“Il y vingt ans, Astropolis organisait la première rave légale à Lorient. Vingt ans plus tard, nous en sommes là. C’est à se demander si les mentalités ont évolué depuis…” Sur son Facebook, le collectif Submarine était amer après l’annulation de ce qui aurait dû être sa sixième soirée, dans l’ancienne base sous-marine de Lorient.
Raison invoquée par la mairie : les terrasses du Celtic, où se déroulent les soirées Submarine depuis le mois d’août, ne sont pas aux normes de sécurité. “On nous a collé un formulaire de sécurité quelques jours avant l’événement, avec un délai de 45 jours pour mettre la salle aux normes. Impossible de le remplir à temps, on a dû annuler faute d’autorisation”, explique Luc de Submarine.
Un sale coup de la mairie ? “Pas si sûr”, selon les organisateurs. D’autres acteurs ont fait pression pour annuler la soirée. Depuis plusieurs mois, deux syndicats de professionnels de la nuit se plaignent d’associations comme Submarine.
Contactée peu après l’annulation de la soirée, l’AFEDD (Association française des exploitants de discothèques et dancings) se défendait de tout lobbying et disait avoir simplement “relayé des plaintes des adhérents à destination de la mairie concernant le non-respect des normes de sécurité, à titre informatif…”
Les membres de l’AFFED (crédit photo : Ouest France)
Mais deux semaines plus tard l’AFEDD décide de sortir du bois et déclare à Ouest-France : “En effet, nous avons mis tout en oeuvre pour que cette soirée n’ait pas lieu. […] Dès l’instant où ils ont une billetterie, de la vente d’alcool et qu’ils font danser les gens, ils doivent être inscrits au registre du commerce en tant que discothèques.[…] Ils nous font un procès en ringardise, mais on voit exploser ces soirées et, pendant ce temps, on coule.”
Le Sonic Crew (organisateurs d’Astropolis) aux commandes de la Submarine en décembre dernier.
Une autre entité, l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) du Morbihan s’est également plaint auprès de la mairie. Son président, Loïc Vigot, contacté par Trax, explique : “J’ai eu plusieurs plaintes d’adhérents gérant des discothèques qui constataient que ces soirées organisées par des associations regroupaient beaucoup de gens et n’étaient pas soumises aux mêmes réglementations qu’eux”.
Comprenez : les associations ne payent pas les mêmes taxes sur les entrées et les boissons. “Moi, je n’ai rien contre Submarine, ils mènent plutôt bien leur barque, la preuve, leurs soirées marchent. Une association, ça va, mais c’est quand il y en a plusieurs de ce genre qu’il commence à y avoir des problèmes.”
Une soirée Submarine aux Terrasses du Celtic
Selon Luc de Submarine, son collectif réfute toute concurrence déloyale : “Cela fait un moment déjà que certains exploitants des discothèques du coin font du lobbying auprès de la ville. Selon eux, on empiète sur leurs plates-bandes. Seulement, je ne pense pas qu’on joue dans la même cour : on est une bande de passionnés bénévoles qui organisons une soirée par mois. Les recettes sont directement réinvesties dans nos soirées, ça sert à faire venir à Lorient des artistes qu’on aime et à couvrir les autres frais. Eux ne dépensent rien dans leurs line-up, font venir Julien des Marseillais dans leur établissement… Et surtout, ils gagnent leur vie avec cette activité. Pas nous, loin de là.”
Contactée par nos soins, la mairie, qui a choisi d’interdire la soirée, nie toute pression et invoque les fameuses raisons de sécurité, affirmant n’avoir “eu connaissance de l’utilisation répétée de l’établissement pour des activités autres que celles initialement prévues au projet” qu’une dizaine de jours avant la soirée.
Faux, selon Luc : “On croit rêver. Je vois un élu depuis le début du projet… Et on existe depuis août dernier, tout le monde est au courant des soirées qu’on organise”. Preuve en est, Ouest-France relatait en mars dernier le succès des petites sauteries du collectif en titrant : “The Submarine Project, les nuits techno cartonnent à Lorient.”
Depuis août 2015, le collectif Submarine invite pointures reconnues (Electric Rescue, Tadeo) et légendes locales (Sonic Crew, Texture) pour faire résonner la techno à Lorient (58 000 habitants) comme dans le reste de la Bretagne. L’asso s’est en plus dotée d’un spot parfait : les terrasses du Celtic, qui possèdent une vue imprenable sur le port de Lorient. En seulement 6 mois, les Submarine ont trouvé leur public : leurs soirées affichent systématiquement complet.
Il faut dire que l’offre n’est pas abondante dans le pays de Lorient. “Ici, les jeunes qui aiment la techno se déplacent à Brest ou à Rennes. Nous, on essaye de les faire revenir à Lorient, mais l’annulation de la soirée est un coup de massue”, explique le responsable du collectif, qui affiche à présent 3 800 euros de perte.
L’association peut en tout cas compter sur le soutien de son public et des autres collectifs bretons. “On a reçu plein de messages d’encouragement, ça nous gonfle à bloc pour la suite, même si la pente va être dure à remonter avec l’argent qu’on a perdu. Mais on est déterminés.” Touchés mais pas coulés, les Submarine sont décidés à refaire surface et ne sont surtout pas prêts à dire kenavo.