Nuits sonores Bruxelles : quand les Lyonnais ont pris la Belgique, vu par un Belge

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©D.R.
Le 09.10.2017, à 11h38
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©D.R.
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Photo de couverture : ©D.R.
Les années passent et le concept porté par le collectif d’Arty Farty continue de s’exporter aux quatre coins du monde. Tout juste rentrés de Bogota et Medellin avec un succès dans leurs valises, les Lyonnais ont donc choisi Bruxelles et son Pentagone pour ponctuer un excellent millésime 2017. Récit d’une première édition chez nos voisins du Nord, par notre correspondant belge.

Par Nicolas Claise

JOUR 1

Une chose est sûre, la venue des Lyonnais n’aura pas laissé indifférents les promoteurs et organisateurs d’évènements bruxellois. Se sentant trop souvent abandonnés par la ville, aussi bien en termes de recherche de lieux de fête que de financements publics, les collectifs locaux ne voyaient pas d’un bon œil l’arrivée du mastodonte français. D’autant qu’un véritable tapis rouge lui a été déroulé par la capitale belge. 
Mais rapidement, Nuits sonores a apaisé les tensions et calqué le schéma appliqué à Lyon : travailler avec les porteurs de projets locaux en prenant soin d’inclure un maximum d’acteurs bruxellois. 

Un circuit composé de 6 étapes ouvrait  le bal de cette première édition, invitant les noctambules à découvrir plusieurs hauts lieux de la nightlife bruxelloise. Et c’est au Bonnefooi, bar mythique du Vieux Bruxelles connu pour ses afters, que nous faisons notre première halte de la soirée. Situé à deux pas de la Grand-Place, nous y découvrons le set délicat de Domenique Dumont, une artiste du label Antinote, pendant que le duo londonien Raime investit les planches de l’Ancienne Belgique quelques mètres plus loin. En deuxième partie de soirée, le choix était clair avec d’un côté, le Fuse et l’excellent duo israélien Red Axes, et de l’autre, le collectif les Garages Numériques qui investit la somptueuse galerie Horta pour l’inauguration de leur exposition sur les arts numériques. Difficile d’ignorer un line-up avec le très rare Lee Gamble et un back to back entre Skee Mask et Scuba, tout ça sur fond d’arts visuels et d’expériences immersives offerts par des artistes tels que Romain Tardy ou Nam June Paik.

Après minuit, l’exposition met nos sens visuels et sonores en éveil pendant que Pallando diffuse des beats électroniques dans le vaste hall habituellement traversé par des passants pressés. A deux heures, l’Anglais entame son set dans les meilleures conditions et fait résonner une techno sombre sur le marbre illuminé face à une foule dense. Il est jeudi et le week-end promet d’être encore long mais nous décidons de rester pour la première de Scuba et Skee Mask derrière les mêmes platines. D’un côté, le fondateur de Hotflush Recordings qu’on ne présente plus et de l’autre, le jeune Allemand de Munich aussi connu sous le nom de SCNTST pour deux univers distincts qui s’accorderont parfaitement pour cette dernière session de la soirée.  

JOUR 2

L’Atomium se découvre à mesure que nous arrivons sur le plateau du Heysel. Sur la grande esplanade qui domine l’ensemble des palais d’exposition, toujours pas un chat à l’horizon à mesure que nous nous rapprochons. En moins de deux minutes, les fouilles sont passées et les tickets boissons dans nos poches. Dans l’imposant Palais 10, ce que nous craignions se confirme et nous découvrons une salle quasiment vide avec l’étrange impression d’arriver en fin de soirée. Les rappeurs de L’Or du Commun viennent de terminer leur concert et une centaine de personnes attendent perplexe que MCDE et Pablo Valentino commencent leur set. Le temps pour nous de jeter un œil à l’installation visuelle aperçue à Lyon et on part faire un rapide tour du propriétaire en attendant que les techniciens ne tuent ce silence interminable. Sur la terrasse, les accents du Sud se distinguent et on comprend rapidement que peu de Bruxellois ont fait le déplacement ce soir. Il faut dire que la concurrence de ce week-end est féroce avec, entre autres, Chris Liebing, Charlotte De Witte et Dave Clarke au Fuse. La question qui nous taraude : l’orga aurait-elle vu les choses en trop grand ?  

