À Las Vegas, tout le monde déteste Matt Damon. Dans le taxi qui nous emmène à l’hôtel-casino SLS, Pablo galère et ça l’énerve. La moitié de la quatre voies est coupée à cause du tournage du nouveau Jason Bourne. Tout le Strip est bloqué, soit la moitié sud du Las Vegas Boulevard, où sont concentrés les hôtels. Et c’était pire hier soir. Un mec a sorti un flingue pour en tuer un autre au beau milieu de la salle de jeux du Bellagio. Dans les immenses corridors du SLS, les images d’Ocean’s Eleven et de Casino repassent sous nos yeux. Ici, tout est un cliché. Les spots fluorescents, les garnitures dorées, les serveuses en décolleté, les rednecks à Stetson trop excités autour de la roulette, les prostituées pas si discrètes, les petites vieilles scotchées aux machines à sous. Accoudés à une table de blackjack vide pour cloper entre deux plats libanais au resto Cleo, un grand Black en costard, sourire de VRP vissé aux lèvres, nous attrape : « Hey, ça va ? Ce soir, y a une fête de dingue pour les AVN Awards (les Oscars du porno, ndlr) ! Je peux vous faire entrer. Ça vous chauffe ? » « Ha ouais ? Qui est le DJ ? » « On s’en fout, mec, c’est les AVN Awards ! »
Il a raison, on s’en fout. Parce qu’à Las Vegas, le DJ est avant tout un accessoire pour les casinos, à la tête desquels les avocats ont remplacé la mafia, qui sert à ramener des billets verts. Au point d’en faire la clé de voûte du business depuis cinq bonnes années. « Avant, au XS, l’un des plus gros night-clubs de la ville, il fallait chercher le DJ, limite il était derrière une plante », nous explique Mike Prevatt, du Las Vegas Weekly. Maintenant, il est au centre du club, tel un Jésus capitaliste exhortant ses apôtres à faire cracher les croyants.
Ici, impossible d’ignorer la folie du clubbing qui s’est emparée de la ville. Dès la sortie de l’aéroport, entre les affiches en 4×3 pour les Saul Goodman locaux qui vous incitent à porter plainte contre tout ce qui passe, les panneaux numériques à la gloire des stars de l’EDM défilent sur l’autoroute. Calvin Harris au Omnia, Tiësto au Hakkasan… Le clubbing est devenu un des poumons de la Las Vegas, avec un chiffre d’affaires qui commence à concurrencer celui des casinos, en perte de vitesse ces derniers temps (le XS a par exemple engrangé 105 millions de dollars en 2014, selon Forbes). Logique : de plus en plus de jeunes viennent s’éclater à Sin City, et ceux-là préfèrent péter des bouteilles en boîte avec des filles que de passer des nuits à cligner de l’œil devant des machines à sous au rendement incertain.
Diplo @ XS
Dans sa grosse berline, notre chauffeur est familier du concept : sa fille est top model, et, ici, les mannequins peuvent mener une vie simple. Les agences lui proposent de passer quelques heures en club en minijupe, contre « des sommes folles », juste pour inciter à la consommation. Arrivé dans le zoo de l’immense hôtel MGM (6 000 chambres), la gueule de Tiësto en façade collée à celle de David Copperfield et son golden lion qui trône à l’entrée, on part humer l’ambiance sur le Strip. Entre Batman, Captain America et trois nanas seins nus qui distribuent des flyers, quelques crieurs de rue nous accostent : « Hey ! Ce soir, Steve Aoki au Hakkasan, ça te tente ? Tu veux une entrée prioritaire ? » « Sebastian Ingrosso, de Swedish House Mafia, demain à l’Omnia, je te liste ? » No thanks… Les rabatteurs et les petites mains travaillent toute la journée pour capter un peu du flux d’argent généré par les étoiles de la nuit de Vegas.
