Jeff Mills : “Si on devait faire un film sur la scène techno de Detroit…”

Écrit par Trax Magazine
Le 09.08.2016, à 17h03
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Écrit par Trax Magazine
Pionnier de la techno de Detroit au sein d’Underground Resistance, puis avec son label Axis Records (qui fête ses 25 ans en 2017), Jeff Mills cumule les projets entre cinéma et musiques électroniques : sortie du film Man from Tomorrow de Jacqueline Caux, second volume du DVD The Exhibitionnist, carte blanche autour du septième art au Louvre… Plus qu’un simple DJ et producteur techno, un artiste à part entière et amoureux d’images.

Article paru dans TRAX#188 (décembre-janvier 2015/2016, spécial cinéma et musique électronique).

Interview réalisé par Smaël Bouaici et Sophia Salhi
Photos : Charles Nègre

Quel est ton premier souvenir de cinéma ?

À Detroit, il y avait pas mal de cinémas de quartier, dont un à quelques blocks de chez moi. J’étais un grand fan d’Alfred Hitchcock, des thrillers, des drames, de science-fiction évidemment. J’aimais bien les films d’horreur quand j’étais gamin, mais plus tant que ça. Une fois que tu comprends les effets spéciaux, ça n’a plus grand intérêt.

On te sait grand fan de 2001 : L’Odyssée de l’Espace.

Oui, c’est un de ces films qui te marquent à vie, qui parle à tout le monde par la façon dont il est écrit, sa fin ambiguë, la rareté des dialogues. Le minimalisme de ce film laisse plein de questions en suspens, et c’est ce qui fait qu’on peut l’apprécier à n’importe quelle époque.

Est-ce qu’il y a un film qui a lié la génération de musiciens techno de Detroit ?

Oui et même plusieurs. Quand tu es jeune, tu n’as pas d’argent, et pour obtenir des informations, il y a des passages obligés, le cinéma du quartier ou la boutique de comics du coin de la rue. La télévision aussi, les samedis après-midi pluvieux. On regardait tous les mêmes émissions. À Detroit, dans les années 70-80, le spectre des influences est assez limité. Il y avait Twilight Zone, Star Trek, Lost in Space… La radio aussi, on écoutait tous le même genre de musique. En grandissant, tu rencontres Juan Atkins, Derrick May ou Kevin Saunderson, et tu te rends compte que tu as les mêmes centres d’intérêt. Nous étions tous dans les comics, la science-fiction. Un peu prévisible mais bon…

« Le cinéma a un impact bien plus fort sur la vie que ce que les gens imaginent. »

Quelle est ta vision du cinéma en tant qu’art ? Le considères-tu comme une arme politique, le reflet de l’inconscient… ?

Je pense que les cinéastes savent que leurs films ont une portée éducative importante. Quand tu quittes l’université et que tu démarres ta vie professionnelle, tu as peu occasions de t’asseoir, d’écouter et de regarder quelque chose qui va t’apprendre des choses. Et le cinéma est le moyen principal pour apprendre des choses sur la vie en général. Certains scénarios t’inspirent, tu te demandes ce que tu ferais à la place du protagoniste de l’histoire. Le cinéma a un impact bien plus fort sur la vie que ce que les gens imaginent. Il y a toujours le bien et le mal, les héros, les méchants, et ce genre de choses façonnent la conscience du public. Parfois, ce n’est pas utilisé de la bonne manière. Parfois, un film impose des valeurs et des croyances au public. Donc le cinéma peut être dangereux. C’est pour ça qu’il est important que le public puisse savoir qui est derrière le film. Si c’est un fanatique religieux, par exemple, qui propage de fausses idées sur la création de l’homme. Il arrive que certains films imposent des valeurs malsaines aux spectateurs. Donc, il faudrait, pas réguler, mais expliquer qui est derrière le film. D’où l’importance de lire en parallèle. Oui, il faut lire les journaux pour garder le contact avec la réalité. Si tu te concentres uniquement sur le cinéma, tu peux perdre de vue la vérité. Une personne lambda a très peu d’occasions d’exprimer ce qu’elle pense. La plupart des jobs ne permettent pas de penser librement, d’exprimer ses pensées, tout du moins. C’est plus difficile. Donc le cinéma, le cinéma indépendant, peut constituer la voix, la vision d’une personne lambda.


