Paral.lel Festival 2019 : la deep techno à son apothéose

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Didac Ramirez
Le 13.09.2019, à 14h55
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©Didac Ramirez
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Didac Ramirez
La quatrième édition du Paral.lel Festival a tenu toutes ses promesses du 30 août au 1er septembre. Les maîtres de la deep techno ont frappé très fort cette année : Donato Dozzy, Svreca, Mike Parker, Rrose, Garçon, Crossing Avenue…

Par Julien Moschetti

Pardonnez-moi seigneur… D’avoir préjugé de mes forces… D’avoir barboté dans la fange du péché durant trois jours…. D’avoir imaginé, une fois encore, que je resterai maître de mes émotions, que je réussirai à surnager dans cet océan de félicité… Mais, une fois de plus, le Paral.lel Festival a été plus fort que moi…

Tout avait plutôt bien commencé. Rendez-vous à proximité de l’Arc de Triomphe de Barcelone pour prendre le bus. Votre mission, si vous l’acceptez, trouver le soldat inconnu, le guerrier héroïque qui sommeille au fond de vous-même, braver les éléments dans les montagnes des Pyrénées catalanes, briller de mille feux, exprimer la quintessence de votre être sans perdre le nord et, de préférence… ses plumes !

Une heure et des brouettes de bus plus tard, nous arrivions sur les lieux du crime. Atmosphère champêtre. Une oasis de verdure au beau milieu des montagnes. Des chevaux en veux-tu en voilà, des coqs qui entonnent le cocorico de bon matin, mais aussi des êtres humains déguisés en teufeurs qui sillonnent la campagne, serpentent entre les tipis blancs.

Certains ont déjà emprunté le chemin escarpé en zigzag qui mène en haut d’une colline où, tout à coup, les décibels vous assaillent pour vous guider jusqu’à la scène située en contrebas, dans un écrin de verdure béni par les sommets. Pour résumer : vue de carte postale face à la scène, à gauche et à droite de la scène. Mais aussi un niveau des pissotières où il n’a jamais semblé aussi agréable de se vider.

Concrétiser nos rêves les plus fous.

Felix, organisateur du festival

Derrière les platines, Huerco S, l’un des chefs de file de la nouvelle vague house a démarré les hostilités sur un mix downtempo teinté d’expérimental. Coloration house, quasi microhouse, traversée par des sonorités étranges (craquements de branche, bruits d’animaux…). Et ces puissants battements de cœur qui transpercent les mélodies pour faire trembler la terre. Une entrée en matière idéale pour rentrer doucement, insidieusement, mais sûrement, dans la matrice.

La suite ressemble à une avalanche que l’on regarde s’élever au-dessus de notre tête avec la certitude qu’elle fera de nous le plus heureux des hommes lorsqu’elle s’abattra sur nous, encore et encore, toujours plus fort, toujours plus loin… À l’image de Vactrol Park qui fait tout à coup monter la température d’un cran. Les battements du cœur s’accélèrent. L’esprit Voices From the Lake (Donato Dozzy & Neel) rôde dans les montagnes. L’hypnose collective se rapproche à grands pas.

Elle finira par se produire un peu plus tard, lors du live de Crossing Avenue, le duo italien signé sur Spazio Disponibile. Les basses rentrent un peu plus dans le sol. Montées sorties des profondeurs semblables à des micro tremblements de terre. Loin de la scène, le son semble étouffé, mais il prend tout son sens lorsqu’on se rapproche. L’atmosphère est survoltée. Les Italiens jouent assez rapide, super breaké. Et distillent leurs classiques, comme l’aquatique « Malandra ».

Vient alors le tour du boss de Semantica : Svreca. L’un des meilleurs sets, si ce n’est le meilleur du festival. Un set subtil, percussif, complexe et incroyablement riche. Des moments de lévitation, qui sur le moment, semblèrent durer une éternité. Une retenue de dingue, des tracks qui arrivent de très, très loin pour finir par exploser à l’acmé de l’hypnose. Un son abstrait, expérimental, psychédélique à souhait.

Nous surfons sur la crête des vagues pour mieux nous faire engloutir. Svreca : le genre de DJ qui frappe quand tu as le dos tourné ! Les grains de folie se multiplient, s’accouplent, finissent par gangrener notre cerveau qui finira perché dans les étoiles. Avec des moments de béatitude extrême tapissés de larmes de joie.

De retour dans le tipi, un ami me dit à propos du set de Svreca : « Le son était en spirales. J’avais l’impression que de voir les serpents de la techno tourner autour des montagnes… » Un autre français, Aurelien, aurait vu « un effet concentrique dans les étoiles qui a fait ressembler le ciel à un vinyle ». Magie ultime : une étoile filante a traversé le ciel durant le set.

