Harcèlement : comment une jeune blogueuse veut changer les mentalités par téléphone

Écrit par Emma Buoncristiani
Photo de couverture : ©AFP
Le 03.08.2020, à 15h42
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Écrit par Emma Buoncristiani
Photo de couverture : ©AFP
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A 24 ans, Daisy a décidé d’agir. Confrontée, comme une grande majorité de femmes, au harcèlement de rue, la jeune blogueuse a eu l’idée de créer une plateforme téléphonique dédiée. Une fois le numéro composé, un répondeur explique les bases du consentement à ceux qui n’ont pas compris le principe. Sa créatrice revient, pour Trax, sur l’histoire du 07 80 99 37 34.

Comment est venue cette l’idée de mettre en place un numéro anti-relous ?

Le 16 juillet dernier, un numéro de ce type a fait parler de lui sur Instagram. Beaucoup de personnes le partageaient dans leurs stories. J’ai voulu me renseigner, et une amie m’a informé que le numéro avait été supprimé, qu’il datait de quelques années déjà. J’ai fait mes recherches et effectivement, depuis 2017 il n’existait plus, à cause d’un nombre trop important de spams reçus. À ce moment là j’ai tout de suite pensé à un ancien numéro que j’ai, que je n’utilise plus mais qui est encore actif. Ensuite, j’ai préparé un texte de réponse à ces harceleurs du quotidien en leur précisant ce qu’est le consentement et j’ai tout de suite commencé à partager ce numéro sur le compte Instagram de mon blog Youre Precious.

En quoi te sens-tu concernée par le sujet du harcèlement ?

Lorsque j’avais environ 13 ans, j’ai connu des situations où les hommes me suivaient dans la rue. Puis, j’ai commencé à travailler en tant qu’hôtesse d’accueil dans une gare. J’étais donc face au public toute la journée et ces situations se sont accentuées. J’avais très souvent des demandes de mon numéro de téléphone, des menaces si je n’allais pas dans leur sens… Même dans la société où je travaillais, des mecs s’amusaient à prendre le numéro des filles pour leur envoyer des messages ou les appeler. Un soir, un chauffeur Uber m’a demandé mon numéro. Je n’ai pas voulu le lui donner et il m’a répondu : « de toute façon, je l’ai déjà avec l’application ». Plus récemment, au travail, je suis passée coordinatrice et la situation s’est encore détériorée. Je gérais parfois des équipes allant de 10 à 40 personnes, que je devais souvent contacter. Tous avaient donc mon numéro de téléphone personnel… et les dérives arrivent vite. C’est pour cette raison que je me suis créé un numéro professionnel, qui est celui que j’utilise aujourd’hui contre le harcèlement.

Le répondeur que tu as mis en place, que dit-il ?

« Ok, si tu reçois ce message c’est parce que tu as été trop insistant avec une femme qui ne voulait pas te donner son numéro mais qui s’est sentie obligée de le faire pour que tu la laisses tranquille. Un non ne signifie pas « Insiste encore plus » mais « laisse-moi je ne suis pas intéressée ». J’espère que tu comprendras la prochaine fois. »

Que répondent les hommes après avoir écouté le message ?

Souvent, la réponse est gentille, ou tient en « ok ». Mais parfois, après avoir écouté le message sur le consentement ils lancent des insultes, sûrement blessés dans leur égo. Il m’arrive aussi de recevoir des photos intimes. Une fois, un homme a répondu croyant qu’il s’adressait encore à la jeune femme qui lui avait donné le numéro : «T’étais super bonne dans ta petite robe, je te jure tu m’as ensorcelé ».

Est-ce qu’il y a beaucoup de spams ?

Oui, énormément. C’est à cause de ça que l’ancien numéro a sauté. Il était automatisé et n’a pas supporté d’avoir autant de spams. Moi j’en reçois aussi. Samedi dernier par exemple, en l’espace d’une demi heure j’ai reçu plus de 100 spams. Mais comme j’ai accès aux numéros qui envoient des spams, je vais pouvoir aller porter plainte contre ça. Donc en parallèle je monte un dossier pour aller porter plainte.

Une cagnotte participative est ouverte en ligne. À quoi va-t-elle servir ?

Pour le moment, le numéro ne marche qu’en France. J’aimerais donc demander un élargissement géographique à la Suisse et la Belgique notamment. Pour ça, j’ai besoin de fonds. Elle servira aussi à prévoir une solution si jamais le numéro venait à sauter, et à créer un cadre légal au projet en déposant une marque.

Tu veux faire ça jusqu’à quand ?

Je ne compte pas vraiment arrêter, rassurez-vous !

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