A l’ombre du Strip
À côté de la bouillie EDM que servent les clubs du Strip, quelques mecs tentent de faire survivre la club culture authentique. Avec des DJ’s qui mixent des disques pour de vrai. Loin d’être une évidence à Vegas. À l’écart, sur Paradise Road, deux avenues à l’est du Strip, coincé sur un parking entre une City Bank et un resto indien, le resto/bar mexicain Tacos & Beer abrite tous les mardis les Techno Taco Tuesdays, les soirées underground les plus prisées de la ville. Ici, pas de gamines en minijupes, pas de videurs tous les deux mètres, pas de vigiles dans les chiottes, pas de tables à 5 000 dollars ni de fanfare pour accompagner la livraison du magnum de champagne. Juste des gens normaux, un bar, un dancefloor et des DJ’s calés devant des peintures bibliques qui jouent de la bonne house.
« Tu vois les taches noires du Soleil ? C’est la communauté underground à Vegas. On ne nous voit pas beaucoup avec toute cette lumière, mais on est quand même là. »
Tino Gomez, alias DJ Bad Beat, un Mexicain joufflu arrivé à Vegas à 13 ans quand sa famille a traversé le Rio Grande, a monté cette soirée il y a deux ans, presque sans le faire exprès. Il blinde le spot avec 200 personnes toutes les semaines. Que dalle comparé aux 2 000 péquins qui hantent le XS tous les soirs ou les 5 000 mètres carrés des pool parties de la Wet Republic au MGM. Mais vital pour les locaux qui supportent toute l’année la folie permanente de Sin City. « Tu vois les taches noires du Soleil ? C’est la communauté underground à Vegas. On ne nous voit pas beaucoup avec toute cette lumière, mais on est quand même là », explique Tino, qui bosse chez Apple en parallèle. Être visible est devenu compliqué pour la communauté underground, dans une ville où la démesure est la règle. Avec ses 37 millions de visiteurs par an, Las Vegas est devenue en quelques années l’Ibiza de l’Amérique du Nord, version XXL. D’une poignée de night-clubs dans les 00’s, la ville en compte une trentaine logés dans les sous-sols de resorts, les hôtels/casinos/centre commercial/maison de passe. Sans compter les day clubs et les pool parties qui ouvrent au mois d’avril quand le désert se met à chauffer.
Tout ça a commencé à la fin des années 2000. À ce moment-là, le principal attrait de Las Vegas est encore le jeu et les clubs de strip-tease. Le roi de la nuit, c’est DJ AM. Ex-petit ami de Nicole Richie, la fille de Lionel, survivant d’un crash d’avion, toxicomane notoire, AM est devenu un DJ prisé pour sa capacité à mixer “Sunday Bloody Sunday” de U2 avec “Crazy Right Now” de Beyonce. Le roi du mash-up (qu’on appelle aussi « open format », soit musique généraliste) finira par claquer d’une OD dans un appartement new-yorkais en 2009, manquant de peu l’explosion de la scène clubbing. C’est à cette période que la musique électronique, appelée ici EDM (Electronic Dance Music) devient mainstream. Sur le Strip, dans l’enceinte du Cosmopolitan, le Marquee ouvre ses portes fin 2010 et devient le premier club à programmer de l’EDM le vendredi et le samedi soir. En face, la concurrence se tâte. Yannick Mugnier, un Français devenu general manager du XS, se souvient : « Quand le Marquee a ouvert, on a eu à peine quelques mois pour décider si l’on allait lancer une nouvelle tendance avec eux. On a réfléchi et il fallait qu’on monte dans ce train. Début 2011, on se regardait : qu’est-ce qu’on fait ? Et on a tout de suite tapé fort, avec Deadmau5, en février 2011. Après, on a booké des tas de DJ’s et la tendance EDM était lancée à Vegas. » Confirmée avec l’arrivée quelques mois plus tard de l’Electric Daisy, le plus gros festival électronique du pays.
Le bottle service, le nerf de la guerre
Le journaliste Mike Prevatt, qui s’occupe des pages dance music du Las Vegas Weekly depuis le tournant du millénaire, a vu son boulot changer radicalement : « Avant, on avait trois ou quatre clubs seulement sur le Strip. Et puis ça a explosé, d’abord parce qu’on entendait de l’EDM sur toutes les radios américaines. Au début, j’étais super enthousiaste, parce que, enfin, les gens écoutaient de la musique électronique en club. Je me disais qu’avec le temps, les gens seraient fatigués de l’EDM et on reviendrait à la vraie house ou techno. Mais ça n’a pas forcément marché comme ça. » Et pour cause : les patrons de casinos se foutent de la musique. Pour eux, les DJ’s constituent un nouveau moyen de ramener des gens et de l’argent. « La chose la plus importante dans cette évolution, c’est que les clubs ont compris comment maximiser le bottle service en fonction du DJ booké pour la soirée, détaille Mike. Et ils ont construit des programmes de résidents exclusifs suivant le nombre de bouteilles que les gens consommaient. » Toute l’industrie de la nuit est désormais basée sur cette réservation de tables et de bouteilles. Et la stratégie est cousue de fil doré.
