Sorti en mars dernier, l’album Planets marquait un nouveau jalon dans l’exploration de la musique classique par Jeff Mill. Enregistrée avec l’orchestre symphonique de Porto, cette réinterprétation des Planètes de Gustav Holst (1918) voit la TR-909 du pionnier de Detroit se faire plus discrète que jamais, émergeant seulement parfois au milieu d’arrangements épiques de dizaines d’instruments, auxquels le jeu sur la spatialisation donne des accents très contemporains. Un projet qui dépasse la simple réinterprétation des classiques de Mills, telle qu’on n’a pu l’entendre par exemple avec l’orchestre philharmonique de Montpellier, et qui ne pouvait être illustrée par un simple clip. « Planets est un projet ouvert, il a été bâti pour se décliner et explorer d’autres formes d’art. »
Le producteur a donc fait appel à la compagnie de danse Dairakudakan, pour laquelle il composait en 2015 la bande-son du spectacle La planète des insectes. « J’aime travailler avec eux, car ils arrivent à estomper la ligne entre la question et la réponse. En un sens, on peut dire qu’ils incarnent la façon dont fonctionne la musique techno », disserte Jeff Mills. La troupe est l’une des plus célèbres du Japon à pratiquer l’art du butō, une danse née dans les années 60 en réponse et inspirée des mouvements expressionnistes et dadaïstes européens de l’entre-deux-guerres. Cet art qui émerge en réponse à la détresse des lendemains d’Hiroshima est une danse du traumatisme – les protagonistes sont souvent grimés de blanc, le crâne rasé et presque nus –, grotesque et à vif, mais aussi sensible, empreinte de Zen et d’une douceur périssable de l’instant.

Dans le film de 27 minutes issu de cette collaboration, chaque planète est représentée par un danseur. « Chacun représente la perception qu’ont les humains des planètes : ils les imaginent comme un corps, écosystème propre. » Le résultat s’annonce s’annonce impressionnant, et, si l’on en croit Mills, « terriblement beau ».
La prochaine étape est la projection du film dans les salles obscures : « nous sommes en train de programmer des projections au cinéma dans les mois à venir, avec des sound-systems améliorés pour que le rendu soit le meilleur possible. » Quant à une performance live, il semblerait qu’elle puisse voir le jour « Après le film, quelques membres de la troupe ont créé une performance basée sur le même sujet. C’est un prolongement du film et j’ai hâte de voir le résultat ».