Comment le cinéma a-t-il influencé ta musique ? Est-ce que certaines bandes originales t’ont marqué ?

Bien sûr. J’ai d’abord été attiré par les films, puis j’ai fait des recherches sur ceux que je préférais. Je me suis renseigné sur tous les aspects, qui a fait les costumes, les accessoires, le maquillage, Giorgio Armani et American Gigolo, Giorgio Moroder… Je me suis mis à disséquer les films dont j’étais fan. Quand tu es jeune et que tu ouvres cette fenêtre, tu te mets à rationaliser, à connecter tout ce que tu vois dans un film. Par exemple, la couleur argent me rappelle naturellement le cosmos, les combinaisons des spationautes. Ce n’était plus une couleur et ça me vient du cinéma.

Il y a un moment où tu as imaginé devenir cinéaste ?

Non, jamais. J’aime être un spectateur, assis à manger du pop-corn.

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Est-ce qu’il t’est déjà arrivé de regarder un film et d’être tellement pris par la musique que tu en oublies l’image ?

Oui, avec 2046 de Wong Kar Wai, un film asiatique très sombre, qui se passe dans le futur. La bande-son était plus intéressante que le film parce qu’elle était composée simultanément de musiques classique et électronique. C’était difficile à différencier. Et la qualité du son était impressionnante. Je me rappelle avoir joué le film sur mes enceintes juste pour la musique.

Dans une interview, à propos d’Underground Resistance, tu déclarais : “La musique que nous faisions au début des 90’s était basée sur ce que nous lisions.” Ça signifie que vous étiez très ouverts aux autres formes d’art. Est-ce que c’est quelque chose qui manque aux producteurs d’aujourd’hui, selon toi ?

Ce serait différent aujourd’hui parce que le monde a changé. À l’époque, Underground Resistance s’est surtout constitué en réaction aux majors de la musique et la façon dont elles affectaient les labels indépendants. Mike et moi avons tous deux eu de mauvaises expériences avec les majors, on a compris qu’il fallait tout redéfinir et ça impliquait un certain langage et une certaine vision. Mais maintenant, c’est différent. C’est difficile de juger la mentalité des autres.

C’est toujours une bonne chose de s’ouvrir aux autres formes d’art, non ?

Je ne sais pas, pas toujours.

Un musicien devrait rester concentré uniquement sur la musique ?

Certaines personnes n’ont pas besoin d’être libres ou ne veulent pas l’être. Elles veulent être comme les autres, s’intégrer, être confinées à une certaine façon d’être, parce que c’est plus facile.

« Collectivement, en tant qu’industrie, nous n’utilisons que 10 à 20 % des possibilités offertes par la musique électronique. C’est trop peu. »

C’est la différence entre producteur et artiste ?

Je ne crois pas qu’il y ait une façon de créer qui soit valable pour tout le monde. Pour ceux qui le veulent vraiment, oui, il faut s’ouvrir. Mais durant ma carrière, j’ai vu des gens qui ne savaient pas quoi faire de cette liberté. Par exemple, dans la musique électronique, tu es vraiment libre de composer ce que tu veux. Mais la plupart des producteurs ne le font pas. Ils répètent la même chose en permanence, sur un ordinateur, avec le même logiciel, et ça donne pratiquement le même morceau tout le temps. Ils étaient libres de créer ce qu’ils voulaient depuis le début, et ils ont décidé de ne pas utiliser cette liberté. Alors qu’il y a tellement de possibilités différentes au bout de leurs doigts, ils ne le font pas. Pourquoi ? Parce qu’il y a une certaine formule pour avoir du succès, et ils se disent que s’ils font ça 50 fois, ils deviendront populaires. Et ça marche.

Seth Troxler disait à peu près la même chose cet été dans le Trax #184. La musique électronique est le domaine musical le plus ouvert mais elle est sous-exploitée.

D’un point de vue professionnel, je pense que collectivement, en tant qu’industrie, nous n’utilisons que 10 à 20 % des possibilités offertes par la musique électronique. C’est trop peu. Quand je regarde mon logiciel, que je vois toutes les choses qui sont possibles, et que je compare avec la majorité de la musique qui est produite… Et ça, c’est le résultat d’avoir tellement de liberté que tu ne sais pas quoi en faire. Si tu mets un type dans une salle avec plein de claviers et de matériel, il va être troublé, et c’est valable pour la plupart des gens. Ils oublient qu’ils peuvent faire n’importe quelle musique. Il n’y a pas de façon correcte de composer de la musique. Conclusion : il y a des gens qui ne veulent pas utiliser la liberté qui leur est donnée.

