Milton Bradley, comme son homologue allemand Shed, est aussi prolifique que son aura est fantomatique, planant avec ses nombreux alias sur le monde de la techno brute, intense, contre-utopique. Ses sorties orientées acid se font sous le pseudonyme Alien Rain tandis qu’il compose une musique post-apocalyptique avec The End of All Existence, dont le troisième EP est prévu pour cet été. Différents projets donc, qui servent tous un même but, celui de capturer des moments spécifiques de sa vie, des sentiments personnels auxquels il offre une place de choix dans sa musique.
“Tant que je peux passer du bon temps avec un bon public, qu’on prenne du plaisir ensemble, c’est tout ce dont j’ai besoin pour être heureux.”
Quand on cherche ton alias “Milton Bradley” sur Google, on trouve une compagnie éditrice de jeux et un joueur de baseball célèbre. Pourquoi ce pseudonyme ? Tu aimes les jeux ?
L’histoire est assez simple. Quand j’ai commencé à produire de la musique, j’avais en ma possession une Vectrex, une vieille console de jeux des années 80 fabriquée par une entreprise appelée Milton Bradley. Ce nom me convenait parfaitement, il était facile à retenir et personne ne l’utilisait à ce moment-là. C’est tout.
Ton premier EP est sorti en 2008 et ton album sortira en 2016. Pourquoi as-tu attendu si longtemps ?
En tant que DJ et collectionneur de disques, je n’étais pas sûr qu’un album était approprié dans un contexte de DJing, et je le considérais comme quelque chose d’assez atypique pour la techno. Après m’être concentré sur le projet Alien Rain au cours de ces dernières années, tout en produisant une série d’autres choses sur le côté, il était temps de revenir sur mon label et de ramener le son de Milton Bradley. Produire un album était le meilleur moyen de présenter des morceaux dans une corrélation plus large, racontant une sorte d’histoire, ce qu’il est difficile de faire en ne sortant qu’un EP.
Considères-tu cet album comme une consécration de ton travail ou est-ce tout simplement une étape supplémentaire ?
Sortir un album était une conséquence logique née d’un souhait qui était de rassembler les différents sons que je produis par thématique, et bien évidemment, c’était une étape importante en tant qu’artiste.
J’ai lu dans une interview que tu as toujours eu une vision très claire et forte de ce que tu voulais faire. Qu’as-tu voulu atteindre à travers cet album ? As-tu réussi ?
Je vise toujours un certain objectif et j’ai une certaine idée de comment les choses doivent être à la fin. En faisant de la musique, j’essaie de transmettre des émotions et de parler de certaines choses, de faire une déclaration. Produire l’album, c’était présenter différentes facettes du désir que je peux éprouver, en montrant différentes facettes de mon propre son. C’est pour cette raison que j’ai choisi des morceaux qui reflètent cette déclaration d’un côté, et qui montrent une large variété de styles de l’autre.
“J’ai toujours associé la techno à des pièces sombres type usine abandonnée ou cave, même avant que je n’aille à ma première soirée techno.”
Est-ce que cet album suit un ordre chronologique ? Ou est-ce qu’on peut écouter chaque piste séparément ?
Musicalement, chaque piste est capable de subvenir à elle-même même si les morceaux sont organisés d’une certaine manière. Il y a davantage de tracks atmosphériques pour commencer, puis des sons plus dubby et technoïde. Au niveau de la thématique, tout est connecté, excepté l’intro et l’outro, mais ce n’est pas déterminé par un ordre strict.
Je n’ai pas envie de trop penser les choses, d’être trop “intello” car au final, c’est de la musique. Il faut prendre du plaisir à l’écouter et à danser, et il faut laisser de l’espace pour que chacun puisse se forger sa propre interprétation…
Tu jongles avec deux aliases, Alien Rain et Milton Bradley. Qu’est-ce que chaque projet cache ?
En fait, il y a même trois aliases. Milton Bradley est ma propre interprétation de la musique électronique, peu importe si c’est des rythmes binaires ou plus cassés. The End of All Existence est une sorte de B.O. pour fin du monde fictionnelle. Le son est alors bien plus drone et expérimental. Alien Rain est un projet à côté qui me permet de faire ressortir le pur son acid juste comme je l’aime.
Tu n’as plus rien sorti sous ton alias The End of All Existence depuis 2011. As-tu abandonné ce projet ?
Non, le troisième EP est prévu pour l’été de cette année, il n’y a juste pas encore de date exacte pour le moment. Comme je l’ai dit auparavant, l’idée était de créer une bande son pour illustrer l’apocalypse. Au départ, j’avais prévu de produire 12 tracks qui conviendraient davantage pour un album. Mais alors que je me concentrais plus sur le DJing, j’ai opté pour la sortie en trois LPs séparés. Deux sont déjà sortis, et le troisième a pris du retard, j’avais d’autres projets en cours.
Selon toi, quel est le meilleur endroit sur Terre pour apprécier ta musique ?
J’ai toujours associé la techno à des pièces sombres de type usine abandonnée ou cave, avant même que je n’aille à ma première soirée techno. Ce serait l’environnement parfait pour moi, mais ce n’est pas la garantie d’une bonne soirée. Je n’ai pas envie de me déterminer dans un certain genre de son, je joue de la musique que j’aime, c’est aussi simple que ça. Si l’opportunité s’y prête, cet album pourrait être joué à la maison, au Panorama Bar.
