Article rédigé par Manon Beurlion et Thomas Guichard.
Derrière les platines de DJ’s, se dessine une fresque décrépie du château bavarois de Neuschwanstein surmontée d’une boule disco. Un pied en Allemagne et l’autre au cœur du XIe arrondissement, le bar Udo a accueilli autant Acid Pauli que Birdy Nam Nam et AZF. Huit années au service de la fête parisienne, à tisser des liens entre les vieux habitués et les tous jeunes collectifs de la capitale. Retour en images (mentales) sur l’Udo, qui met définitivement le cadenas sur ses portes.
« C’est clair que Jägermeister va perdre son plus gros client ». Pragmatique, le patron de l’Udo Rafael Israelian se rappelle d’un « un bar de copains pour les copains, et ça l’est resté quand notre nouvelle équipe a reprit le bar (Rafael, Benoit, Pia, Mathilde…) ». Et des copains, ils en ont beaucoup : « la liste est trop longue » dit-il. Des disquaires de Betino, Heartbeat ou Synchrophone, aux voisins du quartier, en passant par les techniciens comme Jérôme Barbé « qui nous a confectionné la plus belle des DJR 400 », ils sont nombreux à avoir répondu à l’appel du closing.
« Sans prétention et planqué dans le XIe », le bar regorge d’anecdotes. « Chaque semaine fut une fête » à l’Udo, qui n’a pas été exempt de soucis récurrents. Malgré des travaux et une meilleure insonorisation, l’affluence quotidienne a entraîné une série de fermetures administratives. « Ces problèmes de voisinage devenaient trop dur à gérer » regrette Rafael.
Histoire(s) de famille
Les souvenirs de l’Udo sont semblables à ceux que l’on décrit en parlant de son foyer. Habitué du bar et ami de Rafael, Dorian se rappelle sa première fois : « un ami m’avait dit qu’il fallait absolument passer des disques à l’Udo et qu’il me présenterait au taulier. Mais comme ça ne s’est jamais fait, j’y suis allé seul et le tour était joué ».
Qu’est-ce qui se dit de Rafael ? Pour Didier Allyne, la rencontre s’est faite simplement mais a déclenché une amitié de longue durée : « j’ai rejoint des amis pour boire un verre et ai rencontré Raph, Mathilde, Pia… Je les ai adoré de suite : quelle générosité ! » se souvient le boss du disquaire et label du XIe arrondissement Syncrophone. Le lien humain, c’est ce qui unit beaucoup d’artistes à ce bar. Les artistes du collectif Automatic Writing (ATWT) connaissaient déjà Rafael [« Rafi » l’appellent-ils] avant qu’il ne reprenne le bar, « il nous a invité à passer boire un verre pour découvrir l’Udo, et c’est devenu notre seconde maison ».
Alors que ses portes fermeront dimanche soir, quelle image garder de l’Udo ? Pour Guillermo Jamas, un poil rebelle, c’est « quand j’ai ramené mes propres enceintes alors que le big boss était pas là, c’était la grosse fête ! ». Côté délices, nombreux sont les DJ’s qui se souviennent du classique du lieu : le « knacky-curry et gin tonic ». Il y avait aussi les hebdomadaires soirées huîtres concoctées par le plus clubber des poissonniers parisiens, Charly. « On est y passé mais pour être honnête, on est toujours resté fidèle au mythique curry wurst ! » répète encore l’équipe d’ATWT. Didier Allyne précise même — non sans poésie — que c’est à l’Udo qu’il a trouvé « des perles rares ».
« Pour la fermeture, on marque un grand coup pour quatre jours et plus de 60 DJ’s qui vont défiler. On espère une victoire de la France [en finale de la Coupe du monde de football, ndlr], ce sera l’occasion de trinquer une dernière fois avec tous nos amis » se réjouit Rafael. Pit Spector, ARK, Jacques Bon et une série de collectifs sont invités à venir dire au revoir aux platines. Déjà, c’était un joyeux bazar lors des fêtes de la musique. Pour ATWT, « notre meilleur souvenir c’est clairement la fête de la musique 2017. On avait installé un super booth dans la rue qui longe le bar, nos potes de RA+RE avaient organisé un défilé sauvage dans la rue… La rue était pleine à craquer, c’était un vrai délire ! ». Et Guillermo Jamas d’ajouter : « je n’ai passé que des moments parfaits là-bas. Ça mérite une clôture en bonne et due forme ».
« On reviendra prochainement sous une autre forme »
Rien n’est encore définit. La réputation de l’Udo fait espérer un retour prochain. « Tout le monde me demande ce que l’on va faire après, je pense qu’on organisera une à deux fêtes par an. Sûrement en format club, mais je laisse planer le doute car rien n’est arrêté pour l’heure » abrège Rafael. Une incertitude qui rassure ou qui inquiète. Une raison de plus pour se remémorer tous ces beaux moments du jeudi 12 au dimanche 15 juillet lors de la closing. Toujours la même adresse : 4 bis, rue Neuve Popincourt 75011 Paris. Pour ne pas rater ça, rendez-vous sur la page Facebook de l’événement.
Histoire de se mettre en jambe, Trax a demandé aux intervenants de cet article de préparer une tracklist de titres qui rappellent l’Udo :
– Blunted Dummies – House for All
– Mister K – The Mix Max Style
– Al Green – Simply Beautiful
– Alessio Mereu – Answers (Sleep is Commercial)
– Brigitte Fontaine & Khan of Finland – Fine Mouche (dOP remix)
– Hellen Mills – Stereomoon (RA+RE)
– Pit Spector – Comment on fait
– Jacques Bon – Ciel de Nuit
– VA – Absoluca (Phil Weeks & Didier Allyne remix)