Léger, sincère, sensuel : le GALA Festival de Peckham déclare son amour à la bouillonnante scène musicale de Londres

Écrit par Clarisse Prevost
Photo de couverture : ©Anis Belarbi
Le 28.07.2022, à 14h10
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©Anis Belarbi
Écrit par Clarisse Prevost
Photo de couverture : ©Anis Belarbi
Le Gala festival célébrait sa nouvelle édition qui a eu lieu du 2 au 4 juin 2022 dans son célèbre Peckham Rye Parc. Il nous a suffit trois jours de pérégrinations pour se fondre dans son atmosphère épicurienne entre lâcher prise et forte sensibilité, tomber amoureux de sa ville, ses jeunes mélomanes, ses scènes musicales. Rencontre avec Giles, co-fondateur et programmateur du festival, qui incarne à merveille l’essence du GALA : jeunesse éternelle, amour de la musique et curiosité sans fin.

Photos : © Anis Belarbi

Dans le vieil anglais *pēac et hām * signifiait “propriété familiale près d’un pic ou d’une colline “. Traversé par une rivière, Peckham est un quartier de sud de Londres , situé dans le district de Southwark. En 1767, le poète pré-romantique britannique William Blake visite la ville et a la vision d’un ange dans un arbre. En 1993, à la demande du festival de Dulwich, l’artiste Stan Peskett a réalise une peinture murale de la vision de l’auteur près de l’aire de jeux Goose Green. C’est aussi la ville qu’à choisi Giles, co-fondateur et programmateur du GALA festival qui a lieu chaque été depuis 6 ans pour célèbrer les riches et subtiles scènes musicales de Londres.

Quelque chose de très lumineux et sensuel se dégage du GALA, nom britannique qui fait référence à l’art de fêter. Depuis 2016, Charles et les trois autres têtes pensantes de la venue londonienne se plaise à mêler artistes légendaires et newcomers des scènes jazz , house, jungle, rn’b, et autres musiques électroniques part de la très forte club et jazz culture locales comme internationales. On se balade dans le vaste et agréable Peckham Rye Parc sans même songer à choisir ses stage. Regarder le lineup n’a plus d’importance tant live show et DJ sets sont bien curatés par Giles et son associé James.

À chaque édition, la production s’affine : scénographie, direction graphique minimaliste et pastel – influencée par les oeuvres d’art japonaises de l’Exposition universelle de 70 – la collaboration avec des entités partenaires de renom et une mise en valeur croissante des scènes musicales et acteurs du sud de Londres. Cette année, la nouvelle édition du GALA – qui se déroulait sur trois jours en ce doux début de juin – du 2 au 4  – poursuit son objectif : “ créer un festival qui soit ludique, accessible et qui ne se prenne pas trop au sérieux, mais qui fasse toujours référence et rende hommage à l’histoire à la dance“, explique Giles.

Ville à la scène bouillonnante, au public curieux et sensible, fier de son grand melting-pot, les programmateurs sont entourés d’entités créatives inspirantes : labels, disquaires, collectifs et crowd et artistes. Cette année, le festival collaborent avec les labels GIANT STEPS, Rhythm Section – fondé par le DJ et fer de lance Bradley Zero ou encore le collectif afro-féministe BORN N BREAD. Alors que les festivités commencent à 11h30, se succèdent une série d’artistes de renom et newcomers visionnaires sur les 6 stages du festival en ce jeudi.

Commençons par le grand Joe Armon-Jones, claviériste mêlant dub, jazz, funk part d’Ezra Collective et boss d’Aquarii Records. On y a aussi écouté Mansur Brown; le duo guitariste jazz de à la musique aussi éloquente que transcendante; Children of Zeus, duo soul et hip-hop originaire de Manchester; Nia Archives, coqueluche de la scène jungle londonienne; Hunee, producteur house berlinois d’origine coréenne; l’incroyable Nubya Garcia, qui est saxophoniste, compositrice, chef d’orchestre DJ et curatrice de la radio Nts; les 8 membres du groupe jazz fusion et afrobeat Kokoroko mais aussi la légende britannique de la drum’n bass et de la jungle : Goldie. Tout semble si fluide dans la programmation de cette première journée. Quelque chose de très spirituel flotte dans l’air, le coeur. Une euphorie continue.

