Tout d’abord, pourquoi avoir choisi de lancer un évènement consacré exclusivement à la danse debout ?
Dans les années 2000, il y avait beaucoup d’évènements axés sur le break, et il y avait seulement des petits évènements à droite à gauche sur le popping et le locking. Rien sur le hip-hop et la house dance.
Peux-tu me décrier ces styles de danse ? La façon dont ils ont émergé ?
Par ordre chronologique… Le locking a émergé à la fin des années 60, il se danse sur de la funk acoustique, par exemple Bootsy Collins, qui vient de la côte ouest des États-Unis. Le popping, est aussi né sur la côte ouest des États-Unis, à la fin des années 70, cette fois-ci. Pour le popping, la musique est toujours funk, mais c’est celle qui a évolué avec l’arrivée des machines. Tout ce qui est George Clinton, Zapp and Roger, ou encore le Tour de France de Kraftwerk.
Tout ça est né avec les machines, donc les gens ont commencé à danser de manière plus mécanique et ont commencé à faire ce qu’on appelle du pop, c’est-à-dire de contracter son muscle sur le beat. J’en viens au hip-hop, une danse qui est née avec le rap. Ce sont des mouvements plus coulés et fluides. La house dance est née à Chicago. Même si elle s’est développée à Detroit et dans les clubs new-yorkais, en majorité gay. Il y avait beaucoup d’embrouilles et de gun shots, donc les danseurs se sont réfugiés dans les clubs gays pour continuer à danser sans risquer de se prendre une balle ! Finalement, la house dance est un mix de plein de danses différentes : les claquettes, le hip-hop, etc. Les gens qui voulaient juste danser se sont finalement exprimés sur la dance music.
Quand tu dis que ça se développe par les clubs, que veux-tu dire concrètement ?
Concrètement, si tu regardes le hip-hop, entre les années 90 et aujourd’hui, ce n’est pas du tout pareil. C’est deux mondes différents. La danse mute en fonction de la musique. Cette mutation se traduit par le temps, et surtout avec le « melting pot », car New York est une ville multiculturelle. Paris est aussi multiculturelle. Tout ça est né aux US, mais s’est beaucoup développé en France et en Asie. L’abondance des cultures a contribué à une évolution. Il faut tenir compte des morphologies aussi. Par exemple, les Japonais ne dansent pas du tout de la même manière que les Français.
Juste Debout China – Finale 2018
Quelle musique jouez-vous à Juste Debout ?
C’est très large. Cette année, on va revenir sur des classiques. En essayant de garder les sons pointus pour les finales. Ce sont des productions spécialement faites par des DJs ou des beatmakers, donc on leur demande de passer du funk, du hip-hop ou de la house. Bercy est un évènement grand public. Donc il faut que les gens s’identifient au son.
Peux-tu me parler de Sam One, DJ résident lors de tes contest ? Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour ?
Il mixe de la house. Je citerais aussi DJ Tijo. En fait, tous nos DJs sont des amoureux de la danse. Donc Tijo est un danseur de house dance, il est super calé dans tout ce qui est tech house et soulful house music. Je l’ai rencontré il y a plus de vingt ans, on était dans le même crew. Sam One est plus axé afro house. Je l’ai connu il y a 6 ans pendant des battles, et j’ai trouvé son travail intéressant. En plus, il danse quand il mixe, c’est un spectacle à lui tout seul !
Quelles sont tes autres DJ’s de référence, qui mixent dans d’autres disciplines ?
Je citerais Robu Manga en locking. Et en hip-hop, je dirais Yugson, qui est danseur aussi dans le groupe Wanted Posse. En expérimentale, j’aime bien NobuNaga, un Hollandais, c’est un killer super éclectique. C’est ce dont on a besoin en danse expérimentale.
Justement, l’expérimentale… C’est quoi ?
C’est quoi ?! (rires) On ne peut pas la définir. La musique peut être classique, ou électronique, ça peut être du hip-hop aussi. Le danseur doit arriver sans être préparé et doit interpréter la musique. C’est un freestyle, il mobilise l’instinct de survie sur scène. Beaucoup de musiques électroniques dans cette catégorie. Surtout du hip-hop électro, mais vraiment de tout au final, même du Björk !
La house a-t-elle toujours été présente dans le hip-hop ?
