Le monde de la free-party, vu par Bender Rodriguez aux 10 ans des DFC.
Le “plan anti-rave” est le nom de la mesure qu’a annoncé hier Jean-Marc Sabathé, préfet de l’Aude, face à un parterre de représentants locaux (maires, colonel de gendarmerie, directeur de la sécurité publique…) et de quelques journalistes. Dont Bruno Huet, du journal local La Dépêche, qui rapporte dans un article des propos ahurissants. Pour le préfet, les teufeurs seraient ainsi “des cons et des irresponsables”. Ils ne sont donc “pas les bienvenus” sur son territoire, dit-il.
Des termes surprenants dans la bouche d’un représentant de l’État, alors même que les consignes et recommandations concernant le bon déroulement des free parties paraissent avoir été entendues et appliquées par la plupart des sound-systems. Le dernier Teknival ou la dernière grande free party des Insoumis se sont entre autres montrés exemplaires en termes de sécurité et de propreté, gérées par les collectifs eux-mêmes.
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“Il faut comprendre qu’il y a beaucoup de free parties dans notre département, nous explique Bruno Huet. Le climat et le peu d’habitants sont des atouts qui se prêtent à l’exercice”. En novembre dernier, une rave réunissait quelque 6 000 ravers à Talairan, dans l’est du département. Les trois décès survenus au cours et à la suite de ce rassemblement furent le premier incident qui mena le préfet à l’élaboration du “plan anti-rave”. Quelques mois plus tard, en mai, entre 2 000 et 4 000 jeunes envahissent à nouveau le territoire – laissant derrière eux un “propriétaire déçu par l’état peu propre de son terrain” rapporte le localier.
C’en fut donc trop pour Jean-Marc Sabathé, à qui il ne faudra que deux mois pour annoncer la mise en place de sa mesure, bien déterminé à “éradiquer les rave parties”. Quitte à privilégier la formule choc au respect d’une partie de ses administrés. Hier, face aux maires, journalistes et autres représentants de l’autorité, le préfet se laisse aller à ce que Freeform – l’association de défense de la free party – dénonce comme de “l’insulte gratuite”.
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“Ce qui est très problématique, c’est que son insulte est une parole d’État”, relève Sam de Freeform. Habituée au dialogue avec les autorités, l’association est tombée des nues en lisant l’article de La Dépêche. “Ce qui nous a surtout choqués, c’est que le préfet se permette de donner des astuces aux élus pour faire passer des arrêtés sans se faire emmerder par le tribunal administratif : il leur explique comment contourner la loi.” Il y a donc un “réel conflit entre la justice et l’exécutif”, selon l’association.
Parmi ces astuces, M. Sabathé recommande notamment de poser des pierres sur les terrains pour empêcher les teufeurs de s’y installer. Outre ce petit guide, la préfecture de l’Aude a également annoncé qu’elle verbaliserait à la fois “organisateurs et participants”.
La réponse de l’association Freeform ne s’est pas fait attendre, s’indignant via un communiqué pour le moins éloquent des fourberies du préfet, dressant la liste de ses a priori aveugles et de ses mesures à la limite de la légalité. Et à l’association de conclure : “Quant à vous demander qui est le con, je ne vous en ferais pas l’affront, on m’a appris que c’était mal d’insulter les gens.”
Mini-docu très “irresponsable”, tourné au Teknival de Cambrai (2015).
Ce matin, Freeform publiait un nouveau communiqué – plus officiel – rappelant la gravité de ces déclarations, et démentant Jean-Marc Sabathé qui déclarait mardi que la préfecture de l’Aude “accompagne les vrais organisateurs de rave-party”. “Aucune autorisation de rassemblement n’a été délivrée ces 15 dernières années dans le département”, selon le communiqué de Freeform.
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Le communiqué poursuit en ces termes. “S’il est indéniable qu’il y a un vrai « problème » rave party dans l’Aude du fait de la situation géographique du département, de tels propos et une telle méthode ont un effet dévastateur et sont en complète contradiction avec la ligne de conduite rappelée par le cabinet du Premier Ministre lors d’une rencontre ayant eu lieu à Matignon le 28 avril dernier ou encore le 12 juillet dans une réunion interministérielle, en présence des représentant des collectifs d’organisateurs.”
©Narkissos Photo
En effet, l’annonce de ce “plan anti-rave” survient une dizaine de jours seulement après que cinq ministères ont rencontré les représentants de la fête libre pour dessiner l’avenir de cette culture. Un compte rendu de cette réunion est à parcourir ici. Ce qui fait dire à Freeform, contacté par Trax, que “le plan du préfet ne pourra pas être appliqué”. De là à imaginer le Teknival du 15 août se tenir du côté de Narbonne, et ainsi faire les pieds à M. Sabathé ?