La grande histoire de la banane, ce sac ringard devenu incontournable en soirées

Écrit par Emma Buoncristiani
Photo de couverture : ©Virgile Gesbert
Le 20.08.2020, à 17h00
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©Virgile Gesbert
Écrit par Emma Buoncristiani
Photo de couverture : ©Virgile Gesbert
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Longtemps considéré comme un accessoire de randonneur, le sac banane se porte désormais sur toutes les tailles. Sur les podiums, dans les clips de rap ou sur les dancefloors, il est devenu l’accessoire unisexe indispensable, qu’il soit en cuir, à paillettes, à poils ou tout simplement en nylon. Du camping des années 80 aux open air d’aujourd’hui, voici l’histoire du it bag de notre génération.

Arnaché à la taille ou porté en bandoulière, le sac banane — ou “waist pack” — est devenu l’accessoire tendance des dernières années. Des icônes rap aux raveurs en passant par les grandes stars hollywoodiennes, l’accessoire autrefois prisé des promeneurs est désormais incontournable. Pour sa praticité, oui, mais pas que…

Mais d’où vient-elle ?

L’origine de la banane est contestée. Ötzi — la plus vieille momie du monde, découverte en Italie — en possédait déjà une en 3300 av. J.-C. L’accessoire, un petit sac confectionné en peau de chèvre, lui servait à conserver de petits objets. En Amérique, les Comanches et les Apaches concevaient également de petites besaces en peau de bison, comme l’a rapporté l’ethnologue Edward Curtis sur ses photos prises en 1907. À la même période, les holsters des cow-boy n’étaient en réalité rien d’autre que des sac bananes dédiés à accueillir un pistolet.

Des sportifs aux fluokids

Il faut attendre l’année 1954, et un article dans la revue Sport Illustrated pour retrouver la mention “fanny pack”, littéralement “sac fesse” — terme qui allait jusqu’à nos jours désigner le sac banane aux États-Unis. L’accessoire est ainsi baptisé parce qu’il est porté dans le dos par les skieurs pour éviter la gêne lors de la pratique sportive. Mais le vrai top départ de la banane en tant qu’accessoire grand public est donné dans les années 80. Vêtements fluos, matières techniques et tutti quanti : « C’est la décennie du sportswear », résume Mélody Thomas, journaliste mode pour Marie Claire, afin d’expliquer le succès de ces petits sacs : « La banane est un accessoire pensé pour les sportifs de haut niveau qui est progressivement adopté par des personnes “lambda” ». Elle intègre la culture populaire et l’on retrouve des bananes sur grand écran, comme dans Do the right thing (1989) de Spike Lee, ou autour de la taille de Will Smith dans le Prince de Bel Air.

À la pêche aux moules

Le passage au siècle suivant marque un changement radical : la banane tombe au rang des accessoires ringards, bonne pour la grand-tante qui part en randonnée ou la grand mère qui s’attèle à la pêche aux moules. « Le côté fluo ne marchait plus dans les années 2000 alors que la mode était plus minimaliste », affirme Mélody Thomas. « C’est aussi les années un peu “bling”, les gens voulaient être vu avec des pièces très chères ». Plus de place pour ce sac pourtant si fonctionnel. Dénué de toute élégance, l’accessoire devient celui des touristes et autres boulistes.

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Banane Gucci x Coco Captain
©D.R.

Come-back du vintage

Il faut attendre les années 2010 pour voir revenir la banane sur le devant de la scène. Plus particulièrement « en 2017 et 2018, où la mode fait face à un phénomène de retour vers les années 80 et 90 », retrace Mélody. « Des designers comme Gucci, Prada ou Louis Vuitton ont commencé à refaire des sacs banane ». Le vintage est cool. Et le sac banane est vintage. L’équation est simple. Inspirée des eighties, la banane a été « détournée pour en faire un objet esthétique », ajoute-t-elle. « On approche de quelque chose de plus contemporain, avec par exemple les “maxi pouch” — d’énormes bananes —, ou des mini sacs en cuire qui tiennent sur une petite chaîne : l’accessoire est pratique et surtout instagrammable ».

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©D.R.

Culture rave et queer

En tant qu’accessoire vintage, la banane s’est retrouvée dans la garde robe des ravers, éternels nostalgiques des 90s. « C’est un accessoire qui n’est pas encore considéré comme un véritable sac » affirme Mélody. D’où sa popularité lors de soirées en club ou en discothèque : plus besoin de vestiaire, la banane passe partout ! Et comme ce n’est pas vraiment un sac, elle est mixte. « Lorsqu’elle est revenue à la fin des années 2010, la question des accessoires non-genrés se posait, rejoignant les questionnements queer. » Et la communauté queer l’avait d’ailleurs adopté depuis les années 70, période pendant laquelle les mouvements lesbiennes féministes adoptent un style et une démarche “anti-mode”, qui privilégie le côté pratique à l’esthétique.

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Teki Latex et sa banane Ralph Lauren
©D.R.

Rap et streetwear de luxe

La banane est également un symbole dans la culture rap et streetwear. Au tournant des années 1990, le rap est en pleine ascension culturelle. C’est l’époque des b-boys et des breakdancers. Pour réaliser leurs performances, ils leur faut des tenues adéquat. Ils adoptent des survêtements de marque comme Adidas, Nike ou Lacoste, et des sacs banane pour les accompagner. Lacoste est d’ailleurs une des marques les plus plébiscitées. Symbole du luxe et de l’élégance à la française et plutôt associé à Neuilly-Sur-Seine qu’aux quartier populaires, la marque très populaire dans les cités se refuse longtemps à reconnaître son succès urbain. Le groupe Ärsenik, arboraient pourtant fièrement l’écusson croco dans leurs clips. Arrive ensuite une période de désamour pour l’accessoire et les grandes marques pendant près d’une décennie — des années 2000 à nos jours.

« C’est revenu, comme tout le reste, grâce aux quartiers », rappelle le DJ et rappeur Teki Latex. « Pratique pour mettre ta carte de transport, un peu de monnaie, des feuilles à rouler et les substances de ton choix ». Obsédé par les vêtements techniques, Teki Latex a toujours cru en la banane : « Elle n’a jamais été démodée, pour les vrais ! ». Elle fait donc son grand retour dans l’univers du streetwear dans les années 2010, à condition d’être produite par des marques de luxe ou bénéficiant d’une crédibilité rap, comme Sergio Tacchini. « C’est aussi une manière d’affirmer une appartenance à une communauté stylistique », explique Mélody Thomas. Et les grandes marques commencent à jouer le jeu : en mars 2017, Lacoste collabore avec la marque Supreme et deux ans après avec le rappeur Moha la Squale. Plutôt porté en bandoulière aujourd’hui, « le waist pack est un accessoire ultra pratique qui complète bien une panoplie “techwear” dans laquelle il n’y a jamais assez de lanières, de straps, de boucles de ceintures, de poches et de zips », conclut Teki Latex.

Bientôt à nouveau au placard ?

Accessoire has been redevenu à la mode, la banane n’a pas l’air de vouloir repartir de si vite au fond des placards. Pour Mélody Thomas, « le hasbeen est mort : la mode en ce moment, c’est le mélange de pleins d’époques différentes ». Il ne reste plus qu’à observer ce qu’elle deviendra, mais elle devrait en tout cas continuer à suivre au moins les ravers, et tous ceux qui ne veulent pas payer le vestiaire à l’entrée du club.

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