Cet article est tiré du TRAX #202 “Le guide ultime des 50 meilleurs festivals de l’été”, disponible ici.
Une sensation nous colle à la peau, après la projection de If I Think of Germany at Night, le dernier film documentaire du grand cinéaste Romuald Karmakar. La musique électronique, ou plutôt ses acteurs, danseurs ou artistes, sont filmés sans fard, en lumière naturelle, avec une prise de son directe depuis les platines, l’ambiance crue du club ou studio. Un petit monde que l’on connaît pourtant bien mais qui nous apparaît, enfin, dans toute sa nudité.
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Les premières scènes se déroulent dans le club. Mais plutôt qu’à la manière d’un clip ultra-rythmé, comme ce qu’on voit d’habitude, ici, la caméra fixe la scène du dessus, et durant quelques minutes Karmakar fait observer la foule de danseurs qui bouge à peine – car personne ne « danse » vraiment – devant le DJ, ce point que l’on devine sous les lumières. Une distance étrange, un regard neuf, neutre, dénué de l’ambiance festive que l’on ressent en bas, à la première personne. Troublante bascule de perspective, sur une musique sourde et entêtante.
Vient le jour. Sont filmés Ricardo Villalobos, Roman Flügel ou encore Sonja Moonear, en studio ou en balade sur les hauteurs de Berlin. Ricardo fait un peu de musique, dans son studio ultra-bordélique, un rouleau de PQ au premier plan. Il se laisse surprendre par un disque qu’il vient de poser sur sa platine, un appel à la prière musulmane des années 70. Il parle alors de son processus créatif, la base de tout travail de musique électronique pour lui : « On joue avec tous les sons, toutes les fréquences, jusqu’à trouver une combinaison qui fonctionne ». Cette méthode n’est pas sans rappeler la recherche empirique de la musique concrète.
Au final, ce qu’il nous reste à la fin du film, c’est ce « décalage complet entre la manière dont sont perçus ces artistes et la réalité de leur quotidien », comme le dit lui-même Karmakar. Pour une fois, on les voit dans leurs errances, leurs recherches, leur simplicité, loin de toute starification. Parce qu’on plonge avec eux dans la réalité de leur univers créatif, qu’on voit l’artiste en train d’être artiste, forcément un peu perdus dans leurs mondes respectifs, y emmenant le temps d’une nuit ceux qui veulent bien les suivre, avant de revenir en backstage, puis en studio. Des génies des machines, des nerds, pas vraiment sexy en fait, et surtout bien souvent seuls. Des antihéros.
Pour visionner ce documentaire, rendez-vous sur cette page de la plateforme 4:3. Une inscription est requise pour l’accès à la vidéo.