La playlist spéciale rave de Neil Landstrumm

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©DR
Le 17.03.2016, à 11h49
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Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©DR
Visionnaire et expérimentaliste, l’Écossais Neil Landstrumm est internationalement reconnu pour sa musique unique. Innovateur en matière de techno, le producteur explore la musique électronique depuis une vingtaine d’années. Il a à son compteur un grand nombre de sorties sur des labels tels que Peacefrog, Tresor et Planet Mu. Il a également travaillé en collaboration avec de nombreux artistes, dont Tobias Schmidt, sous le nom de Sugar Experiment Station, et Optimo’s JD Twitch, en adoptant le pseudonyme de Doubleheart. Pour savoir ce qui l’a inspiré à produire cette musique brute et déséquilibrée et histoire de patienter jusqu’à samedi — où il sera présent à la Machine du Moulin Rouge en compagnie de Surgeon et de Manni Dee —, découvrez les dix disques qui l’ont le plus influencé au début de sa carrière dans les années 90.
  • LFO – Frequencies (Warp Records, 1991)

C’est un excellent album, à écouter d’une traite, ce qui est rare pour de la techno car il est difficile de composer un album cohérent et propre avec ce style de musique. Cet LP est une référence concernant les sonorités techno anglaises à suivre. L’usage du synthétiseur y est abouti, avec une large variation de la texture, des lignes de basse et des bips un peu partout. Il est suivi de l’album A Word on Science, de Nightmare on Wax, également sorti sur Warp.

Leeds et Sheffield étaient les “place to be” pour les influences qui y étaient rassemblées dans les années 80. LFO a exploré le panel de sonorités d’acier abstraites. Mixé avec une basse subsonique, c’est ce qui a défini le sound de “Northern Rave” de Sheffield, Leeds et également Bardford (Unique 3).

Le premier album de LFO est rempli d’espoir, de positivité et influencé par des visions de science-fiction, qui rappellent la sinistre réalité que beaucoup d’Anglais vivaient au début des années 90. Lorsque que j’ai entendu le morceau “LFO” de LFO pour la première fois, lors d’un concert à l’Happy Mondays à Glasgow quand j’étais âgé de 16 ans, j’ai été stupéfait. Je n’avais jamais vraiment senti les basses comme ça et cela m’a marqué. C’est un track assez simple, mais les meilleurs le sont toujours.

  • Altern 8 – The Vertigo (Network Records, 1991)

Je me rappelle très bien avoir acheté l’édition limitée en argent de ce 12” à HMV quand j’avais 16 ans. Je l’avais découvert grâce au Dance Show de Normski à la télévision, et je m’étais donné comme mission d’aller chercher une copie à Edinbourgh le jour d’après. J’avais été pris par l’époustouflante énergie de la musique ainsi que par la tenue de Biohazard. Tout cela m’a paru bien plus fun que la musique indie qui dominait à l’époque. Cet album représente, selon moi, les caractéristiques sonores de la rave anglaise. 

  • DBX – Losing Control (Peacefrog Records, 1994)

Cet album est sorti en 1994. Son impact a été énorme et a changé, à mon avis, la direction de la techno. Daniel Bell était plus branché instrumental et rave dans beaucoup de ses disques précédents.

La beauté de “Losing Control” réside dans sa simplicité et l’utilisation de filtres et d’effets, qui créent cette construction subtile et des vocals hypnotiques et groovy. Vous pouvez vraiment sentir Dan Bell travailler. La production prend une autre dimension avec cette basse subsonique et explosive, le tout se mélangeant à des vocals filtrés. Cela donne un morceau assez planant. C’est un disque à mixer avec d’autres, mais aussi à écouter tout seul. C’est un véritable outil pour les DJ’s.

L’approche est très analogique et les lignes de synthé ascendantes : les danseurs sont carrément obligés de s’agenouiller. Vous pourriez le mixer avec n’importe quoi et vous obtiendrez l’album techno de l’année. Il y avait aussi ce son hyper compressé et funky dans les autres morceaux, ce qui était unique à cette époque.

