Montréal : MFC Records poursuit sa mission caritative et sort une 2ème compil’ d’envergure internationale

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©MFC Records
Le 09.02.2022, à 14h41
08 MIN LI-
RE
©MFC Records
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©MFC Records
0 Partages
À l’occasion de la sortie de sa deuxième compilation, MFC Records réunit les très prometteur·euses DJ Ali, FX093, Katia Val, Molzk et Nakamo. L’objectif est double : sensibiliser à des causes qui leur sont chères et lever un maximum de fonds qui seront entièrement reversés aux associations Defense For Children International – Palestine et Legacy Of Hope Foundation. Pour en savoir plus, Trax a piqué une jasette avec BitterCaress, fondatrice du label et l’étoile montante Katia Val.

Propos recueillis par Elsa Fortant

Nous avons échangé il y a presque un an à l’occasion de la première compilation MFC. Que s’est-il passé pour le label depuis ? 

BitterCaress : Cette première compilation sortie en mars 2021 a vraiment bien été reçue. Avec celle-ci, nous avons pu récolter plus de 300 CAD qui ont été reversés à la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) dont le but est d’assurer la pérennité d’une société dans laquelle tous les individus ont des droits égaux sans discrimination fondée sur la race. En mai 2021, il y a eu le premier EP du label par Aahan, avec un remix de Luna Vassarotti. Cet EP avait pour but de sensibiliser aux violences faites aux femmes en Turquie avec un soutien apporté à la Fondation Mor Çatı Women’s Shelter. Elle a été créée en 1990 par des féministes afin de lutter contre la violence à l’égard des femmes en Turquie. Nous avons pu collecter 125 CAD à ce jour et les tracks ont été téléchargés aussi par de nombreux artistes. J’ai été très contente de faire cet EP parce que j’ai pu travailler en étroite collaboration avec Aahan. Et je pense, à l’avenir, me concentrer majoritairement sur des EPs avec le label même s’il y aura, de temps à autres des compilations qui sortiront pour continuer d’encourager des artistes de tous horizons.

Qu’est-ce qui t’a mené à choisir Defense For Children International – Palestine et Legacy Of Hope Foundation pour reverser les profits de la compilation ? Que peux-tu me dire de ces associations ? 

BitterCaress : Personnellement, 2021 m’a apporté beaucoup de recul sur pleins d’aspects. J’ai pris du temps pour me renseigner sur plusieurs sujets d’actualité et deux m’ont particulièrement marquée : ce qui se passe en Palestine depuis bien des années déjà et la situation des autochtones au Canada. Comme cette compilation a pour but de sensibiliser à des situations d’injustices et de répression que certains peuples ou communautés pourraient encore subir actuellement, je trouvais ça logique d’encourager des associations qui œuvrent pour ces deux causes qui me parlent particulièrement. Comme l’une des missions de MFC Records est de représenter des artistes locaux mais aussi internationaux, je souhaitais faire en sorte que ces deux aspects soient pris en compte dans mon choix d’associations. Defense for Children International – Palestine s’engage à assurer un avenir juste et viable aux enfants palestiniens en Palestine occupée, y compris à Jérusalem-Est et dans la bande de Gaza. Depuis 1991, l’organisme a enquêté, documenté et exposé de graves violations des droits humains contre les enfants ; fourni des services juridiques aux enfants dans le besoin urgent; a tenu les autorités israéliennes et palestiniennes pour responsables des principes universels des droits de l’homme ; et a plaidé aux niveaux international et national pour faire progresser l’accès à la justice et à la protection des enfants. Legacy Of Hope Foundation est un organisme de bienfaisance autochtone national dont le mandat est d’éduquer et de sensibiliser le public et de mieux comprendre le système des pensionnats indiens au Canada, y compris les impacts intergénérationnels tels que le retrait de générations d’enfants autochtones de leur famille, la rafle des années 60, le stress post-traumatique que de nombreuses Premières Nations, Inuits et Métis continuent de subir, tout en essayant de lutter contre le racisme, de favoriser l’empathie et la compréhension et d’inspirer des mesures pour améliorer la situation des peuples autochtones d’aujourd’hui. La LHF soutient le processus de guérison continu des survivants des pensionnats indiens et de leurs familles et sollicite leurs commentaires sur des projets qui les honorent.

