Elle est souvent l’un des rares dénominateurs communs chez les spectateurs de n’importe quel festival. Tout le monde la connaît et il semble aujourd’hui inenvisageable de partir au camping sans elle. Au fil des années, la tente 2 secondes est en effet devenue une véritable star. Mais derrière cette invention de génie commercialisée en 2005 par la marque Quechua du groupe Décathlon, il y a surtout l’histoire d’un homme né en 1971 en plein milieu du Sahara, au sein d’une famille de treize enfants. Abderrahman El Elaammari est en effet un vrai enfant du désert, le genre à prendre son temps quand il monte son logis au milieu des dunes de sables. « Quand on est né sous une tente touareg qui sent bon la laine de dromadaire – et les poils de chèvre -, les nouveaux matériaux sophistiqués et légers, vous comprenez… », expliquait-il il y a quelques années au journal Libération. Mais après avoir étudié l’électrotechnique puis la littérature arabe à Marrakech, il décide de partir en France et finit par s’installer au pied du Mont-Blanc, pour travailler comme chef prototypiste chez Décathlon. C’est là que celui que tout le monde surnomme “Abi” réalise à quel point pour beaucoup, construire une tente relève du véritable calvaire. Un jour, son chef de produit vient le voir en lui expliquant qu’il voudrait « une tente qui fait “wouahou” quand on l’ouvre ». Sur le coup, Abi lève les yeux au ciel : « Que des enfants gâtés, ces Européens ! Il leur faut tout, dans l’instant. »
Cela ne l’empêche pas de plancher sur le sujet pendant des jours et des jours. Sans relâche, il coud, assemble, dessine des croquis, essaie de trouver le petit truc qui pourrait rendre tout ça possible et simplifier la vie de millions de campeurs. Pour ça, il part même essayer ses prototypes dans le massif du Toubkal au Maroc avant de les asperger de 450 litres d’eau par heure pour tester leur résistance aux pluies tropicales. « Pour quelqu’un qui a grandi entouré de mirages, c’est un comble. Mes parents sont fous quand je leur raconte ça. Chez nous, l’eau c’est la vie ! », plaisante-t-il dans les pages du quotidien. Un jour, en attendant l’avion à l’aéroport de Casablanca, il trouve enfin la solution qui lui manquait et invente un système d’agrafes permettant d’accrocher la chambre et le double toit. Ça y est, la tente instantanée vient de naître. Et dès le premier mois qui suit son lancement en mars 2005, Décathlon voit ses ventes grimper de 30%. Partout, on s’initie donc au lancer de tente et progressivement, le produit Quechua devient un classique, décliné en plusieurs couleurs et plusieurs modèles.
Depuis, grâce à l’invention de ce touareg hors-normes, la vie des campeurs est devenue une telle partie de plaisirs que nombreux sont les festivaliers qui refusent désormais de quitter leur camping pour aller voir les concerts qui leur sont proposés. Car finalement, le camping des festivals est un lieu à part. Comme une bulle dans laquelle les barrières sociales n’auraient plus aucune valeur, il est l’un des rares endroits où tout le monde est logé à la même enseigne, sous sa tente Quechua construite en deux petites secondes. Dans le numéro 221 de Trax Magazine, c’est justement ces festivaliers obsédés par les joies du camping qui sont à l’honneur le temps d’un article qui les voit détailler leur amour pour la chaise pliante, la bière tiède et le lancer de tente. Nul doute que pour eux, Abi est d’ores et déjà une légende.