25 ans de carrière… on pourrait presque dire que tu es un fonctionnaire de la musique ! Comment c’est le métier de DJ après tout ce temps ? Comment tu le vis ?
Je le vis avec toujours autant de passion, j’aime voyager, rencontrer d’autres cultures, observer comment les gens ondulent ou bougent, l’expression qui en ressort.
La musique électronique évolue […] avec le développement de nouvelles machines.
C’est aussi savoir gérer les décalages horaires, récupérer de tes voyages, ces moments passés dans les avions, les trains, les taxis, passer d’un rythme de vie le week-end à un autre la semaine. Je récupère en faisant pas mal de sport, en faisait attention à mon hygiène alimentaire…
La musique est toujours aussi importante et prend encore beaucoup de place, mais chez moi, dans mon intimité, elle est nettement moins présente. J’aime vivre pour moi, mes amis, la femme qui partage ma vie. Je mets un point d’honneur sur les relations humaines.
Comment es-tu tombé dans la marmite ?
Cela a commencé au début des années 80, j’écoutais tous les samedi soir une émission sur une radio locale marseillaise, programmation très electro-funk, funk, hip-hop, c’est ma première révélation musicale. L’animateur nous apprenait à scratcher avec notre fermeture éclaire si on avait pas de disques et platines. Je montais des megamix sur K7 en faisant des pauses/rec comme d’autres personnes pouvaient le faire en radio avec les Revox !En 25 ans, tu as eu le temps de voir passer les musiques électroniques des raves aux grands festivals. Tu en penses quoi de ce changement ? Bon ou mauvais ?
Le mouvement rave était un vrai mouvement de liberté, qui a démarré en Angleterre à la fin des années 80 car les clubs fermaient trop tôt. Les gens avaient envie de continuer à écouter de la musique et à faire la fête. Cette scène a grossi et s’est transformée au fur et à mesure en grosses raves puis festivals, mais en gardant l’esprit d’origine (déco, prix d’entrée et boissons pas chers, lieux insolites…).De nos jours, l’argent a pris le dessus, c’est malheureusement la suite logique de notre système de société.
De nos jours, l’argent a pris le dessus, c’est malheureusement la suite logique de notre système de société. On s’est aussi structuré pour rassurer les autorités, et aller contre les annulations de soirées. Dans la même logique, les cachets de certains artistes ce sont envolés, d’où les prix exorbitants de certains festivals sans déco et sans esprit. Depuis 2, 3 ans, cela change un peu, les organisateurs d’évènements font plus d’efforts sur l’ambiance, les show visuels, lieux insolites… On arrive à de supers productions, comme on a pu le voir dans le rock. La musique électronique, en ce moment, devient de plus en plus bankable, cela permet donc à plein de scènes de pouvoir exister en underground ou overground.
Le public a-t-il changé ? Et la musique ?
Le public a changé, il est plus axé sur lui-même, sur l’attitude, c’est plus individuel, il y a moins cet esprit de grande famille… Par contre le public est plus connaisseur, plus pointu, avec Internet on peut vraiment s’informer.
Le public a changé…
La musique électronique évolue au niveau de la matière : avec le développement de nouvelles machines, synthés, logiciels, elle n’arrête pas d’évoluer, ce qui est très positif.
Un anniversaire c’est toujours l’heure des bilans … Quel est ton meilleur souvenir derrière les platines ? Et le pire ?
Il y a plein de très bons souvenirs ! Le top c’est d’être en osmose avec son public, en mixant avec des conditions techniques optimales dans un lieu insolite. Il y a eu la Love Parade à Berlin en 1999 devant 1 500 000 personnes, c’est massif !
Le pire, c’est de te retrouver dans un lieu pas du tout adapté à ce que tu joues : grand moment de solitude.

Tes plus belles rencontres ?
Des gens simples, des vrais humains, cela ne tourne pas qu’autour de la musique, cela peut-être avec un pêcheur dans un petit village à Maurice, dans un ghetto à Johannesburg avec des locaux. Les gens qui t’accueillent chez eux dans des pays lointains et qui te disent “bienvenue, tu es ici comme chez toi”. Des gens avec qui tu partages des moments de vie authentiques ! Après il y a des artistes dont je suis très proche affectueusement et humainement parlant. Dave Clarke, Laurent Garnier, Carl Cox, Luciano, Colin Dale, Mr C, DJ Hell, Cisco Ferreira, Derrick May, Daft Punk, Ludovic Navarre (aka St Germain)… Mais cela me gêne de les citer car ce n’est pas leur renommée qui est importante, mais surtout ce que nous partageons ou avons partagé.Une fois, je me suis retrouvé complètement déstabilisé à Buenos Aires lors d’un festival, en me retrouvant nez à nez avec le chanteur des Prodigy, une énergie ultra puissante !
La scène électronique de Marseille ne s’est jamais aussi bien portée.
Pour fêter ces 25 ans, tu as choisi la scène du Cabaret Aléatoire à Marseille, une ville que tu représentes, même avec ton nom de scène. Toujours Marseillais ? Comment va la cité phocéenne actuellement ?
Oui toujours Marseillais !
Au niveau de la scène électronique, on ne s’est jamais aussi bien porté : il y a énormément d’événements, avec de très bonnes programmations. Entre le Toit Terrasse de La Friche, le Cabaret Aléatoire, le Rooftop R2, le Dock des Suds, le Baby, la Dame Noir, Les Halles de la Major, le MUCEM…2013, capitale européenne de la culture : ça a quand même porté ses fruits.
Toujours pour cet événement qui s’étend sur trois soirs, tu as invité Laurent Garnier et Luke Slater avec toi. Qui sont ces deux artistes pour toi ? Raconte-nous ton histoire avec eux.
Ce sont des pionniers, chacun dans leur pays, même si Laurent est le plus anglais des français (à entendre ce qu’on dit de lui en Angleterre !) Luke est Anglais, mais il a toujours eu son coté sale gosse. C’est aussi un p****n de producteur. Je pense à son premier album sur Warp au début des années 90, ou sur Peacefrog sous le pseudo Planetary Assault System, et son dernier album sorti l’année dernière sur le lable berlinois du Berghain, Ostgut Ton, sous le pseudo LB Dub Corp. Comme il habite en Angleterre, on a surtout partagé de nombreux moments à travers le globe lors de soirées ou de festivals.Laurent Garnier et Luke Slater ? Des pionniers et deux personnes très attachantes.Laurent ? Il y aurait beaucoup à dire sur son art du mix, de sa construction et de la maturité acquise dans ses productions… On s’est rencontré en 1992 à Marseille lors de la première rave à la Friche (Rave Atomix). On est très vite devenus amis, dans et en dehors des soirées, avec des moments de fous rires épiques ! Deux personnes très attachantes.
On n’oublira pas aussi les autres, Karim Sahraoui aka Djinxx qui à signé le seul album à ce jour sur le label de Derrick May (Detroit) d’une pure merveille tech –soul. Et les 2 allemands Andreas Gehm pour qui ré-invente l’Acid House de Chicago et Milton Bradley avec une techno plus hypnotique et mentale et son projet Acid sous le pseudo Alien Rain.
Pour ceux qui n’habitent pas à Marseille, quelles sont les prochaines dates pour te retrouver cet été ?
En août, tournée française, les 2 Alpes, festival Château Perché (Region Clermont-Ferrand), festival Dezing (Morgon), Le Mans, Grenoble, Aix-les-Bains, Porto Vecchio… Et une tournée européenne en automne.
On fêtera tes 30 ans ?
Avec grand plaisir !