« Il y a des conséquences quand on utilise sa liberté d’expression, surtout avec les standards assez bas de l’industrie du divertissement. Et la plupart des artistes ne sont pas prêts à le faire, par peur des répercussions. »

C’est valable aussi pour la liberté d’expression. La musique électronique devient un art muet.

Il y a des conséquences quand on utilise sa liberté d’expression, surtout avec les standards assez bas de l’industrie du divertissement. Et la plupart ne sont pas prêts à le faire, parce qu’ils ont peur de perdre quelque chose en s’exprimant et craignent les répercussions. Dans le passé, il y a des moments où nous aurions dû nous exprimer, mais on ne l’a pas fait, à cause d’une mauvaise compréhension de la réalité. On a délaissé certains aspects et c’est devenu une industrie qui essaye de créer l’idée que ses artistes sont des superstars, alors qu’ils ne font pas grand-chose en vérité (il glousse, ndlr). Tout est modelé autour du show-business et des formes les plus populaires de divertissement.

Tu étais à Detroit puis à Berlin juste après la chute du mur. Tu penses que les artistes, à cette époque, possédaient une conscience politique plus développée qu’aujourd’hui ?

Clairement. Et pas seulement à Detroit ou Berlin, partout dans le monde. Et le fait d’avoir tant de possibilités et de ressources a changé la mentalité des gens. Quand on avait moins de choses, on devait plus réfléchir, on pensait avant d’agir. Quand on a moins conscience de qui écoute ou qui est vraiment en train de te regarder, sans Instagram et cette possibilité de mesurer immédiatement l’audience, on était plus attentifs, plus prudents, et on se mettait moins de restrictions, parce qu’on ne savait pas ce qu’il y avait au bout de la chaîne. Quand tu faisais un disque, tu le donnais au distributeur, mais personne ne te disait ce qu’il allait en advenir, où il allait être vendu. Donc on était plus conscients ce qu’on faisait. Vu que le disque avait un impact sur nous, ça nous semblait évident qu’il fasse vibrer d’autres gens. Aujourd’hui, ce n’est plus vraiment le cas.

Quand tu composes de la musique pour film, comment procèdes-tu ?

Je regarde le film quatre ou cinq fois pour le mémoriser. Puis, je compose sans les images. Quand j’en ai assez fait, je rassemble les deux, pour voir si ça marche vraiment. Je regarde encore une fois le film pour vérifier que je n’ai rien manqué, et je continue ces allers-retours jusqu’à ce que je sois satisfait.

Tu ne composes jamais en direct devant le film ?

Ça m’est arrivé, mais je trouve plus intéressant de mémoriser le film, parce qu’en faisant ça, je trouve ma propre perspective. Ce n’est pas exactement ce que je vois, mais ce que je ressens à propos du film. Ça donne une meilleure production.

Est-ce que tu essaies d’effacer ta touche personnelle pour être plus en phase avec l’esprit de l’œuvre ?

Non, ce serait plutôt le contraire. J’essaie de discrètement introduire mon caractère, ma façon de voir les choses. C’est la liberté qu’offre le cinémix. Personne ne me dit que la bande-son doit être de tel ou tel genre. Par exemple, je viens de faire un cinémix pour Berlin, A Symphony of a Great City, un documentaire sur le Berlin de 1929. Je voulais créer la bande-son la plus minimale possible. Donc beaucoup de silence, d’air, utiliser les sons avec parcimonie, de façon stratégique. Je ne l’avais jamais fait et je voulais voir si je pouvais m’en sortir.

Pour la bande-son que tu as créée sur Metropolis, c’était une commande ?

Je l’ai d’abord fait de façon un peu illégale. J’avais une copie du film qui était en très mauvais état. Mais j’ai trouvé que ça donnait du caractère au film. C’est un film qui a été tourné dans l’obscurité, il y a beaucoup d’ombres, donc j’ai utilisé cet aspect, mais aussi les expressions faciales ou le climax, pour construire ma bande-son.