Steve Aoki à jeun
On prend un taxi (qui peste lui aussi contre Matt Damon) direction le Caesars Palace, où trône depuis quelques mois l’Omnia, un club géant ouvert au printemps 2015 avec un plafond qui descend et des danseuses suspendues. On passe le long du premier point d’accès avec une file de gens alignés sur facile 50 mètres. Puis une deuxième queue, de la même taille. Et une troisième. Il faut au bas mot deux heures pour entrer. Sauf si vous prenez une table avec une bouteille, qui coûte entre 1 000 et 10 000 dollars. Les hosts du club tournent régulièrement pour le faire savoir. Jusqu’à ce qu’un groupe de mecs, saoulés d’attendre et fascinés par les nanas affolantes qui, elles, entrent directement, décident de claquer une CB (« Merde, on est à Vegas, on fait péter ! ») et de partager une table et une bouteille, pour commencer…
C’était mieux avant
Le lendemain, au volant de son pick-up Ford, Tino Gomez ressasse le passé, les teufs à l’Utopia et au Ra, les clubs de référence des décennies précédentes. « On voyait de bons DJ’s, Carl Cox, John Digweed… Et puis c’est parti en couille. Afrojack, Tiësto, Chuckie, le top 40 tout le temps… Maintenant, les DJ’s sont des pop stars qui ne savent pas mixer. » La mine renfrognée, il détaille le cercle infernal : « Il faut comprendre que Las Vegas n’est pas une ville normale. It’s all about the money. Si tu rapportes de l’argent, ils se foutent de savoir qui tu es, tu seras engagé. Que tu fasses de la merde ou pas. Les gens aiment la merde ? Alors on va leur en vendre. Les programmateurs des clubs veulent que leur boss soit content. Et ce qui rend les patrons heureux, c’est de voir les réservations de tables et les ventes de bouteilles augmenter. Donc ils sont prêts à tout. Si, demain, le truc à la mode, c’est de faire venir des boxeurs pour se battre sur le dancefloor, alors tous les clubs organiseront des combats de boxe, parce que c’est ce qui fait vendre. »
« Si, demain, le truc à la mode, c’est de faire venir des boxeurs pour se battre sur le dancefloor, alors tous les clubs organiseront des combats de boxe, parce que c’est ce qui fait vendre. »
« Pour moi, ça ne vaut pas le coup. Je crois en une musique et j’adhère à toute la culture qu’il y a derrière la techno et la house. C’est ça qui m’intéresse, pas d’être populaire parce que je joue certains sons », explique-t-il en garant sa voiture dans une résidence façon Wisteria Lane, à l’ouest de la ville. On arrive chez son pote Brett Rubin, un DJ de 36 ans, tendance deep house, qui roule sa bosse depuis une dizaine d’années dans les soirées de Vegas. Quand Carl Cox, Loco Dice ou Claude VonStroke sont en ville, c’est lui que les clubs appellent pour assurer le warm-up. Il mixe également au Burning Man tous les ans, où il s’est longtemps occupé de monter des camps.
