La techno est-elle devenue mainstream ?

Écrit par Théodore Hervieux
Photo de couverture : ©DR
Le 02.06.2016, à 15h12
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Écrit par Théodore Hervieux
Photo de couverture : ©DR
Le rapport de l’IMS (un rassemblement de professionnels de la musique électronique à Ibiza) aspire chaque année à faire l’état des lieux de l’industrie de la musique électronique dans le monde.Si ce bilan est loin d’être représentatif des mouvements et cultures underground, souvent dissociés d’une quelconque rentabilité économique, il demeure intéressant de tirer certains enseignements de son édition 2016, surtout à l’heure où la techno devient n°1 des ventes Beatport.


Le sommet international de la musique électronique (International Music Summit – IMS) se tient chaque année à Ibiza et réunit de nombreux professionnels de l’industrie musicale. Comme tous les ans, l’IMS a publié à l’issue de son édition 2016 un bilan de la conjoncture économique actuelle de la dance music à travers le monde. Ibiza ? On vous voit venir : oui, ce rapport concerne en grande partie le marché de l’EDM, véritable usine à gaz de la sphère électronique.

IMS Ibiza (Tom Horton)
©Tom Horton

Difficile en revanche de savoir quelle part de ces statistiques est imputable à la seule EDM (définie de ce côté de l’Atlantique comme le versant commercial des musiques électroniques) tant les chiffres de cette étude englobent la totalité des sensibilités électroniques. Plus difficile encore lorsqu’on apprend que la techno est dorénavant en haut des ventes de la plateforme digitale Beatport.

Alors certes, on apprend que le top 10 des DJ’s les mieux payés de la planète demeure quasi inchangé. On digère également le fait que Kygo a dépassé le milliard de streams en seulement un an. Mais en lieu et place d’un traditionnel Guetta-bashing, voici plutôt les 5 points essentiels qu’il faut retenir de ce rapport.

IMS Ibiza
L’IMS à Ibiza. (©Tom Horton)

1/ Les sept enjeux du succès futur de l’industrie de la musique électronique

Les participants de l’IMS se sont prêtés à l’exercice du classement dans un ordre décroissant d’importance des sept facteurs, passés ou à venir, qui, selon eux, participaient le plus au rayonnement de la dance music à travers le monde.

  • La vente de Beatport par SFX à des repreneurs qui comprennent mieux le marché de la musique électronique
  • SoundCloud ou d’autres plateformes de streaming mettant en place un dispositif de revenus plus juste et équitable envers les artistes et les labels
  • Les gouvernements travaillant main dans la main avec les promoteurs à l’élaboration d’une législation plus appropriée
  • Une plus grande représentativité des femmes dans le milieu électronique
  • Une approche globale incluant gouvernements et acteurs-clés de l’industrie musicale dans la lutte contre les incidents liés aux drogues
  • L’acceptation, le respect et la promotion de la musique électronique à travers des médias grand public
  • Plus de transparence et moins d’inflation dans les rémunérations des artistes

Tous se sont accordés sur le fait que le dispositif mis en place par les plateformes de streaming pour rémunérer de manière plus juste les artistes et les labels était de loin le plus important. Un résultat qui fait écho aux récentes annonces d’Apple Music et de Spotify de se munir d’une puissante technologie propriétaire d’identification musicale, afin de distinguer tous les ayants droit associés à un mix, par exemple. Et sur le coup-là, c’est plutôt SoundCloud qui serait à la traîne.

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La lutte contre les incidents liés à la prise de drogue apparaît elle aussi comme une priorité. En revanche, la promotion de la musique électronique dans des médias grand public a pour sa part été reléguée à la dernière position. Enfin, on remarque une différence importante entre les participants masculins et féminins, sur la sous-représentation des femmes dans les line-up. Si le sujet atteint la 2e position chez les femmes, il n’apparaît qu’en 6e position chez les hommes, ce qui confirme que les acteurs masculins ne semblent pas encore mûrs pour se saisir eux-mêmes de la problématique. Alors qu’une des solutions avancées est justement la prise de conscience du problème par les hommes…

IMS Rapport

2/ Un marché global qui dépasse les 7 milliards de dollars de valorisation

Grâce à notamment la croissance du streaming, l’ouverture du marché à l’Amérique du Sud et à la Chine, et un marché américain qui se stabilise, l’étude valorise l’industrie globale de la musique électronique à 7,1 milliards de dollars. Un chiffre qui a crû de 59% depuis les 4,5 milliards il y a seulement trois ans. Le rapport pointe en revanche un certain “essoufflement” de la croissance, avec seulement 3,5% d’augmentation entre les deux derniers exercices.

Valorisation IMS

3/ La musique électronique est le genre musical qui connaît la plus forte croissance

Avec 5% de la totalité des flux streamés dans le monde, la dance music reste encore loin derrière les musiques latines (9%), la pop (15%), le rock (18%) ou le R&B/hip-hop (21%). Mais c’est le genre musical qui connaît la plus forte croissance (+107%), notamment porté par l’inexorable croissance du streaming. 

Chose intéressante, on apprend que le nombre de recherches liées à la musique électronique dans son ensemble a plus que triplé entre 2009 et aujourd’hui. En face, la quantité de recherches associées à la musique pop n’a presque pas bougé, et celles autour du rock ont été divisées par deux – le constat est identique du côté du hip-hop.

Recherches Google IMS

4/ Sur Beatport, la techno en top trend et une remontée fulgurante de la drum’n’bass

La techno vient de passer n°1 des ventes sur la plateforme digitale Beatport, passant devant la tech-house et la deep house, cette dernière accusant le coup pour la deuxième année consécutive. La drum’n’bass gagne quant à elle trois places pour se classer en 6e position, et marque ainsi la plus forte croissance.

A noter également : la progressive house continue inexorablement de descendre, au même titre que la transe, qui se place aujourd’hui en avant-dernière position des ventes.

Genres Beatport

Si les charts Beatport ne sont pas forcément représentatifs de toutes les sensibilités électroniques, – et notamment des milieux plus underground – la plateforme américaine reste un bon indicateur des tendances globales. La firme du Colorado a d’ailleurs récemment annoncé recentrer ses activités uniquement sur le téléchargement digital, qui avait fait son succès par le passé.

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5/ Un boom des ventes de matériel DJ aux États-Unis

Enfin, note le rapport, les ventes de contrôleurs outre-Atlantique a grimpé de 15 % entre 2013 et 2014, et celles de platines vinyles de 10 %. Il n’existe pas de chiffres plus récents, impossible donc d’établir une véritable tendance à l’heure actuelle, d’autant plus que ces chiffres ne concernent que le marché nord-américain, valorisé en 2014 à hauteur de 141 millions de dollars.

Valorisation Matériel DJ IMS

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