Par Lena Haque
Avec l’arrivée sur nos écrans de Drag Race France en 2022 et la montée en puissance de queens comme Cookie Kunty ou La Grande Dame, il semblerait que la culture queer à la française ait de beaux jours devant elle. Présenté cette année au festival Chéries-Chéris, le rendez-vous du cinéma queer à Paris, le documentaire Last Dance atteste du regain d’intérêt de la France pour le sujet. À la différence de Trois nuits par semaine, le long métrage de Florent Gouëlou, qui nous plongeait dans le milieu drag parisien, c’est du côté de la Nouvelle Orléans que Coline Albert a choisit de poser sa caméra pour filmer les icônes queer locales le temps d’un drag-umentaire intime et festif à la fois.

Riche de son héritage artistique, la capitale historique du jazz américain est devenue une ville hybride, post-ouragan Katrina, où se côtoient des artistes de tous horizons. C’est là que la réalisatrice rencontre par hasard Vinsantos Defonte, un personnage haut en couleurs qui la fascine instantanément. Car la nuit tombée, Vinsantos troque son t-shirt noir et ses tatouages de rocker pour une robe à sequin et devient Lady Vinsantos, son alter-ego drag, pilier de la scène locale depuis des décennies. Cependant, à l’approche de la cinquantaine, Vinsantos commence à se lasser de son personnage et envisage de raccrocher.
Si Last Dance rend hommage au monde du drag et à la scène néo-orléanaise, il est aussi la lettre d’adieu d’un artiste à son art. Les questions de la créativité et de la liberté artistique traversent le film de part en part, tandis que Vinsantos s’interroge sur sa carrière. “J’ai l’impression que cette femme [Lady Vinsantos] m’a kidnappé” confie-t-il à la caméra. En filmant le travail de Vinsantos, qui a toujours milité en faveur d’une pratique du drag plus libre, Coline Albert documente la diversité de ce milieu, à l’heure où tout le monde se réfère uniquement à Rupaul. Dragkings, drag queens féminines ou à barbe… Sans tomber dans l’opposition réductrice de l’industrie versus l’indépendance, les protagonistes de Coline Albert nous rappellent que le drag est un art protéiforme et politique, qui, comme toutes les disciplines, se heurte à la question de l’institutionnalisation. Aussi émouvant qu’électrisant, Last Dance est ainsi à l’image de la ville qui l’a vu naître : haut en couleurs, intense et captivant.

Last Dance, de Coline Abert. En salles le 22 février.