Dans la cuisine de son pavillon cosy, Brett enfonce la weed qu’il fait pousser lui-même dans sa pipe. Son caniche sur les genoux, il se rémémore la période bénie d’avant le « big boom ». « Avant, c’était compartimenté. Les gros DJ’s jouaient des hits de radio et les gars de l’électro étaient dans l’underground. On avait nos afterhours (les clubs qui ouvrent de 3 h à 8 h, ndlr), on était les seuls à jouer de la musique électronique et c’était putain de cool. Maintenant, c’est devenu compliqué de monter des afterhours, parce que les clubs ouvrent plus tard, et ils jouent tous de la musique électronique ! C’est plus dur d’attirer des gens dans nos events, il y a tellement de concurrence. Et les pool parties nous tuent tout l’été. »
Brett Rubin
Lui qui était régulièrement booké en peak time dans les clubs a vu son planning s’amincir. « Les clubs dépensent tellement de thunes sur les têtes d’affiche qu’il n’y a plus de budget ou presque pour les warm-up et les locaux. Et les programmateurs sont devenus fainéants. Souvent, c’est le même DJ qui ouvre le club toute la semaine. Nous sommes noyés dans la masse. Désormais, même les DJ’s hip-hop se sont adaptés et jouent de l’électro, et mal avec ça. Moi, je n’irai pas jouer du hip-hop, mais eux s’en foutent complètement, tant que ça rapporte. »
Brett a donc zappé les gros clubs. Même si c’est bien payé. « Si tu veux mixer en opening, les managers te donnent des règles précises sur ce que tu dois ou ne dois pas jouer. Ça me mettait dans des situations bizarres : je peux ouvrir pour Richie Hawtin ou Carl Cox, mais on me dicte ce que je dois jouer ? Impossible. Et franchement, je ne me vois pas jouer de la merde avant un DJ que je respecte. Qu’est-ce qu’il va penser de moi ? » Il monte désormais ses propres soirées, dans des lounges à taille humaine ou dans le désert. Des fêtes intimistes avec une centaine de personnes, où personne ne commente sa playlist derrière son épaule. Pas de physio, pas de dress code, pas de guest-list, et de la bonne musique.
Underground importé
Ça toque à la porte. Arrive Rafael Laguerre, que Brett a rencontré au Burning Man et qui gère les Cymatic Sessions, une soirée house tous les mardis au Downtown Cocktail Room, un bar à cocktails sur Fremont Street. C’est là que se trouve le Old Strip et ses casinos des années 60-70, à l’écart du circuit des mégaclubs. Il y a sept ans, il débarquait de New York, où il bossait pour une boîte de matériel audio. Rafael a aujourd’hui un pied dans les deux mondes : il booke d’authentiques DJ’s pour ses soirées à 150 personnes (dont David Herrero et son « mentor » Danny Tenaglia), et bosse comme stage manager à Wet Republic, la plus grosse pool party de Vegas, dans les bains de l’hôtel MGM. Toutes les semaines, il prépare le booth pour Calvin Harris, Hardwell ou Steve Aoki. Un grand écart qu’il gère difficilement : « C’est vrai que ça fait mal, parce que ces mecs sont payés des fortunes et certains ne mixent même pas. Alors que nous, on a passé des années dans notre chambre, dans le ghetto, à mettre chaque dollar gagné de côté pour acheter des platines et des disques. »
Rafael Laguerre (Cymatic Sessions)
« Ici, c’est un melting-pot, on vient tous de grandes villes avec des scènes underground affirmées, poursuit-il. On essaye d’amener cet esprit à Las Vegas, mais c’est dur. C’est une petite ville pour l’underground, il ne faut pas se le cacher. » Petite, c’est le mot. La réalité des soirées underground, ici, c’est 200 personnes, 600 pour les grandes occasions, Halloween, le Jour de l’an et les jours fériés. Impossible de concurrencer les budgets des gros clubs. Les têtes d’affiche underground se font rares, et ne changent de toute façon pas grand-chose à l’affluence. « Quand j’organise une soirée, que je mixe toute la nuit avec des locaux qui sont peu ou pas payés ou que je booke un headliner à 5 000 dollars, j’aurais le même nombre de personnes. C’est décourageant », lâche Brett, énervé de voir que les stars viennent même marcher sur ses plates-bandes dans le désert. « Diplo ? C’est un bon DJ, mais ça me saoûle de le voir au Burning Man. L’an passé, quand il est venu, je me disais : “Ces connards ont déjà envahi ma ville, et maintenant, ils viennent envahir mon festival !” C’est sacré pour moi, ça fait des années que je bosse dessus, et je le vois arriver à dire de la merde au micro comme s’il était au XS. »
Que manque-t-il donc pour que la communauté underground puisse sortir du trou ? D’abord un peu de stabilité. Les soirées de Tino et Rafael fêtent à peine leurs deux ans, et ils réfléchissent déjà, devant leur succès relatif, à changer de lieu. Comme habités par le réflexe de cette ville, où tout change rapidement. Il leur faut peut-être aussi tenter d’attirer différemment l’attention, eux aussi, à leur manière. C’est ce qu’avait réussi Thom Svast, fondateur des soirées AFTER, dont les DJ Rules étaient devenues virales en 2014. Dans le booth, il avait collé une affiche sur laquelle on pouvait lire des choses comme « ne jouez pas de sets prémixés », « ne prononcez pas un putain de mot au micro », « refusez toutes les requests », ainsi qu’une liste d’artistes prohibés comprenant David Guetta, Hardwell, Avicii, LMFAO ou Martin Garrix, qui a eu droit à la mention « douche » (« connard ») apposée à son nom.
