Tu as été nominé aux Grammy Awards 2017 dans la catégorie “Meilleur album dance/électro”, avec Electronica 1 : The Time Machine. Comment as-tu réagi à l’annonce de cette nouvelle?
C’est génial, à la fois pour la musique électronique et pour les Lyonnais, surtout quand on connaît la compétition très rude du contexte américain. Chaque année, il y a un nombre immense de productions d’artistes talentueux en plus des poids lourds commerciaux. Être nommé est un grand privilège, après, savoir si on le ramène à la maison ou non, c’est une autre histoire. C’est une manière de célébrer le travail et le talent des artistes, en particulier français, comme Rone, Gesaffelstein ou l’Allemand Boys Noize.
Electronica 1 : The Time Machine
La musique électronique matérialise en quelque sorte la bande originale de notre temps. Elle s’est popularisée, gagnant en notoriété. Penses-tu que les Grammy cherche un artiste apte à représenter cette tendance?
Je ne me prononcerais pas à leur place. Mais c’est évident qu’il faut célébrer la musique électronique, ça dépasse ma performance, c’est l’époque entière qui est marquée par la musique électronique. Dans cette nomination, il y a quelque chose de réconfortant. C’est gratifiant de constater que les États-Unis reconnaissent que la musique électronique n’est pas née avec Avicii.
Ta tournée mondiale Electronica World Tour a débuté en juin 2016. Comment ça se passe, d’une manière générale ?
On a reçu un excellent accueil, autant de la part du public que des médias, dans tous les pays où nous sommes passés. Je dis “nous” car on est une équipe. On a passé trois mois sur la route, c’est une vraie famille qui fait un travail exceptionnel sur le son, les visuels. La surprise, c’était le public très mélangé, autant ceux qui nous suivent depuis Equinoxe et Oxygène que la nouvelle génération qui s’intéresse à la musique et à la scène électronique. Le projet sur scène est lié à la double attente du public. La tournée inclut les classiques mais démontre aussi ce qu’est un concert de musique électronique en 2016.
Equinoxe – Jean Michel Jarre
Est-ce que le show a évolué entre le premier et le dernier spectacle ?
Sans arrêt. Quand un show démarre, il n’est jamais terminé. Chacun prend ses marques petit à petit, ça prend du temps. Pour qu’un concert tourne comme tu l’imaginais au départ, il faut au moins une vingtaine de dates. Je suis assez perfectionniste, à chaque fois, je reprenais deux trois morceaux pour les peaufiner, musicalement et sur le plan visuel. On commence à obtenir ce que je voulais créer.
Comment Oxygène 3 s’est inscrit là-dedans?
Oxygène 3 est arrivé en plein milieu d’Electronica. Le morceau n’avait rien à voir. Je travaillais sur deux projets à la fois. Le morceau que j’avais créé ne collait pas au projets mais je l’ai gardé, me disant que si je devais créer Oxygène aujourd’hui, je commencerais sans doute par un morceau comme ça.
L’année dernière, la maison de disques a eu 40 ans, me proposant pour l’occasion de faire une production spéciale. L’anniversaire m’importait peu mais je me suis servi de la date butoir pour créer un projet minimaliste, Oxygène 3, après la production mammouth d’Electronica. Des artistes, des collaborateurs, des studios, des pistes m’ont permis de créer ce morceau minimaliste, dans la lignée d’Oxygène 1. Je les ai tous deux fait en six semaines ; je m’enfermais dans le studio pour lancer d’un jet un album de 40 minutes. Inconsciemment, je pensais au format vinyle avec ses faces A et B comme support d’Oxygène 3. Une des caractéristiques premières d’Oxygène 1, c’était le contraste clair-obscur. J’ai repris ce concept pour Oxygène 3, avec une face plus mélodieuse et lumineuse et une face sombre.
Je n’ai pas réécouté le premier ni le deuxième Oxygène, ça a vraiment été fait d’un jet, pour repartir en tournée directement après. Je pense que c’est ce qui fait le charme de cet album. À mon sens, il y a un besoin de développer un autre mode de consommation de la musique, loin du zapping YouTube. Les gens cherchent à créer des morceaux plus en longueur, une inversion de la tendance générale. L’écoute de la musique doit devenir une activité à part sans interférence, comme lorsqu’on regarde un film. Pour moi, Oxygène 3 est un morceau de 40 minutes. La scène électro a besoin de développer d’autres formats, avec des morceaux plus longs. Il faut se détacher du caractère utilitaire du dancefloor, le public a besoin de consommer la musique électronique différemment.
Pourquoi as-tu fait des tarifs spéciaux pour les moins de 30 ans ?
Dans des pays de l’Est, où le salaire moyen est de 300 euros, les jeunes intéressés par la culture techno n’ont pas forcément les moyens de venir. La tournée marchait bien, on a fait des salles de 12 000 places, j’ai voulu faire un geste spécial pour eux en faisant deux billets pour le prix d’un. Les prix en arenas sont chers, je voulais donner aux gens la possibilité de venir voir un concert qu’ils n’auraient pas nécessairement l’occasion de voir autrement. C’était une idée que j’avais depuis longtemps, pas simplement une offre commerciale.
Tu n’es pas trop fatigué de la tournée ?
Entre la tournée, la promo, les jours off, je n’ai pas encore réfléchi au fait de savoir si j’étais fatigué. (Rire.)