Pour être tout à fait honnête, j’ai assimilé le style de DBX pour ensuite créer le mien, plus dur, plus bizarre et plus ouvert pour mes sorties sur Peacefrog. J’aime le style typiquement originaire de Chicago de Dancemania, Trax et Relief. Le travail de Daniel Bell a fait le pont avec Detroit.

  •  F.U.S.E. (Further Underground Sound Experiments) – Substance Abuse (Plus 8, 1991)

Un morceau pétillant et acid de Richie Hawtin, à l’époque où il savait encore faire une musique puissante et couillue. Un maître du genre, avec Cybersonik-Technarchy (avec DBX) et son projet solo, “F.U.S.E.”. On entend une voix qui crie “Overdose ! Overdose !” et ça s’imbrique parfaitement dans la pluie de ce son acid. Ce fût un gros tube en Écosse, pendant les soirées du Pure Club et dans les raves en Angleterre. Ces basses sub et ces montées d’acid, ça donnait un vrai tournant dans la soirée, on savait que ça allait être plus dark.

Selon moi c’est l’un des tracks les plus caractéristiques du genre acid, qui a developpé un nouveau monde techno-rave, hérité de l’acid house de la fin des années 80. C’est un peu la réponse de Ritchi Hawtin’s à Beltram’s Energy Flash. Ils ont une attitude similaire : l’espace et l’obscurité, spécialement dans les vocal drops, une “overdose” plus qu’une “extase”. Définitivement l’un des premiers tracks que j’ai entendu qui sonnait de la sorte, intense sans pour autant que l’on soit sous substances. Un track acid qui a résisté au temps.

  • Leo Anibaldi – Noie Generation (ACV Records, 1991)

J’ai acheté cet album lors de l’une de mes premières visites dans un magasin de disques à Edinbourg, qui était spécialisé dans la musique dance. J’avais 16 ans et j’étais déjà conquis par l’acid house que j’avais entendue dans certains lieux où je sortais ou à la radio.

J’ai acheté cet album uniquement pour le design du label. On ne pouvait pas écouter les disques avant de les acheter. La dessin en noir et blanc avec la flèche en-dessous était un design simple, propre et puissant. De plus, le nom de Leo Anibaldi était exotique et le label était Rome. C’était vendu.

L’A1, “Noise Generation”, est extrêmement sombre et lourd, avec des basse atonales, des tambours métalliques, des cliquetis industriels, des synthés fantomatiques et des mélodies de cloche d’église. Il n’y a rien de gai, d’amusant ou d’euphorique là-dedans. C’est de la grosse basse techno-rave pour la nouvelle lost-generation. Je l’ai aimé. L’A3, “Rythm”, est la piste qui m’a influencé pour le style de mon premier album chez Peacefrog, “Brown by August”. C’est une répétition minimale qui provoque une dépendance. Toujours la même sonorité encore et encore, sans qu’on ne puisse l’ignorer. Simple, “Chicago-esque”, mais efficace.

La B1, Bassbar est le type de track représentatif du début du hardcore anglais, même s’il a été composé à Rome. C’est un track avec de l’acid bass, une basse synthétique profonde et un breakbeat très lourd. Sombre et proto-jungle… pas mal pour 1991. La B3 est un stomper d’un acid mis au point, sans exagération. Exactement la manière dont j’aime l’acid : pointu, avec des mélodies sanglantes qui vous prennent et transcendent l’expérience de la danse à un tout autre niveau.

Je n’ai malheureusement jamais rencontré Leo Anibaldi, même si j’aurais pu lorsqu’il a emmenagé à Brighton. J’ai posé des questions à son sujet à différents Italiens, mais il semble avoir un caractère assez sombre, jamais trop “dans la scène”, même s’il a été présent à Rome quelques années. Cet album m’est cher et m’a éduqué au monde atonal, sombre et imprévisible de la techno. J’aimerais vraiment savoir ce à quoi il pensait ou ce qu’il écoutait à l’époque où il a composé le disque, car cet EP a une réelle variété de styles et se démarque encore actuellement de la majorités des sorties techno. Leo Anibaldi, je vous salue !

