idem Nevi, tout droit débarqué des plus grands clubs de Toulouse. S’inspirant de Paul Kalkbrenner ou Recondite, l’artiste du collectif Chill Masters a retourné le public de la Gaîté Lyrique avant de laisser place à l’ultime gagnant du concours, Between Sleeps. Producteur autodidacte, ce parisien à mi-chemin entre ambient, house et techno a su magnifier en live ses rythmiques énergiques.
Du gros matos
Avant cela, la Grande Salle s’était chauffée dès 14h avec deux masterclass. La première, animée par la marque de séquenceurs TORAIZ – créée par Pioneer DJ –, avait invité le producteur Gaidz à présenter la nouvelle version du modèle SQUID. Pour la seconde, le vendeur d’instruments Native Instruments, basé à Los Angeles, avait demandé au DJ Christopher Kah de réinventer ses mix à l’aide du matériel de la marque Traktor. Ainsi, ses platines, branchées au contrôleur Traktor S4 MK3 – le tout mixé avec le logiciel Traktor Pro 3 –, lui permettaient d’ajouter des samples et des sons de synthèse, pour un résultat édifiant. Tout au long de la journée, le public de Trax Convention pouvait même tester, en accès libre, le matériel de DJ, à la pointe de la technologie.
Un peu de réflexion
À 15h, retour dans le très jaune (mais très confortable) Auditorium pour un cycle de deux conférences autour de la fête. La première s’intitulait « Peut on faire la fête sans dommage pour la planète ? ». Jean-Paul Deniaud, rédacteur en chef de Trax, recevait pour l’occasion Mélanie Noyer, du Dub Camp Festival et Felix Meauxsoone de l’Hadra Festival. Pour les deux organisateurs, si l’on veut continuer à faire la fête le plus longtemps possible, l’ancrage local est le maître mot d’une fête écolo : « faire appel aux producteurs locaux, utiliser des toilettes sèches et bannir le plastique sont gages d’un événement engagé, car c’est là qu’il puise toute sa dimension transversale », expliquait alors Felix. Si les Ecocups ne suffisent plus à réduire son empreinte écologique, de plus en plus d’organisateurs ont réussi à mettre en place des innovations: « On recycle maintenant 96% de nos déchets et on propose une restauration bio et locale, on en est très fiers », se félicitait Mélanie.
La seconde conférence apportait une réflexion sur le milieu de la nuit, sous le prisme de la mode. Miley Serious, patronne du label 99cts rcrds, Alice Pfeiffer, qui dirige les pages Mode des Inrockuptibles, le créateur de la marque Drône, et les représentants de la marque de prêt à porter GAMUT s’étaient réunis autour d’une question: « Pourquoi l’underground électronique s’attaque à la mode, et vice versa ? ». Pour Fanny Vincent, du collectif La Créole, « Le rapport à la danse s’intègre forcément dans le vêtement ». Entre interpénétration des cultures et recherche d’inclusivité aussi bien dans la mode que dans la nuit, ces artistes et organisateurs de soirées ne cherchent pas nécessairement à trouver une différence mais à prôner une diversité. Au tour de Drône de conclure : « l’inter-appropriation de la mode et de la musique est évidente, car ce sont deux choses que nous consommons au quotidien ».
De la graille
Après s’être bien creusé les méninges, rien de tel qu’un petit verre ou de quoi se restaurer pour reprendre des forces. Le foodtruck The Italian Street Clan, qui avait élu domicile sur le parvis de la Gaîté Lyrique, proposait pour l’occasion ses délicieuses spécialités italiennes, faites à partir de produits frais et de saison, dans son emblématique triporteur vintage. Pour étancher leur soif, les visiteurs pouvaient également venir se désaltérer aux deux bars permanents de la Gaîté et au bar Skøll, marque de bière d’inspiration scandinave, aromatisée à la vodka et aux agrumes.
Beaucoup de network
Passée la grêle, beaucoup de personnes continuaient d’affluer vers les nombreux stands de disquaires et de labels experts en électronique. Entre échanges et ventes de disques, sur le Plateau Bar de la Gaîté Lyrique, les poids lourds Skylax, fort de ses 15 ans d’existence, Ed Banger ou l’étoile montante La Chinerie s’ajoutaient à de nouveaux venus comme le disquaire parisien Dizonord, ouvert depuis février dernier. Enfin dans la même salle et jusqu’à 20H, le plateau radio était animé par Rinse France.
Pour conclure cette journée musicale, Antoine Buffard, le président de Trax, accueillait dans un Auditorium attentif, Laurent Bassols (co-fondateur de Rinse France), Audrey Saint-Pé (Chargée de programmation et production chez À La Folie Paris), Mathilda Meerschart (Possession) Clément Meyère (Programmateur pour The Peacock Society et We Love Green) et Tommy Vaudecrane (Président de Technopol). Ensemble, ils ont fait l’état des lieux des musiques électroniques actuelles, leurs marchés, leurs tendances, en se demandant où allait la scène techno. Mais surtout, comment les programmateurs s’adaptent à ce marché explosif, dont la créativité artistique se renouvelle en permanence. Entre volonté de rassembler du monde lors des événements et faire découvrir de nouveaux artistes, les programmateurs doivent adapter leur travail pour suivre les nouveaux talents, dont le montant des cachets augmentent de plus en plus vite. Les grandes tendances des années 1980 se sont tellement étendues et ramifiées que des soirées de niche émergent : des soirées queer plus inclusives à la multiplication des soirées hardcore, le public de plus en plus important, se voudrait plus exigeant et plus jeune. Bref, il se veut à l’image d’une génération connectée et curieuse, à l’image des cultures électroniques présentées à Trax Convention.