Une histoire qui a valu à ces résistants de l’ombre une volée de messages et textos d’encouragements. « C’était un bon coup parce que ça a attiré l’attention sur notre scène, se souvient Rafael. Ça a montré que malgré le raz-de-marée EDM, il y avait toujours un groupe de gens qui se battaient pour faire vivre la scène underground. On verra, peut-être que ce coup médiatique aura des conséquences inattendues. Si ça se trouve, on va faire des bookings de fou bientôt. » Sauf que les soirées AFTER sont aujourd’hui en stand-by et que l’effet s’est dissipé. Encore un problème de stabilité et de longévité. « On verra, le boom EDM fait que les médias gardent un œil sur la ville. Si les différents crews de la communauté underground restent unis, on peut aller se battre et démarrer une révolution, ou au moins une rébellion. Quand la bulle va exploser, il n’y aura plus que nous », espère Rafael.
Jamais sans mes filles
De retour à l’hôtel, on se prépare pour aller au Drai’s, un des clubs les plus en vue du moment, pour la fête du dimanche soir avec Waka Flocka Flame. Sur la route, le chauffeur Uber, un Afghan qui dit avoir partagé une cave avec le commandant Massoud, est relax. Le tournage de Jason Bourne est fini, Matt Damon est de retour en grâce. On a rendez-vous avec DJ Franzen, le résident du club. Dans les 90’s, sur sa radio à San Francisco, il était l’un des DJ’s les plus respectés pour avoir popularisé les hits du rap underground, notamment les débuts de Notorious BIG. Il s’était ensuite fait une place au soleil en animant un show avec Snoop Doog en 2001, diffusé sur une trentaine de stations aux USA.
DJ Franzen @ Drai’s
Posés dans un bar près de l’entrée du club, où une chanteuse visiblement fan d’Adèle termine son show, on comprend vite que Franzen s’est assis sur son intégrité artistique en arrivant il y a quinze ans. C’est sans doute ce qui lui a permis de durer et de devenir une des figures de la nuit. « Je me suis simplement adapté à cette époque. La musique change, les tendances aussi, et il faut évoluer avec. Je vais avoir 40 ans cette année, et je suis toujours dans le coup », explique-t-il en tapotant des SMS. « J’attends des copines pour entrer dans le club. Si je passe la porte tout seul, ça fait mauvais genre. Il faut que je montre l’exemple ! »
Franzen a tout compris au show permanent de Las Vegas, et joue complètement le jeu. Il raconte comment Travi$ Scott est désormais banni de Las Vegas après avoir sauté dans la foule lors de son dernier show. « Je le dis à tous les rappeurs qui viennent : ici, il faut se tenir à carreau. Tu ne peux pas slammer dans le public. Imagine, tu blesses quelqu’un ? Les boss ne veulent pas que les gens portent plainte », prévient-il, avant de regretter, quand même, que Jazzy Jeff se soit fait virer des platines du Encore parce qu’il ne jouait pas assez commercial. Mais il ne s’appesantit pas longtemps sur la mutation de son métier de DJ en chauffeur de salle. « Franchement, je vis un rêve de gosse. Régulièrement, je prends le micro et je fais des dédicaces. Si des gens fêtent leur anniversaire, je le dis, parce que je sais qu’ils vont se souvenir de ce moment toute leur vie. Ça leur fait plaisir et à moi aussi, alors pourquoi pas ? » Tandis qu’on conclut l’entretien, on relève la tête. Le bar s’est rempli d’une quinzaine de filles en robe de soirée. C’est bon, DJ Franzen peut entrer dans le club.