  • Robert Armani- Ambulance (Dance Mania, 1991)

Lorsque j’ai écouté cet album pour la première fois, ça a fait exploser mon esprit. Brute, funky, dur, discordant, simple et très hypnotique. Le fait que ce disque était une importation spéciale originaire de Chicago l’a rendu encore plus exotique. 

Les tracks “Ambulance” et “Invasion” — encore plus marquant — marquent son style. Ces deux morceaux combinés à d’autres styles m’ont inspiré la création d’une musique plus effrontée. Vous pouvez entendre la façon dont il utilise les notes sur le TR-909. Dur, franc et funk.

Je n’ai jamais rencontré Robert Armani mais j’ai toujours espéré le croiser un jour. J’aimerais boire un cognac Hennessy avec lui et porter un toast à ses productions techno.

  • The Ragga Twins – Hooligan 69 (Shut Up and Dance, 1990)

Je pense que c’est le premier album qui a mis en lumière les fusions possibles en Angleterre entre les différentes cultures au sein de l’acid house et de la rave. Assez expérimental dans sa nature, il a montré le pouvoir du sampler Akai sur le rythme. Pour moi, les contributions de Shup Up et de Dance à la scène ont joué un rôle central dans ce qui est venu après, avec les mouvements jungle, garage, dubstep, grime, etc. Influents pour toute une génération de producteurs, ils ont ouvert la voie à l’hybridation de la musique et à l’utilisation de samples inhabituels. Vous pouvez entendre la culture du soundsystem briller à travers ce 12”, fier de ses racines reggae et dub.

  • Dopplereffekt – Fascist State (Dataphysix Engineering, 1995)

Ce disque a revigoré le son électro dans la moitié des année 90 et l’a rendu, à nouveau, très en vogue. Beaucoup de producteurs ont essayé de copier Dopplereffekt, mais ils ne sont pas arrivés à la même qualité de production, de design et de manière d’écrire. Des mélodies novatrices, addictives et un bon sens de l’humour. L’électronique de Détroit à son paroxysme : jamais dépassé.

  • Major Mal’fun’ctions – Magic Moments (D-Jax Up Beats, 1991)

Des douze tracks de l’A2, “Night Sounds” est celui qui le fait le plus pour moi. Sa ligne de basse DX est enivrante et hypnotique. Une piste qui ajoute de l’acid dans la techno, typique des records de D-jax de cette ère. À cette époque, vous ne saviez jamais à quoi vous attendre, car dans les boutiques de disques, on achetait en fonction de la pochette. J’ai aimé les noms et le design des 12″, qui participaient à la mystique de la pochette. J’ai acheté la plupart des sorties de D-jax jusqu’à 1995-1996, mais à ce moment-là, je ne suivais pas vraiment ce qui sortait. Pour moi, D-jax était un des labels technos les plus intéressants du début au milieu des années 1990, notamment sur Chicago et l’acid hollandais, qui paraissait vraiment fou à l’époque.

  • Underground Resistance – Revolution For Change LP – Network Records, 1992

C’est une complitation anglaise qui joue le rôle d’entremetteuse entre moi et le monde sombre et lourd d’Underground Resistance. Le disque reprend presque tous les meilleurs morceaux qui sont sortis depuis les débuts du labels: “Sonic Destroyer”, “Punisher”, “Riot”, “Eye of the Storm”… tous les tracks avec un message politique fort en somme. Asseyez-vous et prenez note, on ne rigole pas avec Underground Resistance. La compilation présente Mill, Hood et Banks avant qu’ils ne se séparent pour lancer leur carrière solo.

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