Un deuxième jour ensoleillé se lève sur Peckham où la fête a déjà commencé. Une horde de jeunes des quatre coins de Londres se ruent vers le parc. Tout est smooth et le lineup de la journée plus dance et housy. On y croise les live set de l’institution créative et label Secretsundaze, également duo des Djs Giles Smith et James Priestley ; du boss du label allemand Running Back, Gerd Janson; de celui qu’on ne présente plus – Soichi Terada; de l’artiste UK dance Parris, qui avait notamment sorti le très beau Puro Rosaceaes et mixait dans la stage couverte, libertaire et effrénée. N’oublions pas Dan Shake – qui jouera mois de septembre au Contours festival de Trax; la native de Bristol, Shanti Celeste, DJ et productrice à la house emprunte de disco et l’un des plus grands curators que la terre ait connue , l’inventeur de l’acid-jazz et l’homme derrière Worldwide FM, Gilles Peterson.

En cette dernière journée – un samedi qui malgré l’annonce de la pluie ne l’a laisse s’invitée – l’ambiance est encore à la légèreté et à la camaraderie. On assiste aux nombreux et superbes sets du producteur allemand basé à Londres, Palms Trax; le DJ et producteur Hidden Spheres – qui présente l’émission “Fruit Merchant “sur NTS Radio; Session Victim ou encore le duo acid jazz au groove métallique – The Colours That Rise – dont on vous remet le dernier projet Grey Doubt. Il faut ici assurer à la figure iconique de Détroit, Marcellus Pittman, un shout out très spécial, qui combinait deep house, soul, jazz et minimale.

Avec une finesse décontractée, le GALA festival insuffle à ses festivaliers une joie de vivre insatiable et simple mêlée à une indéniable sensualité. L’atmosphère de chaleur et de bienveillance est à son paroxysme à chaque instant et la seule chose qui importe et d’aller goûter aux sons de chaque scène, car c’est un véritable sans faute. On y repart encore plus amoureux que la veille de la scène londonienne effervescente et avec comme seul désir d’aller encore plus digger les artistes de cet élégant lineup. On vous laisse sur ces mots relire notre conversation avec Giles, programmateur du festival et avant tout bel humain.

Hey Giles. J’aimerais en savoir plus sur Peckham et l’histoire musicale du sud de Londres, dont ton superbe festival – le GALA — est l’incarnation.  Comment le conçois-tu ?

Le sud de Londres a une culture musicale extrêmement riche. Il est donc vraiment important pour nous de donner une plateforme à ses artistes locaux. Le festival est une célébration de la dance music. Nous programmons du jazz, de la musique électronique, du R’nb. Quand nous avons commencé, c’était plus international. Maintenant ça devient beaucoup plus local.

Quels sont les genres musicaux qui font partie de la culture de la ville ? Le jazz et la musique house ?

Oui la house,  le jazz, des musiques plus rave comme la scène bass music. Le premier jour du festival, nous avons reçu la légende britannique Goldie, un peu de drum and bass, de la dance contemporaine – qui est d’ailleurs en plein essor. Nous avons eu Nia Archives issue de la culture jungle, elle est vraiment en train de décoller et c’est assez excitant de lui donner l’espace pour.

Considères-tu le GALA comme un festival underground ?

Je dirais que oui. Il s’agit plutôt de booker des artistes intègres. Nous croyons en eux, nous les aimons, nous les voyons souvent et nous savons qu’ils vont bien jouer, plutôt que de chercher à vendre des billets ou de suivre les tendances. Il s’agit d’une combinaison entre booking d’artistes légendaires et de newcomers.

l y a une telle communauté indépendante ici, tout le monde est vraiment connecté à la musique.

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Choisissez-vous les artistes ?

Oui, moi et James. James est très bon pour la musique live et je m’occupe des DJs. Nous essayons également de travailler avec de nombreux partenaires à Londres : il y a une scène confiée à Giant Steps, une à Rhythm Section, une dédiée à notre public queer. La diversité et l’inclusion sont des valeurs vraiment importantes pour nous.  

Vous organisez d’autres events en dehors du GALA ?

Nous avions prévu un festival en hiver avant la covid mais  il a été  malheureusement annulé. L’accent est donc mis sur le GALA, mais nous cherchons toujours à faire un événement dans le sud de Londres cet hiver. Le GALA c’est très lumineux, là on ferait quelque chose de plus sombre, plus UK bass. On voudrait aussi intégrer des disciplines artistiques différentes comme les films, la photographie, des talks.

Quand et comment l’as-tu crée ?