La première compilation mettait en valeur des artistes émergent-es basé-es au Canada, qu’en-est-il de ce deuxième cru ?

BitterCaress : DJ Ali, FX093, Katia Val, Molzk et Nakamo sont présent.e.s sur la compilation MFC003, Home isn’t where the heart is. Chaque artiste a été invité.e à produire un morceau en lien avec le thème énoncé plus tôt. Ce morceau a pour but de sensibiliser à une cause que l’artiste défend et qui lui tient à cœur. Ici, nous parlons de sensibiliser à des situations d’injustices et de répressions que certains peuples ou communautés pourraient encore subir actuellement. Droit des palestiniens pour DJ Ali, la situation des autochtones au Canada pour FX093, les violences conjugales pour Katia Val, la situation des enfants au Yémen pour Molzk et les droits de la communauté LGBT2Q+ pour Nakamo sont les thèmes abordés par chacun.e pour cette compilation.

Katia, peux-tu nous parler de la cause que tu as choisie et la façon dont cela se traduit musicalement ? 

Katia Val : Je voulais sensibiliser le public aux violences domestiques, en particulier en Australie. Selon le Bureau australien des statistiques, 1 femme sur 6 et 1 homme sur 16 ont subi, depuis l’âge de 15 ans, des violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire actuel ou précédent. Depuis le début de la pandémie, ces chiffres ont augmenté de 13 %. Il ne s’agit là que des cas signalés. Beaucoup choisissent de se taire. Notre système juridique n’est pas une solution efficace contre la violence domestique. Cela, ainsi que les attitudes de blâme à l’égard des victimes, la peur des représailles et la dépendance économique, sont quelques-unes des raisons pour lesquelles de nombreuses victimes choisissent de garder le silence. Il s’agit d’un problème social qui découle de croyances culturelles et sociales, de traumatismes psychologiques et de l’éducation. Nous avons besoin d’un changement culturel majeur et d’une éducation sérieuse pour briser le cycle. Lorsque Camille m’a contacté, j’avais déjà écrit mon titre “Never Again”. Je savais qu’il serait parfait pour ce projet. Comparé à mes autres travaux qui sont généralement plus fun, ce titre est sombre, émotionnel et correspond parfaitement à la gravité du sujet.

Comment décrirais-tu ton “parcours d’activiste” et son évolution ? Comment as-tu commencé à t’impliquer dans des projets à portée sociale (liés à la musique ou non) ?

Katia Val : J’ai été impliqué dans le militantisme par intermittence depuis 2015 pour des raisons à la fois personnelles et politiques. La première fois que j’ai été fortement impliquée, c’était lorsque le gouvernement de Sydney a fait disparaître la vie nocturne avec ses soi-disant “lock out laws”. C’était illégal pour les clients et le personnel d’entrer dans un lieu après 1h30 du matin, ce qui a entraîné la fermeture de la plupart des clubs. Cela a affecté les travailleurs de nuit et les artistes, et beaucoup d’entre nous ont perdu toute chance de trouver du travail. Depuis, lorsque je me déplace dans le monde, je continue de défendre des enjeux importants, tant au niveau mondial que personnel. Ce n’est pas un processus constant pour moi, car ça peut être assez lourd, mais je fais du mieux que je peux.

Tu as connu plusieurs scènes techno, sur différents continents et je suppose que cela te donne une perspective sur les différentes valeurs au cœur de chaque scène. Comment les décrirais-tu ? Lesquelles sont au cœur de ta pratique en tant que DJ ?

Katia Val : J’ai commencé à m’intéresser à la techno lorsque je vivais en Australie. La scène y est intime, mais possède une communauté puissante. C’est important pour nous, car nous sommes très isolés du reste du monde. Les collectifs locaux (surtout les plus petits) entretiennent cette communauté en se soutenant mutuellement lors d’événements, en encourageant les petits artistes sur les radios communautaires et en créant des labels pour publier des podcasts/tracks d’artistes australiens. En comparaison, la scène parisienne (et la scène européenne en général) me semble moins intime, simplement en raison de sa taille, mais elle est tournée vers l’avenir et innove constamment. J’ai de très bons souvenirs de mon séjour en Australie et je souhaite apporter cet aspect communautaire à ma pratique. Quelle que soit sa taille, je veux continuer à utiliser ma plateforme pour donner de la visibilité aux artistes prometteurs tout en continuant à innover et à apporter quelque chose de frais à la scène.

