LES MEILLEURS MOMENTS
Helena Hauff, Berlin calling
©Jacob Khrist
Ce mercredi soir au Peacock rimait surtout avec le DJ set des deux Irlandais de Bicep. House moderno-old-school musclée et colorée, nous avions sorti notre plus beau ensemble d’aérobic et étions venus tôt, chauds, prêts à suer. Mais dans notre petit tour d’échauffement habituel à l’arrivée en festival, le début de la prestation de la jeune Hambourgeoise Helena Hauff a fait sur nous l’effet d’un trou noir.
Happés par l’élégante noirceur de sa techno industrielle effrontément prématurée pour l’heure, nous n’eûmes d’autre choix que de rester planter devant son joli minois blafard. Haute perchée sur la toujours magnifique scène Warehouse du Peacock, Helena a aussi ému par son léger stress. Ce que l’on prend volontiers pour de l’appréhension, voire de l’excitation à tabasser une foule de moins en moins clairsemée avec un soundsystem et une scénographie épatants.
Mais bientôt, l’Allemande lève le pied pour nous introduire à l’origine de ses influences : le son claquant de l’EBM période pré-chute du Mur. Entre un vinyle de The Exaltics et un autre d’Alessandro Adriani, Hauff sublime sa techno grâce à l’arpégiateur et la snare glacés de “R.O.E.” de Scarecrow : la logique est imparable, le set, quasi parfait.
Laurent Garnier, un chauffeur de salle en or
©Mathieu Foucher
L’année dernière, le closing du premier soir par Laurent Garnier avait laissé un souvenir impérissable, dont son ouverture avec “Solar Detroit” ou l’envoûtant “Blackwater”. Père malgré lui des trois quarts des fans de techno en France, Laurent Garnier arrivait donc en terrain conquis. Cette année pourtant, plutôt que la facilité d’un set en tête d’affiche, le DJ s’est mis au défi d’ouvrir la soirée de 20 h à minuit.
Il est tentant d’y voir un choix avisé de l’organisation pour inciter le public (surtout parisien) à débarquer avant minuit, mais force est de constater que la formule fonctionne bien. Les fans ont pu profiter des deux premières heures avec plus d’espace pour danser que d’habitude. L’homme aux platines a visiblement apprécié, avec un début de set fluide et des beats chaloupés, il fait progressivement balancer les têtes, plier les genoux et gigoter les bras.
À 22 h, le set a atteint sa vitesse de croisière et la salle est déjà remplie. C’est l’étendue de sa palette sonore qui fait le charme de Garnier, et une fois plus, il ne déçoit pas, avec un détour revigorant par quelques grands classiques. “I Feel Love” de Donna Summer ou encore “Promised Land” de Joe Smooth conquièrent un public qui, quelques minutes plus tôt, écoutait là une techno qui tirait vers l’acid house. La performance se conclut sur un registre deep house qu’il maîtrise et c’est avec la petite dernière d’Ambivalent “Whyou” que le Français s’en va, laissant à David August un public électrisé et en extase.
Barac met des claques
©Mathieu Foucher
Ce sont les performances comme celle de Barac qui font la réputation du Peacock Festival. Des artistes qui n’ont pas encore réussi à s’extirper du bassin underground, et un public qui les découvre et en ressort avec la joue rouge. Rappelez-vous de ce que nous disions de cette scène roumaine, pourtant Barac a pris tout le monde par surprise. Sur une scène dont l’obscurité n’était interrompue que par de rares faisceaux bleus, la foule était compacte, presque uniforme, et la musique fluide, rythmée et relevée.
La cabine photomaton BURN, bonnes et mauvaises surprises
C’est toujours sympa de se prendre en photo avec ses copines et de recevoir par mail des poses qu’on aurait préférer oublier. Encore plus sympa de découvrir les poses des personnes précédentes en GIF animé sur la façade de la cabine, comme cette festivalière… montrant ses seins !