Sans attendre de réponse, les deux DJ’s entament leur set en toute décontraction sur l’immense podium de la main stage. Devant une foule dispersée et dissipée, les tracks house et disco s’enchaînent sans réellement parvenir à nous convaincre, d’autant que le volume est anormalement bas et que la salle est toujours trop illuminée. Après 1 heure, on file sur la stage Ambassador pour le live de Haring. En chemin, on croise deux membres du staff occupés à lustrer le marbre du grand hall d’entrée. A cette heure-ci, on se sentirait presque à une réception et on a du mal à imaginer le passage Modeselektor et Bambounou dans cette ambiance. 

Il n’empêche, la superbe salle Art déco à l’étage nous en met plein la vue et le jeu de lumières accompagné des nappes planantes du DJ bruxellois contrastent avec la froideur de la main stage. Au passage, on apprend le désistement de Moscoman, remplacé en dernière minute par un live de Dengue Dengue Dengue. Cependant, notre déception sera de courte durée tant le set des deux Péruviens – un savant mélange de cumbia sur un beat électronique lent et progressif – s’avérera original et créatif. Les deux DJ’s masqués auront le mérite de nous faire oublier le contexte en revenant aux sources de la cumbia des années 70. 

A 3 heures, Modeselektor vient déchirer l’énième silence qui précède chaque début de set en confirmant une nouvelle fois qu’ils sont une valeur sûre. L’heure et demie de techno sans concession que les deux Allemands proposeront nous fera rester jusqu’au closing de Bambounou devant une centaine de résistants. Ce soir, les Bruxellois se sont dérobés et le rendez-vous est reporté.  

JOUR 3

Les températures d’hiver et le vent du Nord n’ont pas découragé les quelques groupes qui marchent à nos côtés pour ce dernier round. A l’entrée, le staff, toujours aussi efficace, nous prévient du monde qui grouille depuis l’ouverture des portes. Sans doute l’effet Garnier. Un rapide tour aux tickets avant la marée humaine et on monte pour le live d’Africaine 808. D’emblée, les deux Berlinois accompagnés de leur TR-808 et de leurs percussions tribales illuminent la petite salle. Vers 1 heure, on se rend compte que Rone a commencé depuis dix minutes et on se mêle aux retardataires qui se pressent aux portes de la grande salle. Pour la première fois, le Palais 10 est comble et on sent que la magie peut enfin opérer. 

De son côté, le Français ne nous a pas attendus et étale son répertoire devant un public acquis à sa cause. Sur un visuel franchement réussi, “Brest” ou “Bora” se succèdent, entrecoupés de passages tantôt rapides, tantôt plus planants, jusqu’au rappel et “Bye Bye Macadam”. La performance est convaincante et le métronome repart sous les acclamations d’un public chargé pour la suite. Place maintenant à la dernière heure de San Soda sur l’Ambassador. Le Belge n’a pas attendu la fin du “concert” quelques mètres plus bas et livre un set qui fera la transition parfaite jusqu’au closing de la soirée. La petite salle peine à contenir le monde et ça bouche à l’entrée. Dommage, le Belge aurait certainement contenté tout le monde avec son set imprévisible.

Vers 4 heures, l’incontestable patron de cette édition entame l’ultime odyssée de l’année pour le public qui suit les Nuits sonores. Sur une techno allemande bien saturée, Laurent Garnier met tout le monde d’accord avec une prestation cinq étoiles, précise et techniquement irréprochable. Notre curiosité nous poussera dix minutes devant Leon Vynehall et ses tracks délicats qui ne peuvent malheureusement rien face à la déflagration en cours dans la grande salle. Fidèle à lui-même, le nouveau chevalier de la Légion d’gonneur achève le week-end en apothéose avec un remix de Boys Noize “Als Wär’s Das Letzte Mal”. Il est 6 heures et le sentiment d’avoir participé à une soirée particulière nous traverse enfin. Le contrat est rempli et on attend l’année prochaine avec impatience. 

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