Où êtes-vous confiné ?
Je suis installé dans mon studio sur mesure à Paris, dans le Marais. C’est une boîte dans une boîte, si je dois résumer. La pièce est insonorisée entièrement. J’ai installé une moquette panthère au sol et mon mannequin Cindy importée des States. Là-bas, ils font des mensurations qui n’existent pas. C’est pour déconner. J’ai mon bearbrick aussi. Je collectionne ces figurines depuis à peu près 15 ans. J’ai toujours gardé mon âme d’enfant et j’ai un vrai problème avec le fait de collectionner les choses… Je suis incapable de jeter quoi que ce soit, c’est une vraie catastrophe. J’ai une sorte de syndrome de Diogène. Je stocke des choses dans plusieurs storages (sic.) de Paris, ils sont tous pleins à craquer.
Comment cette période change-t-elle votre relation à la musique ?
Depuis quelques semaines, je redécouvre ma discothèque. De 1990 à 2000 j’étais dans ma cave à écouter des disques et à mixer. De 2000 à aujourd’hui, j’étais en tournée permanente, avec 100 dates par an et forcément, j’ai arrêté d’écouter des disques. J’ai du adapter ma consommation de musique à ma vie et à ce que je devais jouer : j’étais attentif aux nouveautés, en suivant les sorties sur YouTube. C’est chouette mais ça ne permet pas trop de prendre du recul sur ce qu’on écoute.
Quand le confinement a été annoncé, je n’ai pas tout de suite compris. Je rentrais d’une date à Dubaï, et la veille du discours de Macron, j’étais encore sur les cours de tennis. Après l’annonce, je me suis demandé : mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant que je suis bloqué chez moi ? J’ai décidé de ranger ma collection par ordre alphabétique. Comme j’ai 35 000 disques, je me suis dit que ça pourrait m’occuper un moment. C’est encore ce problème de collection, hein. Je n’utilise pas Discogs pour acheter des disques, je ne vais pas chez les disquaires. J’achète des collections entières, lors de bourses aux disques ou aux puces. Ce que j’ai en double, je le revends ou je le donne.

Donc je me mets à trier tout ça, je retombe sur des disques que j’avais oubliés et je me suis dit : tiens, si je faisais un petit live sur Instagram. Je n’avais jamais vraiment fait ça. Alors j’ai commencé à jouer les disques qui étaient autour de moi et j’ai vu que ça avait un super effet sur les gens. Je me suis rendu compte que je pouvais faire découvrir des disques, un peu comme un prof. Je suis Uncle Bob. J’ai fait une émission French Touch il y a trois jours : il y a des enfants qui ne connaissent pas “Around The World”, et qui ont découvert Daft Punk avec Pharrell. Plein de gens n’ont d’ailleurs jamais écouté mon album Paradise.
Le confinement m’a permis de retrouver le rapport que j’avais à la musique à 18 ans, quand je mixais dans ma chambre d’adolescent. Je me faisais des cassettes avec mes disques du moment pour aller au lycée. Maintenant, j’en profite pour rééditer quelques morceaux.
Quel est le dernier disque que vous avez a écouté ?
“The Glamorous Life” de Sheila E, c’est le dernier que j’ai écouté. Je suis en train de le rééditer là.
Quelle est la dernière vidéo que vous ayez regardée ?
J’ai regardé la finale 1988 de l’Australian Open entre Mats Wilander et Pat Cash. Il y a des passionnés qui ont des chaînes YouTube dédiées au tennis et qui mettent plein de vieux matchs en ligne. C’est fantastique. J’adore regarder Federer mais aussi les vieux matchs de Noah, de Lecomte.
Quels films comptez-vous revoir ?
Je suis nostalgique dans tout ce que je fais. Je ne peux pas l’expliquer de façon psychologique ou analytique mais j’aime ce qui me rappelle ma jeunesse. Alors j’en profite pour regarder des vieux classiques : Taxi Driver de Martin Scorcese, Certains l’aiment chaud avec Maryline Monroe, Mélodie en sous-sol… et les films d’Audiard. C’était des films familiaux, les films du dimanche soir, je prends plaisir à regarder tout ça pour tout ce que ça m’évoque. Je n’aime pas trop les films qui traitent de la vie de tous les jours, même si récemment j’ai vu Hors Normes avec Vincent Cassel. C’était assez bon et attendrissant mais je crois que je préfère les films de voyous.
Mais mon film préféré reste Phantom of the Paradise, de Brian de Palma.

Que lisez-vous ?
Comme je suis un peu obsédé par la figure du diable et par le mythe de Faust, je me suis lancé dans la lecture de Le maître et Marguerite, de Mikhaïl Boulgakov. Le bouquin est incroyable, j’en suis à la moitié là. On dirait un Lellouche, mais écrit. Déjà, un Lellouche filmé, c’est dur à suivre, mais alors là… Bon, il faut s’accrocher mais le bouquin est vraiment fantastique.

Le confinement vous permet-il de faire des choses qui auraient été impossibles à réaliser en temps normal ?
Je peux jouer ce que j’ai envie de jouer quand j’ai envie de le jouer. Je peux être le plus pointu possible et les gens continuent de m’écouter. Et croyez-moi, c’est impossible à faire quand je suis en date ou en tournée. Malheureusement, ou heureusement, je suis un artiste qui est représenté par un certain style de musique. Les gens qui se déplacent en club quand je suis programmé veulent me voir jouer mes tubes comme “World Hold On”. Le succès fait que je joue dans des clubs commerciaux. Mais j’essaie de ramener un petit Paul Johnson avec moi, un morceau de Chicago que j’aime particulièrement, de French Touch… J’aimerais beaucoup jouer des morceaux africains que je kiffe, mais je ne peux pas le faire parce que ça ne va pas avec la couleur de mon set. J’ai déjà essayé de le faire, d’oser des choses en set mais immanquablement je perds l’attention du public, je perds le groove. Ça me frustre. Ce que je suis en train de vivre, avec ce confinement et ces livestream, je crois que ça va me faire changer : en sortant, je vais peut être dire « Eh, oh ! Les amis, j’ai mixé ce que j’avais à mixer, maintenant j’ai envie d’aller dans cette direction, alors vous me suivez ou pas ? »
Quel monde aimeriez-vous trouver une fois la pandémie passée ?
J’aimerais bien qu’on retrouve un peu de France. Sans être nationaliste hein. Mais bon, j’aimerais bien que la moutarde de Dijon, elle soit de nouveau produite à Dijon. J’aimerais que ce coup d’arrêt provoque une prise de conscience, que l’on consomme du 100 % français, que l’on s’approvisionne dans des circuits plus locaux. Je ne suis pas un grand écolo mais quand je dois jeter un papier, j’essaie de trouver une poubelle. Dans un hôtel, je ne fais pas changer mes serviettes tous les jours. Si tout le monde fait un petit geste à la fin on arrive à quelque chose. J’habite dans le Marais et quand je passe la tête dehors, depuis trois semaines maintenant, ça sent bon, on entend les oiseaux. Ça fait quand même réfléchir…