Au sein de l’histoire de la musique électronique, les pionniers sont nombreux. Pionniers d’un genre, d’un style, d’un courant… Dans le cas de Jean-Claude Risset, le titre est amplement mérité : né en 1938, il est le tout premier compositeur français à avoir employé dans sa musique des sons synthétisés par ordinateur. On pourrait argumenter que tout ce qui est aujourd’hui produit via des stations audionumériques (Ableton, Logic, Reason…) ou des VST débute avec ses travaux.
Doctorant en sciences et diplômé du conservatoire
À l’instar des pionniers de la musique électroacoustique et concrète Pierre Schaeffer (1910-1995) et Pierre Henry (1927 – ), Jean-Claude Risset se passionne autant pour les sciences que pour la musique. Passé sur les bancs de l’École normale supérieure et agrégé de physique, il fréquente aussi au conservatoire national supérieur de Paris, où il étudie le piano, l’écriture et la composition.
En 1967, il soutient son doctorat de sciences sur le thème de la synthèse et de la perception des sons musicaux, et commence à réfléchir à l’emploi de l’ordinateur en tant qu’instrument. Pour se replacer dans le contexte, il faut se souvenir que ces derniers sont à l’époque l’apanage des scientifiques ; les tous premiers PC’s (Personal Computers), sont alors employés par la NASA. Risset milite pour que l’ordinateur passe du statut de machine à calcul à celui d’instrument, posant ainsi les bases de l’informatique musicale.
Jean-Claude Risset – Computer Suite From Little Boy
Aux côtés du compositeur Pierre Boulez, Risset participe entre 1975 et 1979 à la création de l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM), haut lieu de la musique contemporaine et laboratoire d’expérimentation, qui participe aujourd’hui encore à l’élaboration de nouveaux procédés de création musicale. Nommé directeur artistique du département “ordinateur” de l’IRCAM, il se rapproche du GRM, le groupe de recherches musicales précurseur de la musique concrète.
Chants d’oiseaux et illusions auditives
Mutations, Moments Newtoniens, Inharmoniques… Les compositions aux titres évocateurs que Risset crée au sein du groupe cristallisent ses recherches. Le glissando de Shephard-Risset notamment, une gamme de sonorités synthétiques qui donne l’impression paradoxale de monter sans cesse tout en répétant les mêmes sons. Un effet qui aura, pour le meilleur et pour le pire, ouvert la voie aux montées interminables qui précèdent parfois un gros drop de banger techno ou EDM.
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Sud (1984-85), voit Risset parcourir des territoires plus poétiques : des vagues rompues sur les récifs, le remous des criques, les chants d’oiseaux et les rumeurs d’insectes enregistrés dans les Calanques de Marseille sont entremêlés à des échos synthétiques et à des harmonies générées par ordinateur.
“Cézanne voulait “unir des courbes de femmes à des épaules de collines” : de même, la synthèse croisée permet de travailler “dans l’os même de la nature” (Michaux), de produire des hybrides, des chimères — d’oiseaux et de métal, de mer et de bois. J’y ai eu recours surtout pour transposer des profils, des flux d’énergie.” écrivait-t-il au sujet de cette pièce, commandée par le Ministère de la Culture.
En 1999, Jean-Claude Risset reçoit la médaille d’or du CNRS pour ses travaux sur la caractérisation et la synthèse des sons et leur perception auditive ; il avait alors déjà été primé à une dizaine d’occasions pour ses compositions musicales. Le compositeur s’est éteint lundi à Marseille, à l’âge de 78 ans.
Jean-Claude Risset – Sud