La légende du breakbeat hardcore The DJ Producer envoie 1h de mix de boucher

Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Luke McMillan
Le 07.03.2017, à 16h32
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©Luke McMillan
Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Luke McMillan
Il est l’un des pionniers de la scène hardcore britannique : voilà près d’un quart de siècle que The DJ Producer assène sa musique brutale et dangereuse, en set comme sur les releases de son propre label Rebelscum ou sur Psychik Genocide, la division d’Audiogenic portée par DJ Radium. Bercé par le breakbeat et la house de Frankie Bones, Luke McMillan de son vrai nom scratche comme il respire. Collaborateur occasionnel de Manu le Malin – on a pu le voir intervenir dans le récent documentaire consacré à ce dernier –, le gaillard fait du sale avec soin : un toucher subtil pour un son sans pitié.

En amont de sa venue à la soirée Born to Rave, aux côtés de Black Sun Empire, Le Bask et Maissouille, le 1er avril à la Laiterie de Strasbourg, The DJ Producer livre un mix exclusif d’une heure et revient pour Trax sur son parcours, sa conception du DJing et l’évolution de la scène hardcore.

Commençons par ton mix, comment a-t-il été enregistré ?

Pour tout dire, j’ai créé ce mix en utilisant Ableton Live. Ça peut paraître contradictoire pour un DJ qui est censé mixer sur CDJ ou vinyle… J’utilise ce software pour mes sets live. J’aime avoir la possibilité de manipuler les sons à ma guise, et Ableton me permet d’éditer facilement les tracks, un peu comme s’il s’agissait de vieilles bandes magnétiques. Je pourrais bien sûr mixer de manière traditionnelle, track par track, mais c’est quelque chose que je préfère faire devant un public.

Quelle est l’idée derrière ce mix, ressemble-t-il à ce que tu joues en club ?

J’ai sélectionné des tracks très pêchus, viscéraux, chargés d’émotion et de violence sonique. Le BPM augmente progressivement sur une heure, et oui, cela ressemble beaucoup à mes DJ sets.

Tu es présent sur la scène hardcore depuis une bonne vingtaine d’années ; qu’est-ce que t’y a attiré à l’époque, et y retrouves-tu toujours ces choses aujourd’hui ?

J’ai commencé à mixer de manière professionnelle en 1992, mais je scratchais dans ma chambre depuis 1987, donc ça fait plutôt 30 ans… Mes racines, ce sont vraiment la house et la techno. J’ai suivi des labels de techno de plus en plus dure, et progressivement j’ai adhéré au hardcore, au moment de sa création. La scène a beaucoup changé, mais deux choses sont constantes : il y a des DJ’s, et des soirées où les DJ’s peuvent jouer.

Et toi, tu as changé ?

Pas tant que ça, je suis juste plus vieux et (je l’espère) un peu plus sage.

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Tu as enregistré il y a deux ans un mix en hommage à Frankie Bones, l’un des architectes de la house music new-yorkaise. C’est un DJ qui t’a beaucoup inspiré ?

C’est l’un des premiers DJ’s que j’ai vus mixer de la house et de la techno avec une grosse technique breakbeat, ça m’a profondément marqué. Il faisait des cut-ups de DJ hip-hop, c’était presque comme s’il remixait les tracks en live avec ses platines – ça a littéralement été mon “manuel du DJing”, et j’ai appliqué ces mêmes recettes sous la bannière de la techno hardcore.

Est-ce que tu as produit d’autres styles que du hardcore ?

Je produis de la techno sous mon vrai nom, Luke McMillan. Ça fait quelques années que je ne m’y suis pas mis, mais je sens que ça revient.

La scène hardcore française a été un temps très hostile à la techno – même des DJ’s très respectés comme Manu le Malin étaient critiqués lorsqu’ils en jouaient. As-tu constaté la même chose au Royaume-Uni ?

Jamais. Pour moi les choses ont été claires dès le début : j’ai commencé comme DJ de techno au début des années 90, le public y était habitué. Même à la fin des années 90, lors des grandes raves de Helter Skelter, je jouais de la techno sous mon alias actuel. Quelques hardcore kids étaient un peu étonnés, “ah tu joues de la techno ce soir ?“, mais personne ne s’y est jamais montré hostile… C’est sûrement parce qu’à la fin de ces sets, le public était autant déchaîné lorsque je jouais de la house que du core.

ma manière de mixer est très physique, je bouge beaucoup car j’ai besoin d’interagir pleinement avec les machines.

Tu mélanges toujours différents genres dans tes sets ?

