Le film “hard ❤️” pose un regard nouveau sur les Casual Gabberz, la techno et le temps qui passe

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Lucien Oriol
Le 16.02.2022, à 15h43
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©Lucien Oriol
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Photo de couverture : ©Lucien Oriol
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Brutal comme un kick, fragmenté comme un souvenir et finalement très humain, le documentaire hard <3 offre de nouvelles nuances à l’histoire des Casual Gabberz. On a donc croisé son réalisateur Kevin Elamrani-Lince avant la diffusion en avant-première de son film au festival FAME, le 19 février prochain à la Gaité Lyrique. L’occasion de revenir sur ses premiers pas au sein du crew, sa vision du temps qui passe, sur le gabber et sur ses aspirations.

Propos recueillis par Xavier Ridel

En premier lieu, est-ce que tu perçois hard <3 comme la suite d’Inutile de Fuir, que tu avais sorti en 2018 ?

Oui complètement. Il s’inscrit dans le continuum. Comme Inutile de Fuir, c’est un documentaire- film-journal, qui mélange des images pour le projet des Casual Gabberz, mais aussi des archives personnelles ou des vidéos échangées sur internet.

Qu’est-ce qui sépare ces deux films selon toi ?

hard <3 est globalement plus direct. Je dirais qu’il s’agit davantage d’un documentaire musical, alors qu’Inutile de Fuir était plus un film en musique. Mais les deux restent très liés, que ce soit de par les intervenants ou le rythme abstrait. Je pense quand même que l’esprit de hard <3 est moins contemplatif.

Tu as davantage été connu pour tes clips de rap. Qu’est-ce qui te touche dans le gabber et comment est-ce que tu as découvert ce style ?

J’élargirais en disant que j’ai toujours été réceptif aux genres “hard“. Dès mes premières vidéos avec les Butter Bullets, Dela et Sidisid (présents dans les deux films), avaient pour habitude de sampler énormément de trance-hardcore-gabber-jumpstyle pour produire leurs morceaux. J’ai découvert des super trucs par ce biais. Ensuite, j’ai rencontré mon frère Krampf par le prisme du rap, et il employait le même process avec son collectif DFHDGB. On a toujours eu un attachement commun pour tous ces styles, tout en évoluant dans le rap. En fait, je ne fais pas de dualisme entre le rap et le gabber, ou même la musique électronique en général. De Dj Bellek à Von Bikräv il y a des tas d’exemples d’hybridations, qui existent depuis longtemps.

Krampf, dans hard <3

Si on revient à l’image, pourquoi avoir choisi le noir et blanc, plutôt que la couleur ?

Plusieurs paramètres interviennent. D’abord, le choix du noir et blanc permet d’unifier les échelles de temps et de conserver un aspect monolithique, tout en ayant des temporalités et des formats variés. Ensuite, c’est seulement mon deuxième film et je voulais rester dans la continuité d’IDF. J’ai souvent l’occasion de travailler en couleur avec les clips, et à vrai dire, ça me repose de pou- voir faire abstraction de tout ça. Aussi, l’effet de noir et blanc renforce l’effet mémoriel et le senti- ment de souvenirs pour le spectateur.

Il y a beaucoup d’amitié dans ce film, mais j’ai l’impression que tout ça est montré de manière assez pudique. C’était ton intention ? Pourquoi ?

Je ne sais pas trop. J’essaye simplement d’être juste et d’avoir de la bienveillance pour les gens que je filme. Je pense que c’est ce qui donne cette impression.

Quelle a été ta manière de travailler sur hard <3 ? Comment est-ce que tu as sélectionné les images du film ?

À la différence d’Inutile de Fuir, où je cadrais seul, j’ai cette fois-ci travaillé avec Alexi Van Henne- cker et Sidi Omar, qui ont été intégré au collectif dans la foulée du premier film. On partage le même sens du cadre et du mouvement ; et le fait d’opérer de cette manière, à trois yeux, a permis au projet de couvrir de multiple espaces-temps, de lui donner une vibration plus globale et spec- taculaire. Quant au choix des plans, j’ai un rapport très instinctif et obsessionnel au montage, au travers duquel se mêlent des volontés de contemplation, d’efficacité, de mémoire, d’abstraction, d’hu- mour, entre autres… Il y a tout simplement des images auxquelles je suis attaché et d’autres moins. C’est une affaire de sensibilité.

Les rushes que tu as gardé sont très bruts, aussi bien au niveau du son que de l’image. Pourquoi ce choix ?

C’est la grande différence avec Inutile de Fuir. Ici, l’esprit est très direct, le son vient de la caméra. C’était moins le cas sur notre film précédent. Comme je l’évoquais plus tôt avec l’usage de la couleur et le clip, le documentaire est vraiment une occasion d’aller à l’essentiel (en l’occurence une image brute et organique), mais aussi de tester des choses, des temporalités différentes.

Sentimental Rave et Paul Seul, dans hard <3

Justement, hard <3 est très fragmenté. Quel était ton but ?

Montrer la vie telle qu’elle est, dans son rythme et son énergie. Je dirais aussi qu’à mon sens, les souvenirs se manifestent de manière non-linéaire dans l’esprit. J’essaye de retranscrire ça en réunissant des images-mémoire diverses et satellisées, j’essaye de les combiner pour leur donner une direction commune.

J’y pense, qui est le graffeur que l’on voit pendant le film ? Il est lié aux Casual Gabberz ?

Kidgag, c’est une légende ! Il est déjà présent dans Inutile de Fuir et avait produit un son sur la compilation sous le nom de Warchild. C’est un ami d’Evil Grimace, de longue date.

À un moment du film, le crew a une longue discussion sur le fait de s’engager ou non en politique. Est-ce que c’est un débat interne pour toi aussi ?

Aucun débat interne, non. Je ne suis pas engagé politiquement.

Pourtant, hard <3 s’ouvre sur les images d’une manifestation. C’était bien celle contre la loi « sécurité globale » ? Pourquoi avoir choisi cette intro ?

C’est un marqueur temporel-post covid. En fait, je trouvais aussi ça fun, léger et bienvenu de commencer un documentaire sur un débat qui porte sur une supposée autorisation de filmer ou non dans l’espace public. À mon sens, c’est un débat anachronique, dans le monde technologique actuel.

La dernière scène du film est très belle, très mélancolique. Pourquoi ?

C’est la musique de Krampf qui fait ça je pense… (rires) Plus sérieusement il s’agit globalement d’un film sur le temps qui passe et les copains. Je n’aurais pas su le terminer autrement.

Concernant la suite de ton travail, comment est-ce que tu la perçois ? La dernière fois, tu m’avais notamment parlé de ta volonté de faire des long-métrages ?

Les vidéoclips et collaborations avec les musiciens occupent beaucoup de mon temps, et ça me plaît encore beaucoup. Mais oui je travaille à faire des films de fiction dans les prochaines années ; si Dieu le veut !

Hard <3 : l’affiche officielle

hard <3 sera présenté en avant-première (et en compétition officielle) pour le festival FAME, le 19 février à la Gaité Lyrique. Plus d’infos par ici.

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