Créée au Badaboum par le collectif Cancan il y a de cela 5 ans, la petite troupe du Bal Con, que l’on vous présentait lors d’un précédent article, organise de véritables rendez-vous de l’extravagance et de la mixité sociale (Vaudoudou, Danse avec les Tsars, Turlututu, Queer Kong ou encore la Dole Rita). Dimanche 27 mai, elle fêtera son anniversaire au Cabaret Sauvage et à cette occasion, Trax a demandé à Stefan Beutter, directeur scénique de la troupe, d’expliquer l’univers et la folie Bal Con, unique en son genre.
Après cinq ans, à quoi ressemble la fête au Bal Con ?
Le Bal Con conjugue des scénographies aux décors éphémères, des lumières et des projections en mapping. On s’est détaché de l’esprit “cabaret”, en donnant un côté plus visuel et en jouant sur les costumes d’époque ou non, les maquillages, ou encore sur la composition de tableaux vivants… Maxime Iko (le directeur musical, NDLR) choisit en général plutôt des artistes techno plus ou moins connus (Ellen Allien, DJ Deep, AZF), mais toujours avec un visuel et un univers qui, a priori, ne colle pas avec ce genre. On a voulu trancher avec les ambiances traditionnellement froides et sombres de la techno, à l’époque avec des spectacles burlesques, des plumes, des paillettes… Maintenant on part plus dans une optique esthétique, moins franchouillarde, et on ouvre également notre proposition musicale avec parfois du disco, de la house ou de la tech-house. Sur le style, pour l’anniversaire, on a vraiment voulu offrir une palette plus ouverte, car l’événement se déroulera toute la journée et attirera ainsi un public plus large ! Bien sûr, notre public habituel ne sera pas en reste.
Vous avez prévu quoi pour cette soirée ?
On part dans la Rome antique, mais vue à notre sauce. C’est-à-dire la Rome Antique en « carton », un peu version Satyricon de Fellini (film sorti en 1969 et adaptation du roman éponyme attribué à l’écrivain latin Pétrone, NDLR), très coloré, pas du tout comme ce qu’on a fait à l’occasion de nos 2 ans qui étaient bien plus « blancs » et très esthétiques. On a voulu quelque chose de plus déluré, en se tournant sur le côté théâtral de la Rome antique avec les mégères, les prostituées, bref les gens un peu étranges des bacchanales !
Finalement au sein du Bal Con, il y a beaucoup de références historiques et culturelles.
On a toujours mis un point d’honneur à tourner tout en dérision, mais pas n’importe comment. On se documente beaucoup, on a envie de proposer quelque chose de sensé, mais avec beaucoup de dérision. On cherche à créer des histoires, au niveau de l’architecture, du maquillage/costume, des mœurs… Parfois même au niveau de la musique, car lors de nos entractes, on diffuse une musique différente de ce que va passer le DJ. On essaye vraiment de traiter des thèmes historiques, parfois sociologiques, mais toujours en les désacralisant d’une certaine façon pour que ça soit le plus amusant possible. Un peu comme le symbole du carnaval où tout est à l’envers et décomplexé, les riches deviennent pauvres et vice versa ; tout le monde se déguise et se réinvente.
Combien de temps ça prend pour monter un tel événement ?
Pour celui-là, ça fait longtemps qu’on est dessus. Après il y a des Bal Con qui sont plus rapides à préparer que d’autres, mais pour celui-ci, ça fait une semaine qu’on prépare les décors par exemple. Même si c’est en carton faut que ça tienne ! (Rires) Après pour les costumes, les perruques, le maquillage, ça prend 1 mois, car à l’époque, les gens étaient très fardés, très sophistiqués. Finalement, on a passé beaucoup de temps sur ce Bal Con mais c’est surtout à cause du thème qui est très extravagant et qui demande pas mal de travail en amont.
Les costumes, les perruques… Vous les confectionnez vous-même ?
Sur cette fête d’anniversaire oui, on fait tout nous-mêmes. Il y a des soirées où on loue une partie des costumes. C’est un gros boulot qui demande un investissement de jour comme de nuit d’autant plus que l’on ne vit pas tous de cette activité, et que nous avons, pour certains, un autre métier à côté. C’est surtout une passion à laquelle on s’adonne avec plaisir et ça nous permet d’avoir moins de challenge financier, même si on travaille avec des gens qui sont réellement dans le métier, comme l’Opéra Garnier, des élèves du cours Florent ou la troupe du Cirque Électrique.
Qu’est-ce qui n’est pas con dans la démarche du Bal Con ?
Ce qui n’est pas con dans notre vision du con, c’est que les cons sont de vrais cons, voilà. Je m’explique : on n’aime pas les cons aux esprits fermés, obtus. On aime les cons dans le sens déluré, festif, subversif. Bref, pas fermés d’esprit. Le vrai con c’est celui qui ne veut pas se mélanger. Et finalement, il y a des cons partout, peu importe la communauté ! C’est pourquoi on a voulu organiser une fête où les bons « cons » pouvaient se retrouver sans préjugés, sans malaises, dans la bonne ambiance. À la base, on avait une soirée qui s’appelait Cocorico au Rex Club plus orientée gays, queer, et du coup, plus orientée garçon. On a voulu décloisonner tout ça, ouvrir cette espèce de ghetto pour offrir une fête sans complexe et qui s’adresse à tous.
Pourquoi avoir délaissé votre club natal Badaboum pour célébrer au Cabaret Sauvage ?
Le Cabaret Sauvage est déjà un lieu où on a l’habitude de sortir, qu’on apprécie beaucoup. Le chapiteau rappelle l’esprit d’un Colisée. Tout l’intérieur s’inspirera aussi de la Via Appia, ancienne rue commerçante dans la Rome antique à forte concentration culturelle (jongleurs, artistes…).
Comment réagit le public à vos soirées atypiques ?
On veut libérer la fête de son carcan autour du DJ et des platines. Je pense que la fête a été, pendant un moment, un peu emprisonnée de cette vision là. J’ai toujours été choqué, moi qui ai un certain âge et qui ai connu une autre culture de la soirée, par le fait que tout le monde a les yeux rivés sur le DJ en dansant face à la scène. À l’époque on sortait pour aller draguer, il y avait de vraies interactions entre les uns et les autres. On aimerait renouer avec cette idée de partage et ça, ça plaît aux gens. On cherche à casser ce format un peu comme à la messe où on divinise le DJ. Quand le show commence, souvent tous les téléphones sortent et ça me fait rire. Mais on propose tellement de plus en plus de choses qui viennent de part et d’autre que le public abaisse rapidement le téléphone parce qu’il n’arrive plus à suivre à travers son écran de 5 pouces. Les gens cherchent véritablement à regarder. On a des photographes qui prennent des photos pour créer les souvenirs que nous postons régulièrement suite à la fête. Pour notre anniversaire, on a prévu des happenings dans le public, justement pour faire tourner le regard du DJ. Dimanche prochain, il se passera des choses un peu partout.
Que nous réserve le Bal Con pour les années à venir ?
Un changement de formule. Mais je n’en dis pas plus.
Vous pourrez retrouver la prochaine Bal Con au Cabaret Sauvage (Paris 19e) le dimanche 27 mai de 15h à 1h du matin. Pour plus d’informations sur la programmation et la billetterie, rendez-vous sur la page Facebook de l’évènement.