C’était le film parfait pour une bande-son techno ?

Il y en a d’autres qui marchent bien aussi. THX1138 de George Lucas, L’Âge de cristal de Wes Anderson, Mondwest avec Yul Brynner, Lifeboat ou Psychose d’Hitchcock, Mission to Mars également. Il y a beaucoup de films où je vois bien comment la musique électronique pourrait s’intégrer. Dans ces films, il y a certains passages vraiment bizarres, qui sont mis en musique par quelques notes et des cordes. C’est cool, mais ce serait encore plus étrange avec de la musique électronique.

Tu travailles avec un clavier ?

Oui, comme Oskar Sala, qui a fait la musique de Les Oiseaux. Pour mettre en musique une scène chaotique comme celle de l’attaque des oiseaux, il faut avoir quelque chose sous la main. Il a créé ces sons de synthé hyper étranges avec son synthé (le Trautonium, ndlr).

Tu as sorti à la rentrée le film The Exhibitionist 2, qui te montre en action avec platines et machines. Est-ce qu’il y a une bonne façon de filmer un DJ set ? Que penses-tu du modèle de Boiler Room ?

Je trouve que la façon dont ils filment… C’est pas mal, je crois que cela sert un certain but. Ça pourrait être fait d’une manière plus artistique. Mais ça pourrait être mieux réalisé, de façon plus artistique. Placer un DJ au milieu et l’entourer de personnes qui gigotent sans but est une perspective. Mais ce serait bien que quelqu’un crée quelque chose de plus intéressant.

« Je pense que la plupart des DJ’s, sur scène, sont eux-mêmes. Plus que les groupes de rock, qui, souvent, projettent une image qui ne colle pas à ce qu’ils sont vraiment. Quand un DJ lève les bras pendant son set, ou s’il reste impassible, ça reflète sa vraie personnalité. »

Des suggestions ?

Le DJ cherche à raconter une histoire avec la musique. Il pourrait être installé dans un cadre particulier, où le visuel refléterait ce que raconte la musique. Le cadre pourrait être quasi théâtral, pour voir la musique prendre vie simultanément. Ou bien le DJ pourrait être dans un décor, comme un laboratoire. Bref, ça pourrait être plus conceptuel et ce serait sans doute plus divertissant.

Mais la représentation du DJ a toujours posé problème, n’est-ce pas ?

Je ne crois pas. Déjà, les DJ’s ont pas mal de confiance en eux. Ils n’ont pas peur des gens, ce serait impossible de survivre dans ce business sinon. Je pense que les DJ’s ont assez de confiance en eux pour se tenir face à une audience et faire un show. Mais les gens ont commencé à s’ennuyer de voir juste un DJ derrière ses platines. C’est à ce moment que le VJing s’est développé. C’est le business du divertissement. Mais on a le luxe de pouvoir naviguer là-dedans : on peut se cacher de temps à autre, ou au contraire se mettre dans la lumière si on le souhaite. Je trouve la représentation des DJ’s plutôt réaliste, elle colle à notre temps. À mon avis, la plupart des DJ’s, sur scène, sont eux-mêmes. Plus que les groupes de rock, qui, souvent, projettent une image qui ne colle pas à ce qu’ils sont vraiment. Quand un DJ lève les bras pendant son set, ou s’il reste impassible, ça reflète sa vraie personnalité.

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Que penser alors de Moodyman qui aimait se cacher lors de ses mix ?

Je l’ai rencontré plusieurs fois, et il est vraiment spécial. Lui et Carl Craig sont deux barjots du même acabit. Ce sont des personnes très spéciales, c’est certainement lié à leur enfance. Moodyman a grandi dans un environnement musical. Il a donc développé un profond respect pour les gens et la façon de communiquer. En tout cas, je pense que les DJ’s sont plus susceptibles d’être flexibles avec le public que d’autres musiciens. La musique est importante mais l’aspect visuel a pris un aspect prépondérant aujourd’hui. Pas encore, je crois. Aujourd’hui, tout tourne encore autour de la musique. Mais un jour, nous aurons à représenter plus, et conférer plus de place à l’aspect visuel. Et ce jour arrivera plus vite que prévu. Il y a déjà des technologies et des artistes qui les utilisent, comme le mapping ou Amon Tobin et ses shows audiovisuels immersifs. Je trouve ça super mais je pense qu’il y a des choses plus intéressantes à venir. Les lunettes 3D notamment. Je pense que la technologie parviendra à créer des environnements complètement immersifs, qui feront de l’expérience virtuelle une réalité. Une sorte de Boiler Room 2.0. 1000.0 plutôt ! Ce sera bien plus convaincant. À tel point qu’on ne verra même pas la différence entre le réel et le virtuel. On en approche.

