Jeudi 6 février dernier, l’incendie d’une usine californienne a inquiété toute l’industrie du disque et pourrait bien conduire à une crise du marché mondial. L’usine en question, Apollo Masters près de Los Angeles, était l’une des deux seules au monde à fabriquer la précieuse laque qui sert dans la fabrication des disques vinyles. Elle était responsable de 80 % de l’approvisionnement mondial, et notamment de toutes les laques pour les disques 45 tours.
Plus précisément, la laque sert à la première étape d’un processus complexe, ainsi que nous l’explique Antoine Ollivier, un des fondateurs de l’atelier de pressage de vinyles M com Musique, près de Rennes : « pour fabriquer un disque vinyle il y a trois étapes : 1) le cutting, la gravure du disque mère, 2) la galvanisation, qui permet de réaliser un moule, 3) le pressage du disque. Là c’est la première étape qui nous intéresse. La gravure peut se faire avec deux matériaux, soit des disques en aluminium recouverts d’une couche de laque, qui ressemble à du vernis à ongles, soit avec une plaque d’aluminium recouverte d’une couche de cuivre (Direct Metal Mastering). La laque étant plus tendre, on peut y faire entrer plus d’information que dans du cuivre, donc la qualité est meilleure. De plus, le procédé DMM est moins maîtrisé. Aux États-Unis personne n’en fait. En Europe ça se compte sur les doigts de la main. Et même ceux-là sont inquiets, parce que, de toute façon, ils ne pourront pas fournir tout le monde. Dans tous les cas, le marché est en péril ».
Pour le moment, les fabricants de vinyles accusent le choc et restent dans l’expectative, évaluant leurs possibilités. Même les clients de l’autre distributeur de laque, MDC, comme c’est le cas de M Com Musique, sont affectés par une hausse de prix et l’incertitude des délais de livraison : « L’usine explique que suivant la demande ils vont certainement rajouter des lignes de production, mais ça ne se fera pas du jour au lendemain. On est aussi au courant de certaines initiatives européennes balbutiantes de nouvelles entreprises qui fabriqueraient des laques. Mais entre la mise en place et la livraison finale, on ne sait pas combien de temps ça peut prendre parce qu’il y a des notions de qualité, de test, de séchage aussi, car il faut six mois pour faire sécher une laque ».
Le mot d’ordre de ces prochaines semaines sera donc la débrouille, dans un contexte qui laisse les fabricants quelque peu impuissants, comme l’admet Antoine Ollivier : « Pour l’instant on a des plans pour se fournir régulièrement, mais entre ce qu’on nous annonce et les faits réels il peut y avoir un écart. L’état actuel des choses c’est que toutes les heures on a des informations différentes. La seule chose qu’on peut faire aujourd’hui à notre niveau c’est de surveiller ce qui se passe. Clairement, tout le monde a peur ». Un constat alarmant qui appelle sans doute à une réorganisation des infrastructures à l’œuvre dans l’économie du disque vinyle.