Par Olivier Pernot
Bien avant les boucles robotiques de Kraftwerk et la techno de Detroit, le futurisme glorifiait le monde moderne et urbain. Ce mouvement artistique du début du XXème siècle avait une fascination pour l’industrie et les machines, la vitesse et les mouvements, la jeunesse et la violence. Il vit le jour en Italie, autour du poète Filippo Tommaso Marinetti, qui écrit Manifeste du futurisme en 1909. Le compositeur Luigi Russolo publie quatre ans après, son propre manifeste futuriste, L’Art des bruits.
Même s’il a grandi dans une famille de musiciens, et a étudié d’abord le violon, Russolo s’est tourné vers la peinture. C’est par cet art qu’il rencontre Marinetti et se joint au mouvement futuriste. Mais il se replonge dans la musique pour répondre au Musica Futurista de son ami Francesco Balila Pratella. L’Art des Bruits est son propre manifeste futuriste.
Dans ce court texte d’une vingtaine de pages, qui vient d’être réédité par les éditions Allia, le musicien expose sa vision de la musique de demain. Il y soutient l’idée que l’homme est en train de se familiariser avec les sons de son nouvel environnement, urbain et industriel. Pour lui, les bruits mécaniques, leur vitesse et leur énergie, renouvellent la palette sonore. Il vante la variété infinie de ces « sons-bruits » : les râles des moteurs, les palpitations des soupapes, les cris stridents des scies mécaniques, le tintamarre des gares, des forges, des filatures, des imprimeries, des usines électriques et des chemins de fer souterrains, etc. Et conclut en disant qu’il conçoit la rénovation de la musique par L’Art des bruits.
Cette parole futuriste, qui date de 1913, prophétise aussi l’influence de l’électricité et de l’électronique dans la musique moderne, et la conception de machines de musique. Avec ce manifeste et les expérimentations sonores qu’il mènera par la suite, Luigi Russolo est considéré comme un précurseur de la musique concrète. John Cage, Pierre Schaeffer et Pierre Henry rendront hommage à son génie visionnaire.
Luigi Russolo, L’Art des bruits : manifeste futuriste, 1913, éditions Allia, 48 pages, 6,5 €