Jeremy Underground, valeur sûre
Jeremy Underground aurait pu réveiller des esprits restés six pieds sous terre avec sa house sans chichi. Des rythmiques franches – presque minimalistes dans leur architecture – mais tellement percussives qu’on se serait presque remémoré le dicton de grand-mère, “le mieux est l’ennemi du bien”. Difficile de se remémorer avec précision l’ensemble du set tant un vocal, un hi-hat ou une snare (disons toute la panoplie d’une boite à rythmes) vient chaque minute insuffler au groove un nouvel élan. Un artiste que l’on aime voir et revoir.
Magic Four Tet
©Jacob Khrist
S’il fallait résumer le passage de Four Tet en un seul morceau, ce serait son remix d’”Opus” d’Eric Prydz. Ascension interminable et foule électrisée : l’instant était vibrant, suspendu. Le devant de la scène, facilement accessible quelques minutes plus tôt, n’était désormais qu’un lointain mirage contrasté et flou où se confondaient les bras tendus d’une marée humaine humide. Idéale mise en bouche avant les mastodontes Recondite et Tale Of Us, cette performance était certainement l’une des plus marquantes de la dernière nuit du festival. Jamais à court de surprise, l’Anglais s’est même permis de clôturer par extrait de Cendrillon, “Bibidi Bobidi Bou”. Un vrai conte de fée.
LE DÉBAT DE LA RÉDAC
Len Faki B2B Rodhad
©Jacob Khrist
L’avis de Germain
La techno autoroutière des Faki, Rodhad et consorts, ce n’est pas pour moi. Mais force est de constater que le mélange de ces deux-là m’a agréablement surpris. Un double set techno autant mélodique que rythmé, où les deux DJ’s ont su se répondre sans pour autant travestir leur patte respective. Atterri un peu par hasard, j’ai eu du mal à en décrocher.
L’avis de Corentin
Pour un impatient comme moi, les transitions traînaient trop en longueur, me frustrant à coup de mélodies sans kick pendant de longues secondes. Un set trop lisse pour un habitué de techno galopante, a contrario de celui de Maceo Plex qui a su faire claquer le fouet.
NOS DÉCEPTIONS
SBTRKT
Notre sourire s’est progressivement effacé à mesure que l’Anglais masqué mixait, sans grande maestria, ses propres classiques avec ceux de James Blake, des remixes de Tame Impala et autres perles rarement rares. Un geste osé qui pouvait faire la différence entre les grondements de kicks techno de la scène Warehouse, mais qui a malheureusement fini par nous perdre. SBTRKT nous a habitué à mieux.
©DR
Le ciné-club
Belle initiative. Le ciné-club propose en effet une alternative au lever de bras au ciel et la commande de bières. Quand on a le cran d’y pénétrer. Car la grande baie vitrée qui courrait sur toute la longueur de la salle – pas très bien indiquée – laissait voir un trop grand nombre de fauteuils vides ou occupés par des festivaliers fatigués. Un ciné-club circonspect donc, et pourtant des plus intéressants, avec notamment la participation surprise de Laurent Garnier ou Busy P à l’une des multiples conférences.
Antoine Buffard, Laurent Garnier et Patrick Thévenin / ©Jacob Khrist
ON SE SOUVIENT AUSSI
Bambounou B2B Margaret Dygas
©DR
Le bulldozer techno sur lequel était assis les deux complices – tous deux d’origine polonaise – a servi de dameuse à Four Tet, et surtout aux Recondite et Tale Of Us qui prenaient la suite. Un set tendu, parfois à la limite de l’asphyxie, qui prenait aux tripes aussi vite que les coupes de champagne vides qui, derrière le DJ booth, s’amoncelaient.
Bicep
©DR
Une house colorée, musclée, old school, mais dont les transitions trop longues ont fini par nous faire succomber sous le poids de l’attente.
Pantha du Prince
©MG
Masques mystiques, belles machines et instruments de la Triade : il est toujours agréable d’assister à un live de l’Allemand. En revanche, difficile de distinguer les pourtant nombreuses nuances de la musique du Prince dans cet inexplicable brouhaha… Normal pour une musique de chambre plus que de warehouse ?
Silent Disco
Les Silent Disco sont toujours une bonne idée dans les festivals… Quand il y a au moins un DJ aux platines.