Je ne peux pas nommer un club comme étant mon favori, même s’il y en a quelques-uns dans lesquels j’aime vraiment beaucoup jouer. Un bon soundsystem et une bonne organisation sont la base, et le tout doit correspondre en terme de style. Tant que je peux passer du bon temps avec un bon public, qu’on prenne du plaisir ensemble, c’est tout ce dont j’ai besoin pour être heureux.
As-tu vu ton public changer au fil des ans ? Que penses-tu que les gens attendent de tes sets ou de ta musique aujourd’hui ?
Bien sûr, tout est en transformation et il y a un changement constant. Les gens viennent et partent, il y a de nouvelles influences ici et là. Les tendances et l’esprit du temps définissent la vitesse, et la musique change chaque année. À première vue, l’artiste est toujours connecté avec la musique qu’il ou qu’elle produit, et c’est ce que tu t’attends à entendre.
Apparemment, beaucoup de gens considèrent que ce je joue est expérimental, ce qui est possible mais ce n’est pas quelque chose que je fais consciemment. Dans mes dernières prestations, j’ai de plus en plus joué les sons acid d’Alien Rain, ce que les gens attendaient que je passe. Évidemment, c’est assez encourageant quand les gens me demandent de jouer ces sonorités acid en me montrant le logo d’Alien Rain sur leur smartphone lorsque je joue en club.
ORIGINAL VERSION
When you search for your alias “Milton Bradley” on Google, the results show a board game publisher and a famous baseball player. Why this pseudonym? Are you a big fan of games?
The story is quite simple. When I started producing music, I was looking for a new alias I could release music with. At that time I had the ‘Vectrex’, an old 80s games console made by a company called Milton Bradley. To me this name fit perfectly, it was easy to remember and I couldn’t find anyone else using it then. That’s it.
Your first EP is from 2008 and your album will be released in 2016. Why have you been waiting so long?
As a DJ and record collector I wasn’t sure whether an album fit the DJ context and it didn’t seem to be typical in the case of techno. After I had focused on the Alien Rain project over the last few years, but also producing a bunch of different material alongside that, it was time to bring back the label and bring back the Milton Bradley sound. Producing an album was the best way to present tracks in a wider correlation, telling some kind of a story, which is more than is possible with ‘just’ an EP.
Do you consider this album as a consecration of your work, or just another step forward?
Releasing an album was the logical followup, bringing my different sounds together thematically, and of course the next important step as an artist.
I read in an interview you did with Thump that you always had a very clear and strong vision of what you wanted to do. What did you want to do through this album? Did you succeed?
I always aim for a certain goal and have quite an exact idea of how everything should be in the end. In making music I try to convey emotions and make a statement. Producing the album was about presenting different facets of the desire I feel by showing different facets of my own sound. Due to that I chose tracks that reflect that statement on the one hand and which show, on the other hand, a wide variety of styles.
Does this album follow a chronological order? Or can you pick each track separately?
Musically, every track is able to stand by itself. The tracks are ordered such that at the beginning there are more atmospheric tracks, followed by more dubby and other technoid sounds. Thematically everything is connected except intro and outro, but it’s not determined by any strict orders. I don’t want to overthink things too much, not being too ‘brainy’, because I think in the end it is about the music, you should have fun listening and dancing to it, and it should leave room for your own interpretation. Everyone is invited to listen to this music as he or she wants to.
You juggle your two aliases, Alien Rain and Milton Bradley. What does each project represent?
Actually it is three aliases. “Milton Bradley” is my own interpretation of electronic music, no matter if it’s four to the floor or broken beats.
“The End Of All Existence” is a kind of a soundtrack to a fictional apocalypse. The sound here is way more dronish and experimental.
“Alien Rain“ is a side project for bringing out the pure acid sound just how I like it.
You haven’t released anything under your alias The End of All Existence since 2011. Did you drop this side project?
No, the third one is coming by summer this year, for sure, but there’s no exact release date for the moment. As I said before, the idea was to create a soundtrack to the world’s end. Initially I was producing 12 tracks which would fit better into an album context. But as I focused on DJ’ing I was more keen to release it as three separate 12″s in the end. Two of them are already out, the third one was delayed a bit due to my focus on other projects over the last few years.
Which place (nightclub or anywhere else) do you think fits best to enjoy your music? If you had to choose only one place where the vibe worked particularly well, which one would you pick?
I always connected techno to dark rooms with an abandoned factory or basement-like feel, even before I went to my first techno party. This would be the perfect environment for me, but in the end it’s no guarantee for having a good party. I don’t want to define myself with a certain kind of sound, I play the music I like, it’s that simple. I’d play house in the Panorama Bar if I had the opportunity.
Due to that I can’t name a certain club as my favourite even if there are some I really like to play at. A good sound system and good organization are the foundations, and it has to fit style-wise. As long as I can have a good time together with a good audience, having some fun together, that’s all I need to be happy.
Has your crowd changed over the years, since your beginning? What do you think they expect from your sets or your music today?
Sure, everything is under transformation and there’s a steady change, people come and go, new influences here and there, trends and zeitgeist set the pace, music changes year by year. And yes, on the first sight the artist is always connected with his sound he or she is producing, and that’s what you expect to hear. Apparently a lot of people consider me as playing more experimental stuff which I could do but which I don’t really! Last time I played more and more of this iconic Alien Rain acid sound that people expect me to play and ask for. Of course it is kind of encouraging when people ask me to play the acid stuff in the club by showing their phones with the Alien Rain logo.