Cet été, Anetha sera au Havre pour le festival Béton, du 26 au 28 août.
Texte : Cécile Giraud
Photographe : Quentin Lacombe
Assistant : Thaddé Comar
Stylisme : Garlone Jadoul et Émilie Türck
Make-up artist : Malory Simon
Hair Stylist : Yann Deschaud
Kraftwerk, The Cure, Fatboy Slim. À 16 ans, Anetha était ce genre d’ado qui n’écoutait pas la même musique que ses copines. À l’époque, le week-end, elle transpire dans un shop de surf pour se payer ses premières platines vinyle et se fabriquer un DJ booth maison. Elle récupère les vieilles enceintes Bose de son père, un mixeur deux pistes et deux BST premier prix. À la fac, elle se fait booker ici et là, en même temps qu’elle suit des cours d’architecture. À 24 ans, elle obtient son diplôme et une fois embauchée, c’est la désillusion. « On nous avait vendu un métier de dingue, très créatif, mais je ne me sentais pas assez libre. J’ai donc fait une pause et je suis partie vivre à Londres. » Là-bas, les membres du collectif Blocaus, rencontrés quelques mois auparavant, vont développer son profil de DJ. « À cette époque, il y avait des moments où je n’en vivais pas. Mais je me disais : tant que ça évolue dans le bon sens, je ne dois pas abandonner. Je ne savais pas de quoi demain était fait et c’était super stimulant ».

Anetha se souvient de ses premières grandes dates à Paris et ses tournées mondiales de 2015: « Quand j’ai commencé, peu de filles faisaient ça. Mon but était de prouver que l’on pouvait réussir dans un milieu essentiellement masculin, même en partant de rien. Je n’ai pas fait de formation de solfège, mais j’ai toujours eu une culture musicale très diversifiée. » La preuve en 2020 : avec la fermeture des clubs, elle ressent le besoin de se renouveler et se laisse aller vers des productions plus expérimentales. Elle planche même en ce moment sur une compilation « hyper-éclectique » autour du thème de l’eau dont les sonorités minérales et jeux de texture éthérés ravissent les haters. « Là, j’ai sorti un track un peu psytrance/techno et j’ai eu des remarques de personnes déçues, qui m’attendent sur un soi-disant terrain techno, relate Anetha. Je déteste que l’on me colle des étiquettes et je suis fidèle à mes envies. À tort ou à raison, d’ailleurs. »

Sous ses airs de diva berlinoise, Anetha a vécu 2020 comme nous : lessivée dans un sweat à capuche et retournée par l’énorme gifle flanquée par deux confinements. Le positif, c’est que ça lui a remis les compteurs à zéro. « En début d’année, je me sentais un peu surmenée, se confie-t-elle. Quand tu enchaînes des dates, parfois bookées plus d’un an à l’avance, tu penses réussir et maîtriser le truc. En fait, pas vraiment. Cette course contre la notoriété ne me permettait pas de me libérer et d’être créative. J’avais besoin de souffler. » Et c’est ce qu’elle a fait en prenant du recul sur sa carrière, bien sûr, mais aussi plus largement sur le monde. « En ce moment, c’est tellement le bordel sur tous les sujets… J’ai conscience de devenir un personnage public. Je sens que l’on attend que je prenne position, alors que c’est difficile de se sentir tout le temps légitime. Surtout en tant que femme. »

Déjà maman d’un label depuis 2019, Anetha rêve de fonder une grande famille musicale : « Mes parents m’ont transmis le goût de la musique et du partage. Donc pour moi, le collectif, c’est super important. » En cette fin d’année, elle lance donc le projet Mama Loves Ya, grand frère de Mama Told Ya. La devise : « Rave all you want, Mama got it covered ». « L’idée est de monter une structure qui aide les artistes émergents et qui me ressemblent à se développer et à se focaliser sur l’essentiel : la musique. Pour ça, on veut proposer un schéma plus responsable et transversal du DJing et de la production. Il y aura du management à 360° (édition, booking, communication, etc.) et un volet développement durable, pour essayer de réduire les émissions de CO2 liées à notre activité, détaille-t-elle. On a aussi envie de travailler sur des formes d’expression autres que le club. » À défaut d’exercer son métier d’architecte, Anetha a choisi une carrière d’architecte du son. Ce mois-ci était diffusé un de ses lives. Signé Milgram Productions x Possession, il raconte l’art de la scène aujourd’hui : magnifique, sans public et fougueusement créatif.

Retrouvez Anetha au festival Béton au Havre du 26 au 28 août.