L’étude démontre que 48% des Britanniques interrogés, ayant acheté un vinyle dans les 30 derniers jours, ont avoué ne pas l’avoir encore écouté. Toujours selon les chiffres de ICM Unlimited, 41% d’entre eux possèdent une platine mais ne l’utilisent pas. Reste 7% du panel qui achètent des vinyles mais n’ont pas de platine pour les écouter.
Sous ce graphique, l’article de la BBC rajoute quelques citations de Jordan, étudiant de Manchester, qui pourraient démontrer une partie de l’explication de ce phénomène : “J’ai des vinyles dans ma chambre mais ils font plutôt partie de la décoration. Je ne les joue pas. Ça me donne une vibe old-school. C’est ça l’utilité du vinyle.”
Du côté des disquaires parisiens que nous avons questionnés, ces chiffres ne symbolisent pas la réalité du public qui fréquente leurs magasins.
À La Source, disquaire majoritairement électronique du Xe arrondissement de Paris, on est formel : “Nos clients sont des habitués, ils ont une exigence dans leurs recherches, bien entendu qu’ils ont une platine et écoutent ce qu’ils achètent.” Même son de cloche pour Franck, de la boutique Ground Zero, celle-ci musicalement plus éclectique : “Peut-être que c’est le cas de certains jeunes, oui, qui vont acheter le vinyle pour l’objet, mais les autres sont des habitués, ils écoutent leurs disques.”
Mazen, du magasin Techno Import à Bastille, estime que ce phénomène concerne peut-être les musiques plus commerciales mais pas les musiques électroniques, dont son enseigne est spécialisée : “C’est un milieu plus confidentiel. Je me souviens que mon ex-femme avait acheté un disque de rock pour le plaisir de l’objet, l’aspect visuel, décoratif. En ce qui concerne les clients du magasin, ce sont des habitués, ils achètent et écoutent leurs disques.”
Y a-t-il une exception anglaise qui voudrait que l’on achète des vinyles pour les laisser au placard ou seulement exposer leurs jolies pochettes sur la cheminée ?
À en croire Maxime, de Born Bad Record, c’est surtout le lieu d’achat qui définit les pratiques. “Les gens qui vont à la Fnac par exemple, savent exactement ce qu’ils veulent et il est possible que ce soit avant tout l’objet qu’ils recherchent. Chez nous les disquaires, les gens, même s’il peut y avoir des collectionneurs, viennent chiner, se laisser guider vers la découverte, appartenir à une communauté. Il y a une démarche dans le fait d’aller chez un disquaire. Je pense que ceux qui achètent sans écouter sont des fétichistes de grands classiques et ils vont plutôt les acheter à la Fnac ou à Gibert.”
L’étude relaie aussi une autre forme d’habitude d’acheteur, apportant un éclairage supplémentaire à ce phénomène. En effet, certains acheteurs prennent le parti d’acheter l’objet vinyle dans un but artistique, une façon de soutenir leurs artistes favoris, comme un symbole de respect du travail du producteur. C’est le cas d’Helena, 18 ans, de Kingston : “Je pense qu’il est important de soutenir financièrement un artiste si on en a les moyens.”
Enfin, selon la BBC, qu’ils posent ou non le disque sur la platine après avoir obtenu la pépite recherchée, 50% des consommateurs se définissent comme des “collectionneurs”, élevant le vinyle au rang d’objet à part entière, fantasme d’un glorieux passé du sillon.