La techno et le hardcore se sont éloignés aujourd’hui, je ne m’aventurerais plus à mixer les deux dans un même set. Mais il y a tellement de sous-genres dans le hardcore que je peux toujours m’adapter à l’ambiance et au public.

Le 1er avril prochain, tu joueras à la soirée Born to Rave, à la Laiterie de Strasbourg. Est-ce que tu mixes différemment selon que tu te produises en rave ou en club ?

Je me donne comme un animal, même s’il n’y a que 50 personnes dans la salle – je ne change pas mon “style” en fonction des lieux, je ne suis pas précieux. Il faut proposer un show à son public, quelle que soit sa taille. De toute façon, au Royaume-Uni, la plupart des raves ont disparu au début des années 2000, donc nous avons l’habitude de jouer en club !

En free party, la scène est parfois organisée de manière à ce que le DJ ne soit pas visible du public. Est-ce que ça n’est pas contradictoire avec cette idée de donner un show ?

Je ne joue pas trop en free party, donc je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Lorsque je joue, je veux vraiment que les gens aient une expérience mémorable. Je pense que ma manière de mixer est très physique, je bouge beaucoup car j’ai besoin d’interagir pleinement avec les machines. J’ai remarqué que cela fascinait le public, et ça me donne en retour un contrôle sur la manière dont celui-ci va bouger… C’est difficile à expliquer, c’est une sorte d’échange d’énergie, une énergie spontanée. Le public absorbe ça, et j’en deviens d’autant plus fou… Enfin bref.

Tu penses que cet art du DJing en a pris un coup avec l’arrivée des CDJ et les avancées technologiques ? À l’époque du vinyle, il fallait beaucoup s’investir avant de seulement pouvoir caler deux morceaux.

J’entends souvent des gens me dire ça, “oh avec tous ces trucs digitaux, l’art du DJing est mort“. C’est des conneries. Certes, le digital a rendu les choses plus simples, et fait naître un tas de DJ’s génériques, qui n’interagissent pas… Oui, ça peut être ennuyeux, mais l’essentiel, c’est ce que tu fais de la technologie. Et moi, je choisis de ne PAS en faire quelque chose de stérile et d’ennuyeux, je transpose les techniques de mix que j’ai acquises sur platine. À vrai dire, je suis content que ces DJ’s insipides existent, ça ne fait que me mettre en valeur.

Tu as également beaucoup produit tout au long de ta carrière, avec une centaine de releases à ton actif. Comment fait-on pour se renouveler, toujours proposer quelque chose de neuf ?

L’essentiel, c’est de raconter une histoire. C’est à ça que sert la musique. Il y a un million de “drumtracks” dans la nature, des outils pour DJ, mais lorsque je suis en studio, j’aime travailler autour d’un concept. Il faut que j’aie une “clé”, un sample ou une mélodie à partir duquel je peux dérouler une histoire. Ma seule règle, c’est de ne jamais me forcer à être créatif. Il faut que j’aie une idée forte. Je ne suis pas une machine, et je ne fais pas du bruit juste pour faire du bruit… Enfin, je vous laisse être juge de cela 🙂

Tracklist :

1. THE DJ PRODUCER – TAKE OVER THE WORLD – THE THIRD MOVEMENT
2. OPHIDIAN – LOVE IS DIGITAL
3. STROBCORE – THE VOID – INDUSTRIAL STRENGTH
4. THE DJ PRODUCER – DOWNSIDE UP – THE THIRD MOVEMENT
5. {KRTM} – GUY PN ROPE LAUGHING OUT LOUD – PRSPCT XTRM
6. DJIPE – THE DAILY GRIND – THE THIRD MOVEMENT
7. PENTA – BASSDROP
8. DEATHMACHINE – SICKBASS VIP
9. DJIPE – EMOTIONLESS ON REQUEST
10. THE DJ PRODUCER – RHYTHM’S A DRUG – THE THIRD MOVEMENT
11. SATAN – MEAT – PRSPCT XTRM
12. THE SPEED FREAK – TIME IS BLEEDING (THE DJ PRODUCER REMIX) – AUDIOGENIC
13. DEATHMACHINE – OUR DREAMS
14. HELLFISH – BETRAYER 2017 – DEATHCHANT
15. IGNEON SYSTEM & N-VITRAL – JUMP THE FUCK UP (INNOMINATE REMIX) – HERESY
16. SEII2URE & DETEST – FREE YOUR MIND – FOOTWORX
17. THE DJ PRODUCER – FEEL YOU NOW – THE THIRD MOVEMENT
18. XATURATE – KAKAROT – MOTORMOUTH
19. HELLFISH – BODY HARVEST (THE 2017 CROP)

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