Nous n’étions pas réveillés le lendemain à midi, mais notre ami Lunar Convoy, le cofondateur du label Norite, nous a parlé du set de Guillam : « calme, oscillant entre ambient et beats très lents et aériens. Parfait pour se prélasser au soleil et démarrer la journée au mieux. »

Puis, ce fut au tour de Mousedown d’officier. Un set « vinyl only » qui a fait l’unanimité : « Il nous a mis une torgnole. Un set ultra fluide, une sélection impeccable et une progression subtile. Une énorme vibe s’est installée sur le dancefloor. Des happy faces partout », se souvient Lunar Convoy.

Son de cloche similaire du côté du Parisien Rod : « Le son était chaud, groovy, ensoleillé. C’était très hypnotique, les sons étaient cristallins, hyper percutants… Il a passé des tracks de ouf, il m’a mis la race ! » Une prestation saluée par l’ovation du public.

Vint ensuite le magnifique live ambiant de Wanderwelle. Puis Refracted, le programmateur du festival, qui donnait parfois l’impression de jouer une minimal post-moderne. Une deep techno bien construite avec des changements de groove. Mais rien d’exceptionnel non plus. Sauf les passages sous la pluie où il a sans doute été contraint d’accélérer le tempo pour garder du monde sur le dancefloor !

C’est ensuite Adiel, fondatrice de Danza Tribale et résidente des soirées Ultrabeat au Goa Club de Rome, qui a enchaîné sur un set de 4 heures. Un set puissant, ultra dansant, rempli de gros digs, avec un final agrémenté de montées acid…

Ce fut ensuite au tour de l’inénarrable Rrose de prendre les commandes. Fini les grosses basses. Le live démarre en douceur avec une petite demi-heure d’ambient. Le public de connaisseurs attend patiemment, religieusement le décollage qui finira par plonger tout le monde dans le cosmos.

Un live d’anthologie, une rampe de lancement idéale pour la légende Mike Parker, qui fait depuis une vingtaine d’années les belles heures des labels PrologueMote-Evolver ou Semantica. Hé bien, il faut dire que le maître de la techno hypnotique ne nous a pas déçus ! Il fallait le voir se déplacer sur la scène, telle une antenne à la recherche du son parfait, comme s’il avait un thérémine entre les mains. Un mix oldschool, et pourtant résolument moderne. Un voyage éthéré, spatial, cosmique, ponctué d’irrésistibles lames de fond qui nous ont fait tutoyer les cieux.

Le lendemain et dernier jour (dimanche), nous croisons Donato Dozzy à l’hôtel, soulagé de voir enfin arriver son back de vinyles qui lui avait faussé compagnie à l’aéroport. Résultat, son set sera décalé d’une heure, ce qui laissera le temps à Garçon de faire étalage de son prodigieux talent. Un set vinyle ultra deep avec des rythmiques complexes ; une sélection ultra pointue, des galettes venues d’une autre planète, un sens du groove incomparable et une parfaite maîtrise du dancefloor. Grosse claque !

La foule est chauffée à blanc quand Donato débarque pour le closing. Il installe son matos au dernier moment tandis que Garçon est en train de jouer son dernier track… Et là, le drame… Le son ne sort pas comme il faudrait. Donato pète un câble, hurle sur les techniciens… On peut le comprendre, l’un des techniciens aurait fait skipper son track d’intro avec son coude ! Mais tout finira par rentrer dans l’ordre. Et, le maestro, un moment décontenancé par l’accumulation des galères, oubliera rapidement ses déboires pour faire un set époustouflant.

Nous en avons parlé avec notre ami Lunar Convoy qui a trouvé les mots justes pour en parler : « Dès le 1er enchaînement, on comprend que ça va être un set incroyable. Donato est possédé, la pluie aidant, les gens se lâchent totalement et une union sacrée se crée sur le dancefloor. Une sélection incroyable, un mix impeccable, une tension permanente, un flow mystique. Tout le monde se regarde ébahi, il a un total contrôle sur les gens, et il joue complètement avec la météo. Lorsque le soleil réapparaît, il ouvre le filtre, ensoleille le track. Puis, quand la pluie refait son apparition, il ouvre un portail vers l’enfer. Honnêtement, j’ai pris une claque monumentale, je n’avais jamais vu une telle osmose avec le public, une connexion aussi intense avec le DJ. C’était totalement fou. Avec la lumière du soir et les gros nuages, ça donnait un sentiment de fin du monde. »

Un sentiment de fin du monde, un immense sentiment de vide et de frustration… C’est exactement ce que nous avons ressenti quand le son s’est arrêté vers 22 h… Une fois de plus, le Paral.lel aura été plus fort que nous… Et nous avons pris le bus, vidés, mais comblés, avec l’impression d’avoir grandi intérieurement. Même avec quelques plumes en moins…

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