Alors qu’elle est née dans l’underground, la scène électronique, depuis son incursion dans la sphère mainstream a vu sa valeur augmenter, jusqu’à atteindre 3,5 milliards d’euros en 2011. En 2016, cette somme avait presque doublé pour passer à 6,2 milliards d’euros, selon un rapport de l’IMS publié la même année. Un tel essor économique ne va pas sans les problèmes qui en découlent : les relations entre DJ’s, promoteurs, agents et clubs ne sont plus aussi directes et chaleureuses qu’avant. Avec l’inflation sans précédent des prix des cachets, les clubs n’ont plus le choix : ils doivent adapter leurs plans de bataille pour survivre, mais aussi faire survivre une scène qui leur est chère.
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Depuis les années 2010, le contact avec les artistes passe le plus souvent par des intermédiaires tels que les agents et managers. « Un DJ américain qui vient en business class, ça coûte 6 000 € », explique Fabrice Gadeau, directeur du Rex Club lors de la table ronde organisée par Trax avec les directeurs des grands clubs de toute la France (une rencontre inédite à retrouver sur 8 pages dans le magazine Trax 217). Difficile lorsqu’on sait que le budget moyen d’une soirée est de 8 000 €. « Neuf fois sur dix, les agents nous mettent des obligations alors que les artistes n’en ont rien à faire. » ajoute-t-il. Aujourd’hui, le prix d’un headliner a jusqu’à quadruplé pour certaines scènes, en particulier au sein des genres les plus populaires comme la techno ou la house. Booker une tête d’affiche coûte rarement en dessous de 10 000 €. Outre cette logique économique libérale où la concurrence est devenue mondialisée, Internet et les réseaux sociaux ont aussi contribué à cette inflation. « Le DJ va faire une Boiler Room à Dekmantel et son cachet est multiplié par trois », raconte Baptiste Pinsard, programmateur du Sucre.
Bien souvent, la première offre reçue leur sert de prix de départ pour faire monter les enchères. « Pour les bookings d’artistes techno qui ont une hype, on travaille un an à l’avance. Les agents qui travaillent comme ça te mettent dans une situation intenable. » remarque Martin Granperret, programmateur du Rex Club. « Les agences sèment le doute. […] Je fais plusieurs demandes sur plusieurs DJ’s, à l’agent français. Il me dit que ça devrait le faire. Je fais une offre correcte. Et l’agent s’en sert de prix de départ pour faire monter les enchères. Après trois mois d’attente, cela ne se fait pas car il y a une meilleure offre ailleurs, sûrement 2 000 ou 3 000 € en plus. » révèle-t-il.
Un jeu de l’offre et de la demande qui vient s’ajouter à d’autres problématiques récentes, telles le durcissement des réglementations sur le volume sonore. « Chaque année, c’est un coût supplémentaire de 15 à 20 000€ », souligne Fabrice. En France, le prix d’entrée pour une soirée en club a augmenté de 30% ces vingt dernières années, soit le cours de l’inflation nationale sur la même période. Pas de quoi compenser l’augmentation des coûts engendrés par une soirée électronique dans le contexte actuel. Les clubs doivent donc parvenir à créer la demande en se renouvelant et prendre en compte l’émergence de nouvelles formes de concurrence, comme les warehouses. Se diversifier est devenu un passage obligé pour éponger les potentielles pertes des soirées électroniques, avec par exemple des soirées étudiantes et une généralisation des privatisations. Mais c’est aussi « Aujourd’hui, je pense que le public chercher l’expérience. L’expérience peut être plus forte qu’un headliner ou au moins équivalente. » observe Baptiste.
Pour la première fois en France, les représentants des clubs ont eu l’occasion de se concerter pour débattre du futur de la scène, de leurs établissements et de leur métier. La concurrence entre clubs et warehouses, la réalité derrière le métier de booker, mais aussi la résistance de l’underground LGBTI+ brésilien face au nouveau président populiste Jair Bolsonaro les discothèques de nos campagnes au petit matin, les 50 ans de synthés de Giorgio Moroder sont autant de sujets abordés dans le numéro #217 de Trax Magazine, disponible ici.