Dans la famille des lieux alternatifs parisiens, rares sont ceux qui peuvent prétendre se hisser au niveau du Freegan Pony. Que ce soit par la portée de son projet, la taille de sa communauté ou la qualité du service qu’il offre, ce lieu alternatif est peut-être la plus belle fierté de l’underground parisien.
Le Freegan Pony, c’est quoi ?
Vegan n’est pas veggie. Et freegan n’est pas vegan. Le terme “freegan” désigne un mode de vie consistant à “se nourrir de produits jetés ou délaissés par l’industrie alimentaire”. Cette alimentation, en plus de permettre de lutter contre le gaspillage, permet de faire des économies et d’introduire plus de diversité dans nos menus. Et inutile de dire que les invendus de Rungis ont souvent meilleur goût que les surgelés industriels.
Créé en novembre 2015, le Freegan Pony est une “cantine associative et participative” qui promeut ce mouvement à Paris. Construit au sein du Péripate – le mythique squat de la Villette – le restaurant, ouvert de 19h30 à 23h, peut accueillir jusqu’à 80 convives. Chaque soir, le menu proposé est composé de fruits et de légumes invendus au marché de Rungis. Si ces produits n’avaient pas été amenés au Freegan Pony, ils auraient fini à la poubelle. Et quand on sait que près de 20% de la nourriture produite est gaspillée…
Au Freegan Pony, ce sont de véritables chefs qui cuisinent les produits pour en faire – par exemple – de délicieuses tagliatelles de courgettes confites à l’écume de menthe. Si l’on prend également en compte la vente de ces plats en prix libre, on en arrive rapidement à penser que le Freegan Pony est l’un des plus beaux projets sortis du Paris alternatif.
Pourquoi le Freegan Pony a besoin de nous ?
Derrière le mythe du Péripate et du Freegan Pony s’en cache un autre. Aladdin Charni fait partie de ces figures charismatiques de l’underground parisien. Positif et débridé, le jeune homme a cet optimisme qui lui permet de donner vie à tous ces projets. Au Péripate, il a su créer une ambiance nocturne inédite. Aujourd’hui au Freegan Pony, il sensibilise la jeunesse à un mode d’alimentation contemporain, sain et respectueux.
Le Péripate ©Jacob Khrist
En mai dernier, la justice confirmait le “caractère illégal de l’occupation d’un local […] par un collectif appelé Freegan Pony […]” dans un communiqué de la Mairie de Paris. “Les villes ont besoin de structures rentables qui se tiennent toutes seules, explique Aladdin. Elles n’ont pas d’argent à investir dans le monde alternatif”. Plus bas, la Mairie reconnaît tout de même que “ce collectif porte des préoccupations qui rejoignent celles de la Ville de Paris”. Ce qui facilitera probablement les négociations.
On vous a parlé de la détermination d’Aladdin Charni ? “La Mairie voulait qu’on accepte des conditions intenables, rapporte Aladdin. Un loyer à 50 000€ , pour un bail de dix-huit mois seulement – comprenant les cinq mois de travaux.” En comparaison, nombre de squats parisiens ne sont soumis qu’à un loyer symbolique de 1 000€ annuels.
Après plusieurs semaines d’intenses négociations, le jeune homme obtient un bon deal : 25 000 euros de loyer pour un bail de vingt-quatre mois. Une condition va cependant tout compliquer : le lieu ne rouvrira pas avant d’être totalement remis au normes.
Mais dans ce monde rien n’est gratuit. Surtout pas les travaux nécessaires pour remettre à neuf un hangar aux mille et une vies. Le 1er juillet dernier, Aladdin lançait une campagne de crowdfunding, en appelant au soutien de tous ceux qui se pressaient à la porte de sa cantine. Aujourd’hui, à deux jours de la fin du temps imparti, seuls 30% des 40 000€ nécessaires pour réaliser la première phase des travaux ont été réunis.
“C’est vrai qu’on est en vacances d’été, et que 40 000€ est une grosse somme – mais je m’attendais à un engouement plus important”, nous confie le créateur passionné. Ces derniers jours, malgré sa détermination, Aladdin se laisse aller aux doutes : “Quand tu es seul à affronter des mairies pour dire que ton projet a du sens, mais que derrière tu ne reçois que peu de soutien, t’es obligé de te poser des questions”.
©Jacob Khrist
Malgré ses 22 000 likes, ses 8 000 signatures et ses 9 000 clients en neuf mois de vie, le Freegan navigue dans des eaux troubles. “J’ai peur que nous aimions consommer mais trop peu agir, poursuit Aladdin. Les gens aiment venir consommer de la teuf ou de la bouffe à prix libre mais se pressent moins lorsqu’il s’agit de soutenir”.
Comment agir ?
Si Aladdin peut paraître amer, ce n’est que parce que l’énergie qu’il déploie à faire vivre ses convictions le vide. À nous tous donc de l’aider en posant notre pierre à l’édifice.
La cagnotte, prévue pour couler une dalle de béton au sol, refaire la plomberie et l’électricité, propose plusieurs sommes de participation. Et à chaque fois, la valeur de votre argent vous est rendue. “Les contreparties ne sont pas des goodies. Tout sera rendu en bière et en bouffe, les soutiens paient juste leurs consommations en avance”, nous explique Aladdin.
Pour agir, il ne reste que deux jours et demi. Rendez-vous est donc pris sur la page de crowdfunding du Freegan Pony. On ne saurait trop vous conseiller d’en parler aussi massivement autour de vous.
La suite
Et si la somme n’est pas atteinte ? Il en faudrait plus pour qu’Aladdin Charni ne perde sa détermination, le jeune homme n’envisage aucunement de laisser tomber le Freegan Pony. “On a déposé des dossiers de subvention, on attend de voir”, nous explique-t-il. Quand on lui parle d’une fête à la sauce Péripate pour récolter des fonds, il est catégorique : “On a clairement signé pour dire qu’on n’ouvrirait pas sans les normes, si l’on fait ça, on se tire une balle dans le pied”.
©Jacob Khrist
Armé de toutes ses énergies positives, Aladdin repousse donc jusqu’à nouvel ordre la ré-ouverture du lieu, sachant pertinemment qu’il ne réunira pas les frais nécessaires à la remise à neuf. “L’idée, c’est de partir en vacances, de se vider la tête et de revenir à la rentrée avec de nouvelles solutions”, conclut-t-il. Alors que l’avenir du Freegan Pony reste en jeu, celui qui a donné naissance au plus beau lieu alternatif parisien a besoin de tous. Il n’y a plus qu’à !