De quelles façons le thème de la VA, “Home isn’t where the heart is” résonne avec vous et votre vécu ?

Katia Val : D’après ce que j’ai compris, “Home isn’t where the heart is” signifie que ce que tu es et où tu vas est plus important que l’endroit d’où tu viens et avec qui tu as grandi. Cela résonne profondément en moi, car j’ai immigré deux fois dans ma vie. Même en Australie, je changeais souvent de ville. Maintenant, après avoir vécu en France pendant deux ans et demi, c’est plus vrai que jamais. Je n’ai aucun attachement à un lieu spécifique et je continue à regarder vers l’avant plutôt que vers l’arrière.

BitterCaress : Ce thème a pour moi une connotation relative à l’appartenance. Il y a ce côté d’« acceptation » de la communauté à laquelle tu pourrais ou souhaiterais appartenir. Niveau background, ça pourrait me faire penser à quand j’étais adolescente, j’ai été énormément harcelée à l’école. C’était le début des réseaux sociaux, Facebook. Quand ça ne se passait pas à l’école, c’était en ligne. Je recevais des messages haineux, des commentaires méchants sur les photos de groupes d’amis, groupes auxquels je pensais appartenir… C’est quelque chose qui peut paraître anodin à cet âge car beaucoup de personnes passent par là mais ça m’a beaucoup marquée. J’ai mis beaucoup d’années avant de retrouver confiance en moi. En arrivant à Montréal en 2014, j’ai pu me reconstruire en tant que jeune femme. Ça a été bénéfique et c’est, en partie, pour ça que j’y suis encore. Dans cette phrase “Home isn’t where the heart is”, je trouve aussi qu’il y a une idée de recherche de soi-même, une sorte de quête personnelle. 

BitterCaress, en tant que directrice de label émergent, quels sont les apprentissages, les bonnes pratiques, les difficultés que tu as rencontrées lors de cette année de lancement ?

BitterCaress : Avoir un « baby » label en tant que « baby » artiste n’est jamais facile, donc tu fais fonctionner ton réseau à fond. Tu redoubles d’efforts car tu ne peux pas forcément compter sur ta notoriété pour que ton projet fonctionne. Une autre des difficultés majeures que j’ai rencontrées est la coordination entre les différents artistes et acteur·rice·s du projet. On ne se rend pas forcément compte comme ça quand on voit la musique sortie sur les plateformes d’écoutes mais il y a pas mal d’acteur·rice·s qui entrent en jeu avant d’avoir le résultat final : les artistes, la personne qui travaillera sur les visuels et les vidéos (cela peut être deux personnes parfois), l’ingénieur son pour les masters, les personnes avec qui tu discutes pour avoir des premières sur SoundCloud/YouTube, celles avec qui tu discutes pour les articles de Presse, parfois aussi la personne avec qui tu règles certains enjeux de distribution…

Est-ce qu’il y a d’autres initiatives, organisations, etc. à portée sociale – en lien avec la musique ou non – que tu souhaites partager avec nous ?

BitterCaress : Pour rester dans le thème musical et plus particulièrement la techno, j’aimerais faire une mention spéciale à deux artistes qui ont sortis des tracks sur MFC Records : ottoman.grüw et DJ Ali. ottoman.grüw avec son projet Montreal Dances Across Borders, en collaboration avec Louis Paulhus, récoltent des fonds pour Solidarité sans frontières, un réseau de justice migrante basé à Montréal. L’association offre du travail de soutien aux individus/familles qui font face au système injuste d’immigration et de détermination du statut de réfugié.e.s et organise des activités d’éducation populaire, des mobilisations politiques prenant la forme de manifestations, de lignes piquetage et d’actions directes.

DJ Ali, avec son manager Nadeem, ont créé AL GHARIB. C’est une communauté artistique soutenant diverses organisations qui viennent en aide aux individus et aux groupes minoritaires. Ils ont déjà sorti deux compilations, une pour collecter des fonds suite à l’explosion de Beyrouth en août 2020 et l’autre pour la Palestine en 2021.

La compilation Home isn’t where the heart is est parue ce 9 février sur MFC Records.

0 Partages

Newsletter

Les actus à ne pas manquer toutes les semaines dans votre boîte mail

article suivant