Pourquoi n’as-tu jamais participé à une Boiler Room ?

Disons que je ne suis pas favorable à leur façon de présenter le DJ. C’est inutile de montrer 200 DJ’s dans le même cadre. Il y a pourtant tellement de choses à faire avec un DJ et une caméra. C’est dommage de garder un cadre fixe. Quel gâchis ! Personnellement, j’ai trop vu ça, à tel point que ça m’a rendu las. Les mecs au micro, qui ne semblent pas comprendre qu’il faut le tenir haut afin de parler clairement… C’est juste mon opinion, mais soyez plus professionnels, s’il vous plaît ! Il y a des DJ’s qui font ce métier depuis très longtemps et qui méritent de jouer dans un cadre qui soit plus professionnel. Ils peuvent faire mieux.

Es-tu intéressé par les documentaires ?
On attend toujours le film de Lil Louis, The House That Chicago Built, son docu sur l’histoire de la house de Chicago, pour lequel il a interviewé plus de 150 musiciens et DJ’s.

Est-ce qu’on pourrait imaginer le même genre de film sur l’histoire de la techno de Detroit ?

Il y a quelques personnes, comme Derrick May, qui réfléchissent à la réalisation d’un film qui raconterait l’histoire de Detroit. Mais je pense qu’il est trop tôt, parce que nous sommes encore tous en mouvement dans nos carrières. On est tous vivants et actifs, et l’histoire n’est pas totalement écrite. La fin resterait ouverte car les leçons n’ont pas encore été digérées. En ce moment, je lis la biographie de Miles Davis. C’est intéressant de connaître l’enfance de Miles Davis, ses goûts et sa vie, comment il a influencé d’autres personnes comme John Coltrane, etc. Et tous sont liés. Je pense que Detroit n’a pas encore évolué aussi loin qu’elle le pourrait. On ne peut pas encore lier tous les acteurs de Detroit. Si l’on posait la même question à dix musiciens de Detroit, on aurait dix réponses différentes. Il est encore trop tôt. Laurent Garnier est en train de réaliser un film basé sur son livre Electrochoc, et il s’agira d’une fiction. 8 Mile, avec Eminem, décrivait aussi de manière romancée la scène rap de Detroit.

Quelle serait la bonne approche pour raconter la scène techno ?

Pour Detroit, cela va dépendre de la vision de la personne. On a une quarantaine de personnes, Mike Banks, Carl Craig ou Dopplereffekt, qui empruntent tous un chemin différent. On ne sera pas capables de comprendre entièrement l’histoire de Detroit car elle est encore trop disparate, et surtout inachevée. Il sera intéressant de voir ce que ça va donner avec Chicago car ce sont deux histoires similaires. Frankie Knuckles avait sa vision des choses, Ron Trent avait la sienne…

Le risque, si un acteur de la scène prend la décision de faire un film, c’est d’avoir une vision partielle et d’oublier certaines personnes.

Exactement. On se connaît tous, mais on fait tous des choses différentes, chacun à notre manière. Donc ça va être difficile de raconter une histoire commune, parce que le temps n’a pas cimenté les faits. Mike Banks et moi connaissions tout le monde, mais on travaillait pour nous-mêmes. Il y avait Eddie Fowlkes, on le voyait une fois de temps en temps, mais on savait qu’il faisait de la musique, Kevin (Saunderson, ndlr) pas loin, Lorne et Lenny (Burden, les frères d’Octave One, ndlr) de l’autre côté… Certaines choses sont encore discutables, comme qui a joué le rôle le plus important dans le développement de la techno. Ça, on ne le sait pas encore, car on n’a pas fini d’apporter des choses à la techno. Il pourrait y avoir un gamin de 21 ans qui sort de nulle part pour tout retourner. On ne sait jamais.

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