Oui, ça a commencé avec le disco à l’époque (Il balance la tête en mimant le rythme avec les sons de sa gorge : untz untz untz untz, NDLR), qui s’est plus tard transformé en house. Mais la house dance n’est pas reconnue. Les gens qui écoutent de la house ne savent pas forcément que la house dance existe. En club, le public fait des mouvements minuscules. Mais certains house dancers allaient au Queens à l’époque. Aujourd’hui, certains vont au Rex, à Concrete, au Djoon. Il n’y a pas vraiment de communion entre les DJ’s house et les danseurs house. Les mondes sont parallèles, ils se côtoient, mais ne rencontrent pas.
Pourquoi selon toi ?
Ce n’est pas le même public. Les danseurs font parfois chier ceux qui écoutent la musique et qui veulent avoir de l’espace. Ceux qui écoutent la musique et qui renversent leur verre sur la piste de danse font chier les danseurs. Mais c’est aussi parce que les DJ’s ne sont pas nécessairement des DJ’s qui connaissent la danse. Il y a quelques soirées seulement qui attirent les house dancers. Parce que les DJs ne connaissent pas la danse, et ne mixeront pas de manière à ce que les danseurs dansent.
Tu ne vois pas une solution pour réintégrer la danse en club ?
La danse a toujours été en club. Mais je pense qu’il faut que les gens viennent prendre des cours de danse, qu’ils se familiarisent avec la house dance, dans les écoles. Certains house dancers vont dans les clubs, d’autres jamais. Et les curieux ont envie de découvrir la danse. Donc bien sûr que les curieux et les amoureux de danse se rencontrent.
Tu aimes danser sur de la house ?
Je détestais la house il y a vingt ans. Mais, par la force des choses, cette musique est entrée en moi, dans mon métabolisme, et je n’ai pas pu m’empêcher de bouger sur des sons house. C’est super entrainant. Il y a des musiques house que j’affectionne moins que d’autres, mais honnêtement, j’ai du mal à rester assis quand j’entends de la house. Quand c’est arrivé en France, au début, ça a été un choc, parce que j’étais dans le hip-hop. Il m’a fallu un temps d’adaptation pour comprendre cette musique.
Quel genre de mouvements génère-t-elle, du coup ?
Je ne suis pas house dancer. Je suis plus popping. Mais la house créée un mélange de danses bebop, de danses africaines, de hip-hop, de claquettes. Plein de styles différents, c’est super riche. Il y a des codes bien précis par contre, mais c’est génial.
House Final – Juste Debout 2014
Parle-moi des projets de Juste Debout, de ce qui a été accompli jusqu’ici.
Cette année, on lance le Juste Debout 4.0, parce qu’on fête nos 16 ans. On a créé une application – pour remercier les 500 premiers spectateurs à Bercy – qui donnera la possibilité, à un des membres du public, d’être juge. On a aussi mis en place un jeu qui s’appelle « Le Nouveau Juge ». C’est un jeu vidéo qui sera sur notre site juste-debout.com et qui permettra aux joueurs de comprendre comment on juge et on départage les danseurs. On postera des vidéos de danseurs qui font deux ou trois pas, et on posera des questions à choix multiples. On va aboutir sur un jeu-concours qui va durer une dizaine de minutes. De plus, on est sur un projet qui va permettre de faire connaitre davantage les danseurs. On réunira tous les évènements de danse majeurs en Europe (Hollande, Suisse, Allemagne…). Avec ces huit évènements, on fera un classement. Les danseurs collecteront des points, et les premiers décrocheront des shootings photo, de l’argent, etc. Pour Juste Debout, on veut créer une plateforme web – qu’on appellerait Juste Debout TV – sur laquelle il y aurait des émissions, des reportages, etc. On aimerait créer un show du type Cirque du Soleil, mais version danse. Au final, c’est quand même une success story, sans être prétentieux (rires) ! J’ai 3 bureaux, alors que je n’ai pas fait d’études. Je ne savais pas que j’allais devenir danseur professionnel. Aujourd’hui, on a 45 000 spectateurs lors des contest Juste Debout. C’est assez dingue, c’est génial. C’est fou, mais ça reste très dur. Ce n’est pas l’art le plus reconnu, la danse. C’est un art très ingrat, même si on l’aime.
La finale de Juste Debout se déroulera le 4 mars prochain, à l’AccorHotels Arena de Paris. Pour y assister, rendez-vous sur la billetterie de Juste Debout. Et pour ceux qui n’auront pas la chance de s’y rendre, les phases finales seront diffusées en live sur Red Bull TV et sur le page Facebook de Red Bull.