J. Albert : “Je suis fasciné par les clubs de strip-tease”

Écrit par François Brulé
Photo de couverture : ©Romain T-Nel
Le 28.04.2016, à 18h14
06 MIN LI-
RE
©Romain T-Nel
Écrit par François Brulé
Photo de couverture : ©Romain T-Nel
À 26 ans, Jiovanni Alberto Nadal aka J. Albert se rend pour sa première fois en France. Vendredi 22 avril, il proposait une performance live au Batofar. Auteur d’une house novatrice, le natif de Floride livre à Trax une interview et un morceau exclusif. À la découverte d’un créateur à part.


En 2015, Jiovanni Alberto Nadal publie ses premières productions. D’abord influencé par la techno, il découvre ensuite la house et décide d’y ajouter sa patte : des sons lo-fi et breakbeat, allant parfois chercher dans le reggaeton. Cette même année, il décide de créer son label Exotic Dance Records avec son vieux compère Juan Bocca, qui produit sous l’alias de Person of Interest. Les deux amis vivent en colocation avec deux autres producteurs. Encore dans l’ombre des grands producteurs, cette petite bande de potes fait sa route en silence. Trax s’est entretenu avec l’un d’entre eux.


Certains producteurs comme Tommy Vicari Junior, Palms Trax ou encore Project Pablo, plus récemment, apportent un nouveau souffle à la house. Quelles influences te poussent à produire une musique semblable à ce que peuvent faire ces artistes ?

Je suis très proche de Patrick (Project Pablo), nous échangeons régulièrement sur nos productions. Par ailleurs, je vis à Brooklyn, en colocation avec quatre producteurs : Anthony Naples, Max Graef. Mais je reste tout autant influencé par des références plus classiques, telles que Omar S, Joey Beltram ou plus jazz, telles que Soho. J’adore le morceau “Hot Music”, que j’écoute constamment.

Dans tes live et tes morceaux, tu sembles accorder une place importante aux sons lo-fi et breakbeat. Depuis quelque temps, ces deux mouvements resurgissent. De quel œil vois-tu cette nouvelle vague dans laquelle tu pourrais t’inscrire ?

C’est quelque chose de très récent. Lors de ces derniers mois de production, notamment sur ma sortie sur le label Black Opal (le sous label d’Opal Tapes), j’ai énormément travaillé avec des sons breakbeat, jungle et drum’n’bass. Avec les gars, nous sommes plutôt obsédés par cette culture. Si cela ne tenait qu’à moi, j’essayerais d’intégrer des MC’s lors de mes live, pour aller au-delà de la musique. J’insère aussi beaucoup de sons latinos et reggaeton. Les rythmes africains et le dub déteignent sur mes productions. Mais mon cœur reste là où je vis, à New-York. Tout ce que nous réalisons avec mes colocataires passe avant. C’est un peu comme une évolution organique.

Qu’est-ce qui t’empêche de faire appel à des MC’s ?

Ça serait l’idéal. Mais à l’heure actuelle je ne connais aucun MC pour réaliser cette performance.

En 2015, tu crées ton propre label : Exotic Dance Records. Pourquoi ? Est-ce que tu ressentais le besoin d’avoir ton propre support pour tes productions ?

Je suis pote avec Juan (Person of Interest) depuis le lycée. Nous vivons ensemble depuis très longtemps. Et l’année dernière, le moment était venu de créer quelque chose de nouveau. Nous avons alors fondé Exotic Dance Records. Nous sommes fascinés par la scène des clubs de strip-tease. Sur ce label, nous sortons uniquement des disques pouvant te retourner le dancefloor. Il n’y a aucun morceau soft. Car, quand tu vas en club de strip-tease, tu bois, tu as chaud et tu dépenses de l’argent (rires).

Quelles sont les sorties à venir sur Exotic Dance Records ?

Un de mes colocataires, Dj Wey, est sur un nouveau projet sous le nom de Dj Xanax. Après ma dernière sortie avec Person of Interest, je sors une prochaine cassette de quatre morceaux, puis viendra Dj Xanax. Ce projet s’inscrit dans un univers jungle très sombre.

j albert cover

Tu as sorti quatre EPs et un album sur quatre labels différents. Pour la prochaine étape, prévois-tu de te concentrer sur tes productions avec Exotic Dance ou alors rentres-tu en discussion avec des nouveaux labels ? Peut-être un Français ?

Non. Pour l’instant, je viens de monter mon propre label indépendant, qui n’est ni de la techno, ni de la house. Je me focalise là-dessus, je souhaite que cela reste très proche de chez moi. J’ai deux autres sorties à venir : une chez Opal Tapes et une autre chez 1080p.

