La drum’n’bass peut-elle reconquérir la France ?

Écrit par Trax Magazine
Le 13.06.2016, à 13h46
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Dans le dernier rapport de l’IMS, on a découvert que la drum’n’bass était le genre qui avait le plus progressé dans les charts Beatport depuis 2014. Ce renouveau est également ressenti par les acteurs du mouvement en France. Etat des lieux avec quatre interlocuteurs de choix, Elisa Do Brasil, DJ Le Lutin, Jérémy Otari et McFly.Par Olivier Pernot

« On vit un nouvel âge d’or de la drum’n’bass en France ! », s’enthousiasme le DJ McFly, un des membres du crew DNB France. « Depuis deux ans, il y a énormément de maxis qui sortent, des soirées partout et qui font le plein. » Ce que confirment des DJ’s comme Le Lutin ou Elisa Do Brasil, qui ont vécu ce premier âge d’or entre 2000 et 2005. « J’aime vraiment ce qui se passe en ce moment, confie Elisa. Il y a une nouvelle génération qui arrive et plein de disques intéressants à écouter et à mixer. » Le Lutin est tout aussi emballé : « Le niveau de production est super bon actuellement. Depuis quelque temps, la drum’n’bass est complètement repartie en France, comme au début des années 2000 où ça cartonnait grave. Mais attention, ça reste une musique underground ! ».

Arrivée d’Angleterre dans le courant des années 1990, la jungle, puis la drum’n’bass ont toujours vécu en France dans une relative clandestinité : elles ont été bien moins médiatisées que la house (la musique des clubs), la techno (la musiques des raves) ou le hardcore (la musique des free parties). « La drum’n’bass est une musique clivante, qui n’est pas pour tout le monde », commente Jérémy Otari, du collectif label Exploration Music. « Elle est pleine d’énergie et peut être sombre. C’est comme le grunge avec Nirvana. La drum’n’bass, c’est notre Nirvana à nous ! Elle nous fait tout péter dans la tête ! » Le public français a eu du mal parfois à s’accommoder à ses rythmes saccadés. « C’est une musique un peu speed, difficile à danser », avance Elisa Do Brasil.

Musique complexe

« Pendant longtemps, l’eldorado du producteur français de drum’n’bass, c’était de signer sur des labels britanniques », commente McFly « Les Français ont cette tendance à se rabaisser par rapport aux Anglais. » Ce mélange d’admiration et de profond respect à l’égard de l’Angleterre, berceau du genre, a souvent freiné l’énergie frenchy. Jérémy Otari va plus loin : « La France ne s’est jamais complètement appropriée ce style contrairement à des pays comme les Pays-Bas, la Norvège ou la Russie. » Mais cela change, les Français font moins de complexes. Surtout la jeune génération, très en pointe sur les nouvelles façons de produire. « L’accès à la technologie est plus facile aujourd’hui qu’il y a vingt ans. Avec un ordinateur et des logiciels, on peut rapidement se mettre à faire de morceaux », se réjouit Le Lutin.

Mais la drum’n’bass reste quand même une musique complexe, difficile à produire. « C’est une musique rapide et il faut travailler entre les strates des rythmiques », analyse Jérémy Otari. « Il faut une excellente maîtrise technique pour s’attaquer à la drum’n’bass. C’est pour ça que c’est une musique qui intéresse les geeks. Tu peux faire plus facilement de la house en te basant sur des samples. Rapidement, ça sonne bien. » Un point de vue partagé par Le Lutin : « Dans la drum’n’bass, il y a peu d’espace entre les notes. Ce sont les meilleurs producteurs qui s’y attaquent. C’est aussi une musique qui est difficile à masteriser correctement et à faire sonner. »

Bulle dubstep

La difficulté technique a été un obstacle il y a dix ou vingt ans. Mais elle s’estompe aujourd’hui avec l’habileté de la jeune génération qui peut se servir pleinement de l’outil Internet. Que ce soit pour se faire rapidement une culture musicale et pour regarder des tutoriels qui permettent d’apprendre à faire sonner leurs lignes de basses ou construire des crépitements de drums.

D’autres facteurs ont freiné son développement en France. « La drum’n’bass a véhiculé pas mal de clichés », commente Jérémy Otari. « Surtout sur le look teufeurs/chépers/treillis des fans de cette musique. Aujourd’hui, il n’y a plus cette stigmatisation. » Dans le courant des années 2000, l’avènement du dubstep a aussi fait de l’ombre à la drum’n’bass. « Mais le dubstep a été une bulle, un effet de mode qui est passé », commente l’activiste d’Exploration Music. « Alors que l’engouement pour la drum’n’bass a toujours été constant. Même si elle reste une musique de niche. » Ce que confirme Le Lutin : « Quand le dubstep était là, la drum’n’bass n’avait pas disparu. Mais elle restait souterraine. »

Cet aspect underground est un caractère revendiqué de la scène drum’n’bass qui a toujours eu du mal à s’organiser dans l’Hexagone. Le peu de structures professionnelles (agences de booking, labels, événements forts) a longtemps été un autre frein. « Le problème en France, c’est que ça manque de labels », avance Jérémy Otari. « Il y a toujours eu des soirées et un public qui suit. Mais les soirées sont éphémères. Avec un label et la parution de disques, tu mets en valeur la scène. » Une analyse que partagent Le Lutin et Elisa Do Brasil. D’ailleurs ces deux anciens de la drum’n’bass française ont décidé de lancer chacun leur propre label dans les prochains mois. « On s’organise, on s’organise », commente Le Lutin, « Et bientôt, ce sont les Anglais qui vont venir nous chercher ! »

Collectifs passionnés

On peut d’ailleurs découvrir toute la vitalité de la drum’n’bass française en écoutant la compilation – gratuite – réalisée par DNB France. La trentaine de morceaux balaie un très large spectre de ses différents courants (neurofunk, liquid, hardstep, etc.). « La drum’n’bass est une musique riche et variée », se plaît à rappeler McFly. « Elle est influencée par plein de styles, du jazz au metal en passant par le reggae ou le funk. On est bien loin du “tapage de crâne” comme cette drum’n’bass qui est souvent proposée en soirée. »

La compilation French Plates 2016 s’impose comme un large panorama de cette scène hexagonale en plein renouveau. Avec des artistes à suivre comme Signs, le projet du Lutin, Mateba, The Clamps ou Nulpar (ce dernier n’est pas sur la compile mais plusieurs intervenants le citent). Cette initiative de DNB France, comme le site lui-même, apporte cette vue d’ensemble et cette cohésion qu’il manquait. « Le but du site est de fédérer cette scène, explique McFly. Car elle est très éparse, un peu sur tout le territoire, dans chaque ville, avec deux grands pôles à Paris et à Toulouse. » S’il y a encore peu d’événements marquants entièrement dédiés à la drum’n’bass, la vitalité de cette scène passe souvent par des collectifs ou des organisateurs passionnés comme Chwet Productions à Paris (responsable des gros events Jungle Juice ou Splash), Bass Jump à Grenoble ou Hard Bass Dealers à Lille. « Le dubstep a rafraîchi les sons de la drum’n’bass et, finalement, l’a relancée », conclut McFly. Et comme pour la techno, qui a enclenché depuis quelques années un nouveau cycle, la drum’n’bass revient au plus fort !

Elisa Do Brasil réalise aussi actuellement une compilation drum’n’bass pour le projet Artists In Action. Les junglists français peuvent lui envoyer des morceaux inédits à l’adresse suivante : junglistinaction@gmail.com

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