Max Cooper dévoile un live audiovisuel “scientifique” entre Baraka et Steve Reich

Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©D.R
Le 05.01.2017, à 19h07
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Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©D.R
Le 14 janvier, Max Cooper présentera son live show Emergence à l’Élysée Montmartre – un projet audiovisuel ambitieux qui fait intervenir de nombreux artistes vidéo et scientifiques. Trax s’est entretenu avec lui pour parler nombres premiers, Steve Reich et réalité virtuelle.

Trois ans maintenant que Max Cooper se consacre à son projet Emergence, un live show élaboré avec le concours d’une vingtaine d’artistes vidéo et de scientifiques. Une odyssée de la cosmogénèse à un futur transhumaniste, un trip multisensoriel qui fait rimer dancefloor et visualisation de données.

Le goût prononcé du producteur anglais pour la vidéo ne date pas d’hier : dès 2009, il collabore avec les artistes visuels Whiskas fx et Lovebite pour plusieurs clips : des guêpes se fragmentant comme dans un kaleïdoscope ou un abat-jour qui se mue en portail psychédélique. Après avoir compilé sur un album éponyme (sorti en novembre dernier) 11 morceaux composés pour Emergence, Max Cooper se produira sur la scène de l’Élysée Montmartre à Paris le 14 janvier.


Comment as-tu rencontré les personnes avec lesquelles tu as travaillé sur Emergence?

Il y a plusieurs cas de figure : certaines sont des collaborateurs de longue date, comme Kathrin deBoer, qui prêtait déjà sa voix à l’album Human, ou le pianiste Tom Hodge, avec qui nous avons sorti l’EP Fragmented Self en 2013. Pour ce qui est des artistes visuels, il y en a plus ou moins un pour chaque “chapitre” d’Emergence. Parfois, ce sont eux qui me contactent, parfois, c’est moi qui découvre leur travail sur Internet via des blogs, ou sur Vimeo… Je discute avec beaucoup d’artistes, et dès que j’ai un projet qui les intéresse et qu’ils ont du temps à y consacrer, on se lance.

Pourquoi avoir fait intervenir des scientifiques ?

Les vidéos de certains chapitres sont créées en exploitant des données qui nécessitent des connaissances assez pointues en physique ou en mathématiques. Pour The Primes et Dimensionality par exemple, j’ai demandé de l’aide à Dugan Hammock, qui est à la fois mathématicien et artiste 3D. The Primes, c’est le début de l’histoire : toute notre science est basée sur les chiffres, et les nombres premiers en sont la structure fondamentale. Ils constituent un socle pour notre manière d’appréhender l’univers. Dimensionality représente en 3D des formes qui existent dans un plus grand nombre de dimensions. C’est un concept important en sciences, mais c’est aussi très beau visuellement.

Max Cooper and Tom Hodge – Teotihuacan Part 2 – Visuals by Dugan Hammock

Il ne faut pas nécessairement avoir un bac +5 pour apprécier le show ?

Pas du tout, à vrai dire, je me fiche que les gens s’intéressent à l’aspect scientifique de la chose. Tu peux juste voir la vidéo et te dire “oh, ça va bien avec la musique“, ou te pencher sur le sens de chaque chapitre et te plonger dans les concepts sous-jacents. C’est pour cela que j’écris souvent des textes pour accompagner les vidéos, je veux donner aux gens la possibilité de comprendre mon processus s’ils en ont envie.

Tu parlais de chapitres, est-ce que cette structure narrative n’est pas contradictoire avec l’improvisation en live ?

Si je jouais tous les tracks composés pour Emergence, il y en aurait pour trois heures, donc je fais déjà des choix à ce niveau-là. La progression du show est organique, chaque chapitre se base sur le précédent, mais je conserve beaucoup de liberté : je peux faire des edits des tracks en live, les rendre plus ambient ou glitchées, et la vidéo changera en conséquence. Ça me permet d’avoir une connexion avec le public, comme dans un DJ set.

Max Cooper presents EMERGENCE – trailer video

Qu’est-ce qui vient avant : les images ou la musique ?

Pour Emergence, les vidéos étaient là d’abord. C’est ce qui fait la particularité de cet album : il a été entièrement créé pour le projet. Même en temps normal, je pense souvent en termes de formes et de couleurs lorsque je compose de la musique. Les arts visuels me passionnent, si j’avais plus de temps, je m’y essaierais peut-être.

C’est de là que t’es venue l’envie de réaliser un film pour Emergence ?

Oui, c’est la pièce finale du projet. Je suis en train de refaire le mix de l’album en son surround Dolby Atmos, comme dans les salles de cinéma. Le film devrait sortir en Blu-ray, et les personnes qui possèdent un kit 5.1 ou 7.1 pourront littéralement entendre le son se déplacer.

Il y a des réalisateurs qui t’ont inspiré ?

Je suis un grand fan des films de Ron Fricke (Samsara, Baraka) et de Godfrey Reggio, qui a fait la trilogie Qatsi – il a d’ailleurs collaboré avec le compositeur minimaliste Philip Glass pour la B.O.

L’album Emergence est la première sortie de ton nouveau label Mesh, il y en a d’autres de prévues ?

Oui, l’idée de Mesh, c’est de sortir de la musique qui soit connectée à des projets artistiques plus larges, à d’autres champs de recherche – d’où le nom (réseau en français, ndlr). On travaille par exemple avec le Babraham Institute de Cambridge sur un projet de visualisation de données ADN en réalité augmentée. J’ai aussi quelque chose en cours avec un sculpteur, mais je ne peux pas encore dire qui c’est. Et puis il y a AETHER, une installation réalisée avec des architectes, pour laquelle je suis en train de composer la musique.

A E T H E R

Entre Boiler Room qui ouvre un lieu dédié à la VR et Björk qui présentait récemment ses clips immersifs dans une exposition, c’est une technologie qui infiltre rapidement le milieu de la musique. Il y a du potentiel selon toi ?

Oui, je pense qu’il y a tout un champ artistique à explorer. Tout le monde n’y a pas encore accès, mais j’espère que cela va se démocratiser. Ca ne remplacera pas l’expérience d’un club, mais cela permet de développer la dance music dans de nouveaux contextes, comme chez soi.

Dans Emergence, tu abordes aussi l’aliénation due à la technologie. C’est un danger ?

Disons qu’à chaque fois qu’il y a des avancées, il y a des dérives. Mais selon moi, c’est dû au système, ce n’est pas inhérent à la technologie. C’est comme la surpopulation, la machine capitaliste… Mais dans Emergence, l’espèce humaine finit par trouver une manière harmonieuse d’exploiter la technologie. C’est comme ça que je vois la chose : il y a une période de transition où nous devons cerner le potentiel de ces avancées, avant de pouvoir évoluer dans une direction positive.

Max Cooper – Emergence (live)

Samedi 14 janvier, 18h30
Elysée Montmartre, Paris

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