Travailles-tu différemment selon le label sur lequel tu sors tes productions ?

Pas du tout ! J’adore aller en studio, faire de la musique toute la journée. Le lendemain, je réécoute tout et je me rends compte qu’il y a beaucoup de trucs merdiques. J’en sélectionne alors une voire deux qui sortent du lot. Cela m’est arrivé trois ou quatre fois de produire un morceau au sujet duquel j’ai réfléchi pendant des heures pour un label précis.

Avant ta venue en Europe, que connaissais-tu de la scène underground française ?

Selon moi, la France dispose d’une très grosse culture house avant la culture techno. J’étais d’ailleurs très excité à l’idée de venir ici, pas parce que je n’aime pas la techno, bien au contraire. Mais parfois j’ai envie de me vider la tête et je trouve la techno trop oppressive pour ça.

Après une semaine en France, ta vision des choses a-t-elle changé ?

Un peu. Aujourd’hui, la techno revient beaucoup en France. J’ai découvert Simo Cell il y a quelques jours. J’ai trouvé l’univers techno de ce mec très fascinant. On peut dire que la balance est rétablie. Même si, selon moi, historiquement le mouvement house a été plus important en France.

Vendredi 22 mai, tu jouais au Batofar pour une soirée organisée par le collectif Renascence. Comment vous êtes vous rencontrés ?

Grâce aux gars d’Opal Tapes. Matthieu Foltyn (MYN) du label Public System Recordings m’a contacté. Il voulait que l’on produise un disque ensemble et j’ai accepté. Le projet n’a pas encore abouti et les morceaux sont d’ailleurs toujours en stock. Ensuite, Stephen Bishop d’Opal Tapes a organisé une tournée. J’y ai rencontré plein de gens et j’ai adoré pouvoir discuter d’autres choses que de musique avec ces gens-là. Car souvent les promoteurs te demandent le contact d’autres artistes pour pouvoir les booker. Tout peut très vite tourner autour de l’argent, alors qu’on peut juste devenir potes avant tout.

j albert

Comment as-tu vécu cette première expérience en France ?

J’ai adoré, c’était vraiment cool. Au Batofar, les gens dansaient comme des fous. Peut-être que la pleine lune y a contribué, je ne sais pas. Même si il a plu toute la semaine, ça reste une très bonne expérience. Paris est une ville très riche historiquement. Je me suis aussi rendu sur la place de la République pour voir à quoi ressemblait le mouvement Nuit Debout et je suis clairement tombé de haut quand j’ai vu plusieurs centaines de personnes sur cette place en train de graffer, discuter, écouter du son, etc. C’était fou !

Tu te produis uniquement en live. Pourquoi ?

Je fais que du live parce que, pour être honnête, je suis un très mauvais DJ. Je n’ai pas de Technics chez moi et je ne sais pas comment réaliser un bon dj set. Aussi, acheter des disques représente un budget important. Ce n’est pas avec mes 120 vinyles que je vais faire du dj set. Étant donné que je ne télécharge jamais de musique, je ne pourrais pas assurer autant de dépenses. Pour récupérer de la musique, je contacte tel label ou tel artiste et je leur propose d’échanger de la musique.

Le 10 avril dernier, tu apparais sur la troisième sortie du label américain Broken Call Records avec Max Ravitz, Nico Jacobsen, Segv et Nick Klein. Ce projet s’avère être très techno. Comment travailles-tu lorsque tu te retrouves avec ce genre de producteurs ?

Le morceau “Ionian” doit être le quatrième ou le cinquième son que j’ai produit depuis mes débuts. Il se trouve qu’à ce moment-là, j’étais bien plus inspiré par la techno. Nico voulait le sortir sous son ancien projet, mais cela n’a pas abouti, alors nous l’avons ressorti pour cette compilation.



La chaîne YouTube Moskalus réalise des fans clips. Il en existe plusieurs sur tes morceaux. Connais-tu ces productions ?

Je connais ce qu’il fait mais je ne connais pas personnellement la personne qui se cache derrière Moskalus. Je suis heureux de voir ça, car c’est une façon pour les gens d’écouter ma musique. Je ne publie pas ma musique sur YouTube donc je me demande comment il arrive à la choper. Je trouve ça dommage qu’il ne m’ai rien demandé, sachant que j’apprécie son travail, ça aurait été avec plaisir que je lui aurais envoyé mes tracks.

Un dernier mot ?

Je travaille actuellement sur un projet très expérimental sous le nom de Dj Osom. Des nouveautés sont à venir !

Newsletter

Les actus à ne pas manquer toutes les semaines dans votre boîte mail

article suivant