En 2016 avec mon partenaire Johnny. On a commencé ensemble comme promoteurs de clubs à Newcastle. On est venu ici, on s’est dit “faisons un festival”. Nous avons complètement dédié nos vies à ce projet.  Les deux premières années on l’organisait à Brixton. La première année a été difficile, mais nous avons travaillé très dur et nous avons déménagé à Peckham. Il y a une telle communauté indépendante ici, tout le monde est vraiment connecté à la musique. Nous avons trouvé ce magnifique parc et avons essayé d’inclure la communauté locale autant que possible et je pense que cela a aidé tout le monde à se plonger dans ce que nous faisons. Le principal melting-pot de Londres est ici et nous en sommes très fiers. 

Pourquoi avez-vous choisi de déménager de Brixton à Peckham ?

Ce qui s’est passé, c’est qu’un énorme festival a été expulsé de son parc et ont alors pris le nôtre. Mais ce nouveau site est incroyable, nous pouvons exploiter tous les différents collectifs, les disquaires, les fêtes, les crowd. Il y a beaucoup plus de communauté à Peckham qu’à Brixton. Ils sont vraiment conscients de la culture, plus dans la scène. C’est triste qu’il y ait un manque de lieux ici, mais j’espère que ce ne sera bientôt plus un problème. Nous avions quelques grands clubs qui ont fermé.

” Le principal melting-pot de Londres est ici et nous en sommes très fiers. ” 

Comment cette idée est-elle née ? Que vouliez-vous faire en créant un gala ?

Nous sommes vraiment à fond dans l’histoire de la dance music. Je me souviens avoir regardé ce documentaire appelé Maistro, une sorte de biopic de Larry Levan. Nous avons toujours été fascinés par cette époque, la fin des années 70 et les années 80 à New York et Chicago. Nous voulions créer un festival qui soit ludique, accessible et qui ne se prenne pas trop au sérieux, mais qui fasse toujours référence et rende hommage à l’histoire à la dance. Au fil des années, nous avons eu Daniele Baldelli, Honey Dijon, Derrick Carter, Mutu Swing, tous ces djs que j’ai toujours adorés et qui nous tiennent à cœur. Franckie Knuckles serait mon booking idéal, Kerri Chandler serait le rêve à avoir l’année prochaine. 

Pourquoi avez-vous choisi le nom de Gala ?

Nous avons pensé à dix noms différents avant de le choisir. C’est drôle parce qu’il y a tellement de significations différentes en anglais : il y a la soirée de gala, les galas de natation, et à l’étranger vous avez la cérémonie du MET gala. Mais en anglais ça veut dire fête, ça veut dire galerie. C’est un nom mémorable et simple. je n’étais pas fan mais Johnny m’a convaincu.

Le design graphique est vraiment minimaliste, les couleurs, et typos agréables.

Nous essayons de faire quelque chose de doux, propre, féminin et c’est aussi une sorte de référence aux œuvres d’art japonaises, en particulier l’Exposition universelle de 1970 (Japon).

Nous dépensons tellement pour la production que nous ne gagnons pas d’argent, mais nous rendons les gens heureux, nous voyons des visages heureux, c’est pour cela que nous le faisons.

Charles

Il transmet l’énergie du jazz et de la musique house.

Exactement. Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons un très bon équilibre avec les gens qui viennent. Il n’y a pas de sentiment d’intimidation, une répartition équitable entre  hommes et femmes. De nombreux festivals techno sont très masculins,mais je pense qu’il est important d’atteindre cet équilibre. Cela grâce au marketing, la programmation, les partenaires. Nous n’avons d’ailleurs pas vraiment d’incidents ici, les gens sont bienveillants.

Nous avons d’ailleurs un responsable du développement durable qui travaille en étroite collaboration avec la sécurité tous les jours et tout le monde est très amical. Nous avons également une sécurité LGBTQ+ sur le site. C’est vraiment important parce que quand vous arrivez aux portes, si vous vous sentez intimidé, ça met tout le monde dans une mauvaise ambiance. Je n’irai pas moi-même dans un club où les videurs sont trop zélés. 

Comment penses-tu la scénographie ?

Nous mettons beaucoup d’efforts sur la scène. Trop de festivals sont trop paresseux à ce sujet. Créer un espace qui est vraiment immersif, c’est plus stimulant. Chaque année, nous faisons mieux. Bien sûr, il y a toujours quelque chose qui ne va pas avec l’une des scènes, mais c’est le jeu. L’année dernière, les gens ont travaillé jusqu’à 6 heures du matin sur la main stage. Elle n’a pas été terminée avant 17 heures. Mais ça vaut le coup, les gens apprécient.

