L’histoire tourmentée de la MPC, la machine qui a redéfini la production musicale

Écrit par Trax Magazine
Le 29.09.2016, à 14h07
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Écrit par Trax Magazine
Chaque mois, dans le magazine, Trax et Stars Music vous font découvrir une machine qui a marqué l’histoire de la musique électronique. Cette fois, focus sur la MPC (Music Production Center), le sampler qui a redéfini le hip-hop et un pan de la dance music.


Par Arnaud Wyart

Les amateurs de MAO (musique assistée par ordinateur) connaissent bien un certain Roger Linn. C’est à cet ingénieur/designer américain que l’on doit, en 1979, la première boîte à rythme programmable. Utilisée par Prince, Michael Jackson ou Madonna, la LM-1 (devenue LinnDrum) avait l’avantage d’être particulièrement réaliste, avec des échantillons de vraie batterie (contrairement à la TR-808). Mais au début des 80’s, il manque aux producteurs un outil pour enregistrer, manipuler et jouer leurs propres beats. Linn leur répond en 1984 en sortant la Linn 9000. Les particularités de son sampler ? Un séquenceur MIDI intégré et des touches pour jouer les sons à la main.

Linn 9000: L’ancêtre de la MPC (sur les albums de Queen, Earth, Wind & Fire, etc.)

linn machine akai

Les bécanes de Linn font sensation, mais elles sont chères et la concurrence fait rage. Les factures finissant par s’empiler, Roger doit fermer sa boîte, Linn Electronics, en 1986. Rapidement contacté par Akai, il accepte le deal proposé par le constructeur japonais, alors très intéressé par ses machines. « Je travaillais chez moi et me concentrais sur la création. Ce qui m’allait très bien, car je ne tenais plus du tout à m’occuper des autres aspects », se souvient-il.

MPC60 : La toute première MPC, que l’on retrouve sur les albums Revolution de Jean-Michel Jarre, The Chronic de Dr Dre, ou encore Endtroducing de DJ Shadow.

mpc machine akai


Cette collaboration donnera naissance à la MPC60, en 1988. Roger avait pour mission d’améliorer les fonctionnalités de la Linn 9000, tout en réduisant ses coûts de fabrication. Pari réussi avec l’apparition des fameux pads, pour jouer de manière plus naturelle, mais aussi les fonctions Quantize et Swing, qui permettent de caler et de faire groover les parties rythmiques de manière totalement inédite. Une technologie directement héritée de la LM-1, comme le rappelle son inventeur. « Quand Stevie Wonder a testé mon premier prototype, il ne pouvait évidemment pas voir l’écran. Pour jouer, il était obligé de compter les touches. Là, j’ai compris que c’était un instrument à part entière. Je suis donc rentré chez moi avec une idée en tête : concevoir un système de programmation en temps réel. Mais comme les erreurs de timing compliquaient son utilisation, j’ai écrit un autre programme pour définir le temps et la quantification. Cela n’avait jamais été fait auparavant. »

À la fois boîte à rythme, sampler et séquenceur, la MPC60 est l’outil idéal pour fabriquer des beats à la volée. Elle fait un carton chez les producteurs de hip-hop, mais Linn ne l’apprendra que bien plus tard. « Les rappeurs n’étaient pas la cible. J’ai été surpris, mais ce qui m’a surpris encore plus, c’est qu’ils voulaient utiliser la MPC60 pour échantillonner autre chose que des sons de batterie. » Cette dimension créative acquiert ses lettres de noblesse fin 80’s/début 90’s avec DJ Premier, MC Hammer, Sly & Robbie, De La Soul, etc.. Après la MPC60 II en 1991, Akai enfonce le clou trois ans plus tard avec la MPC3000, en 16 bits stéréo, avec un stockage de 32 Mo et une prise pour un disque dur externe.

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L’ère post-Linn

MPC3000 : La référence de Roger Linn, utilisée par J.Dilla, The Chemical Brothers, DJ Spinna

mpc akai sound


La MPC3000 séduit les musiciens et les studios. Pourtant, Akai fera faillite deux ans après son lancement. L’entreprise est rachetée par Numark et Linn, doucement mis sur la touche. « Une fois qu’ils ont eu le produit, ils ont voulu m’écarter. Ça a commencé par des retards dans les paiements, puis ils ont coupé toute communication. Enfin, j’ai appris qu’ils allaient fabriquer une nouvelle machine – semblable à la mienne – mais avec un autre logiciel ». L’ingénieur n’a pas envie de se lancer dans un procès et encore moins de travailler avec Jack O’Donnell, le patron de Numark. « C’est un sale type, tout le monde vous le dira. » Il crée alors Roger Linn Design, au départ pour apporter un support aux utilisateurs de la MPC60. Pendant ce temps, Akai sort la MPC2000 (en 1997), puis la MPC2000XL (en 1999).

MPC2000XL : La MPC la plus populaire (Kanye West, Pete Rock, RZA, Todd Terry, Roni Size…).

mpc xl populaire

Cette dernière embarque un écran inclinable, de nouvelles fonctions (time strech, modulation chromatique, etc) et devient le modèle le plus populaire. D’autres MPC sortiront par la suite (4000, 1000, 2500, 500 et 5000). Toutes basées sur le modèle de Roger Linn, elles sont les « instruments » privilégiés du hip-hop et du R&B dans les années 90/00 (Prince Paul, Rick Rubin, Pete Rock, Dr Dre, RZA, Kanye West, Madlib, la liste est trop longue).

Elles permettent également à des artistes tels que DJ Shadow ou Amon Tobin de réaliser leurs fantastiques collages. Même les productions house seront marquées par la MPC : de Kerry Chandler à Carl Craig, en passant par Kenny Dope, Green Velvet ou les Daft Punk. Et l’histoire ne s’arrête pas là. La MPC a aussi directement influencé des standards actuels de la MAO, à commencer par l’omniprésence des pads et des fonctions quantize/swing. Après la dernière MPC sortie en 2008, Akai a attendu cinq ans avant de lancer des machines hybrides (MPC Renaissance et MPC Studio), mais elles ont été fraîchement accueillies par les puristes. De son côté, Roger Linn s’est lancé dans l’AdrenaLinn en 2001. Puis il est revenu en 2011 avec la boîte à rythme Tempest, puis le LinnStrument. Et la MPC ? « Les gens auraient voulu que j’en crée une nouvelle, mais la musique a évolué. Aujourd’hui, il faut des instruments pour le live. »

Roger Linn Design – LinnStrument 

Akai MPC Touch

mpc akai matos


Fin 2015, Akai a lancé une MPC « next gen ». La grande nouveauté réside dans l’écran tactile multi-touch (affichage de la forme d’onde, édition des samples, navigation) et les pads rétro-éclairés. Plusieurs boutons et touches permettent en outre d’accéder aux programmes, de créer des roulements de batterie ou de paramétrer des effets. Tarif : 699 €.

Pour obtenir les caractéristiques techniques des machines disponibles, rendez-vous sur stars-music.fr.


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