Article paru dans Trax numéro 187 (Roots Manuva, novembre 2015)
C’est arrivé un soir d’octobre 1987. Débarqué un an plus tôt en Angleterre (pour suivre une nana, comme souvent), Laurent Garnier, 20 ans, bosse dans un resto à Altrincham, dans le sud de Manchester. Il arrose la ville de cassettes mixées, et l’une d’elles tombe entre les oreilles du patron de l’Hacienda, qui veut lancer une nouvelle soirée. Le 7 octobre, Laurent Garnier passe pour la première fois derrière les platines du mythique club sous l’alias DJ Pedro : “La soirée s’appelait Zumbar et l’idée, c’était de jouer des choses différentes de la programmation du week-end. La house n’avait pas encore explosé. On jouait pas mal de hip-hop, de la Hi-NRG, l’ancêtre de la house et de la techno. J’ai même les cassettes de cette soirée. C’était l’époque de S’Express, Joe Smooth et le morceau ‘Promised Land’… Le plus gros tube, c’était ‘Pump Up The Volume’ de M|A|R|R|S. Tout le monde devenait fou quand je le jouais.”
Le début de la gloire pour Laurent Garnier, tombé dans une période charnière pour la musique électronique. “Je n’ai pas forcément des souvenirs de moi aux platines, mais plutôt des nuits passées là-bas à découvrir des titres, à observer, être sur la piste de danse, à regarder la scène exploser. Je suis arrivé à Manchester en 1986. Et entre 1986 et 88, j’ai vu l’Angleterre basculer. Au départ, c’était la période house de Chicago, une culture très black, basée sur la danse, le ‘jacking’. Les mecs faisaient des cercles, c’était difficile de rentrer. Et c’est passé d’une clientèle très black qui écoutait de la house à une clientèle blanche, issue de la banlieue pauvre de Manchester. Puis l’ecstasy est arrivée et l’acid house a explosé. L’Hacienda a basculé en l’espace de cinq mois. La ville était déjà bouillonnante quand je suis arrivé, mais après, c’était un truc de malade.” The rest is history.