Comment tu choisis les horaires ?

La licence. La plupart des festivals finissent à 22 heures, nous 22h30 . C’est vraiment important parce qu’il ne fait pas nuit avant 21H30 et c’est à ces heures de la nuit que l’énergie se transforme.  C’est pourquoi je veux faire un autre festival, afin d’explorer une autre créativité avec les lumières.

Vous pensez à l’étendre à d’autres villes ?

Nous y avons pensé plusieurs fois mais le Brexit ne facilite pas les choses. Nous sommes allés en Italie l’année dernière pour essayer de chercher, mais ça n’a pas marché. C’est un processus très difficile,mettre en place un festival à l’étranger. De manière plus réaliste, je pense que nous allons faire un autre festival à Londres.  Nous voulons créer quelque chose de très unique, de frais, d’exaltant. Le rêve est de continuer à faire cela aussi longtemps que possible. Nous dépensons tellement pour la production que nous ne gagnons pas d’argent, mais nous rendons les gens heureux, nous voyons des visages heureux, c’est pour cela que nous le faisons.

Selon toi, quels sont les artistes excitants sur la scène musicale britannique ?

Mansur Brown est incroyable, époustouflant; Nia Archives aussi. Elle va devenir une superstar.

Envisagez-vous d’élargir la curation musicale à d’autres genres, comme le rap ? Oui, je pense que c’est toujours le but d’élargir. Peut-être que nous ferons des sons plus organiques : plus de jazz encore, de la neo soul, aussi du hip-hop et du rap. Nous voulons créer quelques surprises pour que les gens puissent se dire “ok, allons voir ce qui se passe”. C’est l’une des parties les plus ennivrantes, la curation : être capable de présenter des artistes dont les gens n’ont jamais entendu parler et leur faire découvrir des sons. C’est la partie la plus gratifiante, de faire découvrir un nouvel artiste à quelqu’un.

C’est de l’éducation. Tu penses que les festivaliers vous suivent les yeux fermés parce qu’il trust l’ambiance du festival ?

Tu sais quoi ? Je pense que nous y arrivons lentement. Cela a pris quelques années mais je pense que maintenant les gens commencent à faire confiance à la programmation. Je pense ne pas publier de programme l’année prochaine, mettre les billets en vente et voir comment ça se passe. Je pense que c’est le but de la programmation, la confiance. J’aimerais que les gens aient envie de venir aveuglément. Je pense que pour n’importe quel promoteur de festival, le but n’est pas de vendre un lineup, mais d’offrir une expérience – que les gens savent qu’ils vont passer un bon moment.

Quel collectif tu trouves cool à Londres ?

On adore Rhythm Section, Worldwide FM, GIANT STEPS, Born N BREAD. Il y en a beaucoup à Londres.

Tu penses que Peckham est l’endroit le plus cool de la ville ?

Pour moi, c’est l’endroit le plus cool, mais l’est de Londres a aussi une grande scène. Le sud de Londres est l’épicentre du renouveau du jazz, l’est de Londres est un peu plus axé sur la bass music, jungle, drum n bass.

Et toi, comment t’es tombé dans la musique ?

J’étais dans la drum and bass quand j’avais 15 ans, je suppose que c’est le chemin que prennent la plupart des adolescents au Royaume-Uni. J’ai toujours écouté les radios, puis je suis allé à l’université, je suis devenu promoteur et j’ai été envoûté par la culture des clubs et me suis éduqué à celle-ci. Je continue à digger tous les jours. J’aime beaucoup le disco, la house, le break, l’électro. Je pense que la résurgence de la rave au Royaume-Uni est vraiment passionante, avec le retour à la jungle et à la drum n bass.

T’as toujours voulu travailler dans ce domaine ?

Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. Je suis tombé amoureux de la promotion et j’ai su que c’était ça. Je me sens béni et chanceux de travailler dans cette industrie parce que ce n’est pas facile d’y gagner sa vie.

En tant que grand mélomane, tu t’es essayé au mix ?

Bien sûr. Je suis un bedroom DJ. Je dig et dig et dig et j’adore faire écouter à mes amis, j’aime partager.

Comme Charles vous l’a conseillé, on vous conseille aussi de checker le travail de Bradley Zero du label Rhythm Section – qui vient d’ouvrir un bar musical hi-fi à Peckham : le Jumbi. Le GALA a également curaté une playlist pour vous immerger dans son atmosphère.

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