Du dealer en soirée aux teknivals en passant par l’achat de plusieurs dizaines de grammes à Rotterdam, les labos d’analyses et les victimes d’overdoses à l’hôpital, il faut reconnaître que le document d’une heure de M6 fait le tour de la question MDMA. Et la mise en garde contre sa consommation, illégale et bien sûr à risques, mérite toujours une piqûre de rappel.
Prudence de la production également : l’ensemble des visages, hormis ceux des forces de police, sont floutés et les noms des intervenants anonymisés. Du dealer, bien sûr, et des différents consommateurs et fêtards, dont Jules qui part en fête techno avec plusieurs dizaines de parachutes de MD et les vend sans souci. Ou encore ces jeunes filles – présentées comme « polytoxicomanes » car mélangeant herbe, alcool et MDMA – qui gobent de la D dans un contexte pour une fois dissocié de la techno, dans leur appartement.
Pourtant, quelque chose cloche. Dès le titre, évoquant une nouvelle drogue qui existe pourtant depuis de nombreuses années, on se doute que l’on va assister à une réalisation sensationnaliste dans la plus pure tradition de l’émission de Bernard de La Villardière. L’ensemble est monté et mis en musique pour faire flipper les mères de familles. D’ailleurs, sur les forums et réseaux sociaux, certains publient les textos alarmistes de leurs parents.
Mais ce sont deux infos mensongères qui cristallisaient les critiques lundi matin. La première est la reprise d’une vieille légende urbaine selon laquelle les teufeurs gaveraient leurs chiens de drogue pour passer les contrôles de police au teknival, avant de les éventrer pour récupérer leurs biens. Il s’agit en fait d’une fausse rumeur datant de 2006, à la suite du teknival de Chavannes dans le Cher. À l’époque, cette intox partie du bouche à oreille avait fini dans les colonnes de la presse locale avant de se retrouver dans le Parisien, puis repris par France Info et Canal +. Information qui avait pourtant été démentie quelques jours seulement après l’événement, comme le retrace cet article du Monde.
La seconde info qui fait grincer des dents est ce témoignage d’un individu se présentant comme un “organisateur” de l’événement techno parisien et balançant que lui et une grande partie des membres de l’orga consomment de la MDMA. Or, si ce jeune homme a bien un bracelet du festival, il s’agirait non d’un membre de l’organisation mais d’un des nombreux bénévoles.
Contacté par nos soins, le festival en question affirme que l’individu ne fait aucunement partie de l’équipe, et que rien ne prouve non plus qu’il fasse réellement partie des bénévoles. Petite vengeance de la journaliste qui s’est vu refuser l’accès au festival et a été accusée sur la page Facebook de l’event d’acheter des faux témoignages ? Toujours est-il que ce manque de distance et de vérification d’une accusation aussi grave pourrait porter grandement préjudice au festival.
Les réactions au reportage lundi matin opposent surtout le sarcasme à la dramatisation à outrance de M6. La consommation de MDMA étant devenue banale, le reportage se trouve en décalage total avec l’idée que s’en font les usagers “réguliers”, ceux qui en prennent le plus souvent de manière responsable, avec une vraie conscience des risques et des limites du produit et de leur propre corps. Et le Web se marre.
Ravelations, site parodique sur l’univers électronique, a sauté sur l’occasion
Pourtant, pour la réalisatrice de l’enquête, Valérie Rouvière, qui s’exprimait sur le sujet dans l’Obs, ce reportage colle à la réalité : “Lorsqu’ils me disent dans le sujet que sur 10 000 festivaliers, 8 500 ont pris des drogues, je veux bien les croire. Sur place, le doute n’était pas permis.” Une statistique bien vague, doublée d’une accusation grave, qui demanderait tout de même davantage de mesure.
En prenant le parti de dramatiser et de stigmatiser une consommation devenue courante (et donc d’autant plus dangereuse), la journaliste de M6 réussit-elle vraiment à porter le message de prévention qu’elle revendique ? Pas si sûr. D’ailleurs, ces mêmes consommateurs préfèrent en rire – voire noter quelques nouvelles techniques pour planquer ou acheter de la MD ! – que de se remettre en question.
La problématique reste encore et toujours la même : quand pourra-t-on parler de drogue à la télévision sans dramatisation, sans opposer consommateurs déviants et le reste du monde « normal », qui se défonce à l’alcool ? À ce vieux réflexe d’utiliser la peur, on préfèrera la posture « savoir plus, risquer moins » défendue par des associations de terrain comme Techno +, qui informe sur le produit et son usage.