Chaque mouvement a ses hommes de l’ombre, ces personnages désintéressés et dénués de toute forme de reconnaissance, simplement animés par la passion et le dévouement à leur cause. Kaoss Pat était de ceux-là. Considéré par beaucoup comme l’un des piliers du mouvement techno dans le Sud, ce personnage altruiste et cofondateur du magazine Teckyo nous a quittés le 1er décembre, à l’âge de 57 ans. Pour ceux qui le connaissait de près ou de loin, il était celui que l’on voit partout, dans les festivals et les évènements culturels, toujours prêt à aider et mettre la main à la patte. Pat Debarbieux était aussi un amoureux des relations humaines et de la transmission à la jeunesse.
Ce natif du Sud a eu un parcours pour le moins atypique. Passionné de la première heure par la musique techno et ses déclinaisons, il fut pendant quelque temps cadre de la Française des Jeux. Licencié, il décide d’investir son temps dans ce qui lui tient réellement à coeur, la musique et la culture. Pour l’une de ses plus proches collaboratrices et amie, Karine, de Teckyo, l’histoire commence en 1996.
“Nous sommes rencontrés lors d’un week-end entre amis, pas très loin de Nice. Il avait été licencié quelque temps auparavant et souhaitait s’investir, comme moi, dans le mouvement des free parties.” Ensemble, ils décident de monter l’association Psycotek en 1998. “Très vite, nous avons eu envie de monter un magazine pour parler de notre milieu et de notre passion, pour donner la voix aux courants musicaux comme la trance, la techno, etc., dans le Sud.”
S’appuyant sur Psycotek, le magazine papier Teckyo sort en décembre 1999, regroupant bon nombre d’acteurs de la scène et de plumes passionnées. Cette aventure papier va durer jusqu’en 2009, moment où le magazine cesse de paraître en format papier. Entre-temps, Kaoss Pat, avec sa formation de webmaster, participe à la création du site teckyo.com qui sort en 2000. Cet investissement semble confirmer sa réputation de véritable touche-à-tout.
“Il avait 57 ans, mais toujours 20 ans dans sa tête,” nous confie Karine. “Depuis le début de sa maladie, ce qui le faisait tenir, c’était de savoir qu’il allait participer à un festival, de pouvoir rencontrer des gens…” Kaoss Pat avait d’ailleurs prévenu ses médecins, comme nous l’affirme Karine : “Il leur avait dit : ‘Le jour où je ne pourrais plus me rendre dans ce genre d’évènements, on arrêtera tout.’“
Père de deux enfants, âgés d’une vingtaine d’années, il était également investi avec son fils aîné dans le traitement des déchets des festivals. Tous les deux faisaient partie de l’association Aremacs, qui propose de limiter l’impact écologique des fêtes. Kaoss Pat, c’était celui que l’on voyait partout lors d’un festival, tantôt en backstage, tantôt au parking ou à l’organisation, parlant à tout le monde, et arborant un sourire contagieux.

Dans le privé, la musique avait évidemment une place prépondérante. Karine nous raconte : “Vers la fin de sa vie, il était très éprouvé par le fait de ne pouvoir se rendre aux différents évènements. Le festival Impact à Marseille était juste en bas de chez lui. Il a donc demandé à son fils de prendre un talkie walkie avec lui, pour qu’il puisse participer, à sa manière.” Une passion à toute épreuve.
Pour l’artiste Ben Metek, cet homme était un véritable pilier de la culture dans le Sud, sous toutes ses formes. “Il était passionné et engagé à fond dans la vie culturelle, c’était un des plus grands acteurs de ce secteur.” Pour lui, Kaoss Pat était engagé mais très humble : “Il a toujours su rester simple et n’attendait rien en retour. Toujours d’une humilité incroyable. Ce n’était pas non plus un fêtard, dans le sens rock’n’roll du terme. Il aimait surtout les relations humaines et le partage.” Pat Debarbieux (son nom à l’état civil), qui travaillait en tant que gardien de nuit, avait aussi un autre souhait : “Son objectif était la transmission. Il n’arrêtait pas d’aider les jeunes et leur transmettre son positivisme, sa passion et sa sagesse.” Pat avait dédié sa vie au service de la culture.
La cérémonie en hommage à Patrice Debardieux a eu lieu le jeudi 8 décembre à 11 h au crématorium d’Aix-les-Milles. Une cagnotte a été mise en place, dédiée à la création d’une plaque funéraire en l’honneur de Kaoss Pat ainsi qu’à la lutte contre le cancer.