Les nouveaux talents de la musique électronique arabe sont réunis sur une compilation

Écrit par Anne-Claire Simon
Photo de couverture : ©Céline M.
Le 20.02.2018, à 11h36
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©Céline M.
Écrit par Anne-Claire Simon
Photo de couverture : ©Céline M.
Invité par le collectif Nayda aux Étoiles le 20 avril, l’artiste tunisien Mettani, fondateur du collectif Arabstazy, nous explique son projet à venir : une compilation de vingt morceaux liant musiques arabes et musiques électroniques, qui sortira en trois volumes le 25 mai prochain.


Le collectif Arabstazy – union depuis 2013 entre Paris, Tunis et Berlin – sortira le 25 mai prochain une compilation nommée Under Frustration, co-produite avec le label InFiné. Délibérément éclectique et inclassable, on se laisse agréablement guider d’une atmosphère acoustique à un son plus noise voire abstrait, pour s’aventurer ensuite vers de la techno et« de la musique plus club ». Mettani nous explique que ce mélange sonore a pour but d’illustrer la diversité culturelle que possède « le monde arabe » – terme qu’il utilise d’ailleurs de manière cynique, puisque le producteur tunisien insiste sur le fait qu’il souhaite justement « dépasser les idées et les fantasmes qui gravitent autour de la culture arabe ». Selon lui, il n’y a pas d’unité culturelle, mais au contraire des différences identifiables, en termes de musique, entre les pays d’Afrique du Nord comme la Tunisie, le Maroc et la Tunisie, et ceux du Moyen-Orient. Dans cette compilation, le collectif s’interroge et joue sur la confusion qui règne en Occident autour des cultures dites du « monde arabe ». 

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La vingtaine d’artistes ayant participé à la compilation a été justement choisie pour la diversité de leurs paysages musicaux et culturels. En effet, l’idée était de réunir des artistes venant de pays arabes différents, pour pouvoir donner un aperçu de cette pluralité culturelle. Ici, on part de ses origines, de ses bagages culturels, pour s’aventurer dans les musiques électroniques. Mettani parle en cela d’une sorte « d’exotisme inversé » ; puisqu’à l’inverse des artistes français ou occidentaux « qui aiment remixer des musiques de mariage berbère », eux viennent de cette culture et l’apportent aux clubs et aux raves. La compilation est l’occasion pour ces artistes de se réapproprier le terme « musique arabe », qui serait trop souvent utilisé pour désigner une culture dite « exotique ». Le collectif explique vouloir dénoncer un « orientalisme latent » : « On veut remettre en cause et détruire ce jeu de fantasmes qui existe autour de la musique arabe. » 

Le but de la compilation était aussi de prendre le temps de discuter avec des musiciens.ennes qui vivent dans des pays où les musiques électroniques, certes, se développent et s’affirment, mais où il est surtout difficile de trouver des endroits pour jouer et encore plus d’être reconnu en tant qu’artiste. En Tunisie, par exemple, la situation d’un DJ est assez précaire. Ne bénéficiant pas d’un réel statut professionnel et considéré comme un « travailleur journalier », partir à l’étranger et jouer dans un club européen demande de nombreuses étapes au préalable – notamment la demande d’un visa de touriste. Le.a DJ doit aussi confirmer qu’il ne sera pas payé pour sa prestation et se présenter comme bénévole. Mettani nous confie que « de nombreux projets de tournées en Europe échouent à cause de demandes de visa avortées ou refusées ».

Les artistes de cette compilation ont donc en commun cette « frustration » liée aux multiples difficultés qu’ils connaissent, pour se représenter et être reconnu. Mais le nom « Under Frustration » ne vient pas seulement de cette problématique. Il s’agit aussi de la difficulté rencontrée pour ordonner les titres de la compilation et pour trouver une continuité et une unité. Cet inassouvissement est apparu, cependant, davantage comme « ironique » et révélateur du fait qu’il n’y ait pas d’unité dans la culture arabe, ni d’homogénéité dans sa musique, et qu’il faut au contraire dépasser ces représentations.

Under Frustration est une compilation des cultures arabes et des musiques électroniques : un concentré qui déjoue les « fantasmes » et s’affirme dans le monde de la nuit.

En attendant sa sortie le 25 mai prochain, on vous partage un teaser de la compilation, signé Terra Aziz. Et on vous invite à aller écouter le collectif Arabstazy en live, invité par Nayda aux Étoiles le 20 avril prochain pour une nuit techno orientale.

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